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FONTE
VRAUD.

Quoique le Bienheureux Robert eût mis fon Ordre fous ORDRE DI Regle de faint Benoît, les Religieux fe qualifierent néanmoins dans la fuite Chanoines Reguliers, & prirent la Regle de faint Augustin ; mais ils furent derechef foumis à la Regle de faint Benoît par les Statuts de la Réforme qui fut faite en 1474. par le zele de varie de Bretagne vingt-fixiéme Abbeffe. Comme cet Ordre étoit tombé dans un grand relâchement, cette pieuse Abbeffe s'adreffa l'an 1459. au Pape Pie II. le priant de remedier aux abus qui s'y étoient gliffés. Ce Pontife députa Guillaume Chartier, Evêque de Paris & les Abbés de Cormerie & d'Airvau, avec le Doïen de Nôtre-Dame de Paris pour réformer cet Ordre, avec un plein pouvoir de dreffer des Conftitutions felon qu'ils jugeroient être plus à propos. Ces Commiffaires vifiterent la Maison de Fontevraud & celles de fa dépendance, & y firent quelques Ordonnances. Ils fupprimerent même quelques Prieurés qui étoient trop ruinés, où il n'y avoit aucune efperance d'y pouvoir rétablir la discipline réguliere, & ils en appliquerent les revenus à la Menfe du grand Monaftere, à condition qu'aprés la mort des Religieufes qui demeuroient, on y envoieroit quelques Religieux pour y célébrer l'Office divin, lefquels Religieux feroient revocables à la volonté de l'Abbeffe de Fontevraud. Mais comme dans la plupart des Maifons, les lieux & les perfonnes n'étoient pas pour lors difpofés à recevoir une entiere & parfaite Réforme, ils ne purent remettre l'Ordre dans fon premier efprit, & ils uferent de grandes moderations. Ils permirent même aux Religieufes de fortir de leur Clôture avec la feule permiffion de la Prieure, attendu la pauvreté où étoient reduits la plupart des Monasteres, dont les Religieufes ne subsistoient qu'autant qu'elles fe procuroient quelque foulagement par leurs forties.

Quelques Religieufes ne furent pas contentes de cette Réforme,& voulant vivre dans une Obfervance plus exacte, elles engagerent Marie de Bretagne à fe retirer au Monatere de la Madelaine prés d'Orleans, dans l'efperance d'y pouvoir plus aifément commencer une Réforme plus parfaite. Cette fainte Religieufe qui ne refpiroit que le zele de' la Maifon de Dieu, accepta cette propofition. Elle fe retira dans ce Monaftere, & y prit toutes les mesures néceffaires

Tome VI.

N

VRAUD.

par

ORDRE DE pour y établir une Réforme fixe & ftable. Elle commença FONTE- pour cet effet faire faire un recueil de divers Statuts,tirés en partie de ce que les Vifiteurs Apoftoliques avoient fait, & en partie des Constitutions du Bienheureux Robert,comme auffi des Regles de faint Auguftin & de faint Benoît, & pria des Religieux des Ordres de faint François, des Chartreux & des Celestins de les mettre en ordre, ce qui fut executé en fort peu de tems: mais avant toutes chofes elle fit rebâtir de nouveau le Monaftere de la Madelaine, & le fépara en deux habitations féparées, l'une pour les filles, l'autre pour les hommes. Elle y fit enfuite observer les nouveaux Statuts, & elle s'adreffa au Pape Sixte IV. l'an 1474. pour en obtenir la confirmation. Sa Sainteté députa les Archevêques de Lion, de Bourges & de Tours, avec les Abbés de Cormerie & de faint Laumer pour les examiner, avec pouvoir d'y changer ce qu'ils jugeroient à propos. L'Archevêque de Lyon fubdelegua Jean Berthelot Chanoine & Chantre de faint Martin de Tours. Ces Commiffaires aprés y avoir fait quelques changemens les publierent, & ils furent acceptés le 23. Juillet 1475. par les Religieufes & les Religieux du Monaftere de la Madelaine d'Orleans, qui fut le feul pour lors qui reçut la Réforme. Mais peu de tems aprés

ceux de la Chaize-Dieu & de Fontaine imiterent celui de la Madelaine, & ces trois Maifons furent les feules qui furent reformées du vivant de Marie de Bretagne,qui mourut l'an 1477. fous le gouvernement d'Anne d'Orleans, qui lui avoit fuccedé à l'Abbaïe de Fontevraud, lorfqu'elle la quitta pour se retirer au Monaftere de la Madelaine. Il y y en eut encore quatre qui fe foûmirent à la reforme, qui furent celles de l'Encloiftre en Gironde,de Foici en Champagne,des Filles-Dieu de Paris, & de Varville en Bauvoifis. Ce fut pour lors que l'Archevêque de Bourges & quelques autres des Commiffaires qui avoient été députés par Pape Sixte IV. pour examiner les Statuts de la Réforme, avec pouvoir d'y retrancher ou d'y ajoûter comme ils le jugeroient à propos, les rendirent communs pour tous les Cotivens Réformés par un acte du mois de Janvier 1479.

le

Renée de Bourbon aïant fuccedé à Anne d'Orleans l'an 1491. un de fes principaux foins fut de travailler à faire recevoir la Réforme dans tout l'Ordre : ce qu'elle fit avec un

VRAUD.

fgrand fuccès, qu'elle introduifit la Réforme dans vingt- ORDRE DI huit Maifons. Elle commença par le Monaftere de Fonte- FONT vraud qui étoit le Chef de l'Ordre: mais elle y trouva de fi grands obftacles de la part des Religieux & des Religieufes qui ne vouloient point de réforme, qu'elle fut obligée de recourir à l'autorité de Louis XII. qui la favorifa dans fon pieux deffein : & l'an 1504. elle y fit venir par ordre de ce Prince quarante deux Religieufes Reformées qu'elle sira des Monafteres de la Madelaine d'Orleans de la Chaize-Dieu, de Fontaine, de Foicy, de l'Encloistre en Gironde, de Varville & des Filles-Dieu de Paris, tous Couvens réformés par Marie de Bretagne & Anne d'Orleans, & elle envoïa les Religieufes qui avoient été les plus oppofées à la Réforme en d'autres Monasteres.

Comme felon les nouveaux Statuts il falloit faire vœu de Clôture, elle fut la premiere à en donner l'exemple: ce qu'elle fit l'an 1505. entre les mains de Louis de Bourbon Evêque d'Avranche, fon frère naturel, en présence de la Reine de France Anne, Ducheffe de Bretagne, de Jeanne d'Orleans Ducheffe de Valois, de Charlotte de Bourbon Comtesse de Nevers la fœur,& de plufieurs autres Princes & Princeffes. Deux jours aprés les Religieufes anciennes qui étoient restées à Fontevraud firent le même vœu de Clôture, & le decret de la réforme fut univerfellement reçur dans ce Monaftere l'an 1507. par toutes les Religieuses au nombre de quatre-vingt-deux Profeffes & de dix Novices, & par plufieurs Religieux.

Mais ce ne fut pas fans peine qu'elle réüffit dans l'établissefement de cetteRéforme générale:car elle eut àfurmonter des traverfes que lui fufciterent les Religieux, qui avoient déja reçu la Réforme, qui pour leur interêt particulier ne foùhaitoient point cette Réforme générale car il étoit dit par les Statuts de la Réforme dreffés par les Commiffaires de Sixte IV. que l'Abbeffe de Fontevraud ne jouiroit point de fa jurisdiction en tout l'Ordre, que lorfque la Réforme auFoit été introduite dans le Monaftere de Fontevraud : c'eft pourquoi les Religieux réformés voïant que quand la Réforme feroit reçue à Fontevraud, le pouvoir qui leur avoit été accordé par provifion de vifiter les Couvens réformés cefferoit, ils traverferent l'Abbeffe dans le deffein de la Ré

VRAUD.

ORDRE DE forme générale, & n'y confentirent qu'à condition qu'elle FONTE- leur continueroit la même autorité, la menaçant de la faire déclarer triennale, fi elle ne leur accordoit leur demande.. Ce fut pour le bien de la paix & pour réüffir plus aisément dans fon entreprise, que cette Princeffe fit un concordat avec eux l'an 1504. par lequel elle leur accorda que les Religieufes & les Religieux des Couvens Réformés vivroient felon leur maniere accoûtumée, fans qu'elle eût aucune puif sance sur eux, à raifon de la Réforme qu'elle venoit d'établir à Fontevraud, nonobftant ce qui étoit contenu dans Les Statuts au fujet de la jurifdiction, dont elle fe démettoit en leur faveur, & que quant à la perfonne de l'Abbeffe pour fçavoir par qui, en quel tems, & de quelle maniere elle feroit vifitée, quelle feroit fon autorité & celle des Vifiteurs, & fi celles qui lui fuccederoient, feroient perpetuelles, ou pour un tems; on s'en rapporteroit à des arbitres qui feroient nommés de part & d'autre.

Cette Princeffe étant tombée malade en 1506. on exigea d'elle dans l'extrêmité de fa maladie une procuration pour terminer ces differens : & par un Concordat qui fut paffé en vertu de cette procuration, elle devint foûmise à fes Inferieurs, en ce qu'elle devoit être vifitée par fes Religieux qui avoient même le pouvoir de la fufpendre & de la dépofer. Mais étant revenuë en fanté, elle revoqua cette procuration, & poursuivit avec zele la Réforme. Elle obtint une Bulle de Leon X. qui l'approuvoit, & la confirmoit dans fon pouvoir, & des Lettres Patentes du Roi qui l'autorifoit dans fon pieux deffein.

Les Religieux réformés voulant fe prévaloir du Concordat qui avoit été figné en vertu de cette procuration qu'elle avoit revoquée, voulurent le faire omologuer au Parlement de Paris. Mais les anciens Religieux s'y oppoferent, comme étant contraire aux Coûtumes & à l'efprit de l'Ordre. L'Abbeffe & le Procureur Général se joignirent à eux, 'le procès fut pendant à la Cour depuis l'an 1508. jufqu'en l'an 1518. que le Roi évoqua l'affaire au Grand Confeil, qui rendit le 18. Mars 1520. un Arrêt qui caffa le Concordat, & ordonna que l'Abbeffe feroit perpetuelle, & ne feroit vifitée que d'autorité Apoftolique, par un Religieux d'un autre Ordre réformé : ce qui fut confirmé par le

ORDRE DE
FONTE

YRAUD.

Pape Clement VII. l'an 1523. Eleonor de Bourbon qui avoit été nommée Abbeffe de RA. Fontevraud en 1575. aprés avoir gouverné cet Ordre avec beaucoup de conduite & de prudence pendant prés de trente ans, fe voïant dans un âge fort avancé, demanda une Coadjutrice au Roi Henri IV. fon neveu, pour foûtenir avec elle le fardeau du gouvernement de l'Ordre, & l'aider à en déraciner quelques abus qui s'y étoient gliffés par le malheur des guerres civiles. Elle jetta pour cela les yeux fur la Mere Antoinette d'Orleans fa niece, qui s'étoit retirée au Couvent des Feüillantines de Toulouse, où elle avoit pris l'habit, comme nous avons dit ailleurs. Cette Princeffe lui fut ac

cordée pour Coadjutrice, & les Bulles en furent expediées à Rome l'an 1604. La Mere Antoinette d'Orleans ne confentit à aller à Fontevraud qu'à condition qu'elle n'y demeureroit qu'un an, & qu'elle ne quitteroit point l'habit de Feüillantine, en forte qu'il fallut obtenir un fecond Bref du Pape Paul V. pour l'obliger à prendre l'habit de Fontevraud, & la Charge de Coadjutrice. Elle obéit, fans perdre pourtant l'efperance de revoir fon Convent de Toulouse. Elle commença l'exercice de fa Charge par bannir de Fontevraud la proprieté de tout ce que poffedoient les Religieufes, & les obligea par fon exemple & par le pouvoir qui lui avoit été donné par l'Abbeffe, à vivre dans une obfervance exacte de leur Regle. Elle procura la même chofe dans les autres Maifons: mais aprés la mort de l'Abbeffe fa tante, elle se démit de fa Coadjutorerie,& obtint du Roi la permiffion pour proceder à l'élection d'une autre Abbeffe.

Il y eut encore de grandes conteftations dans l'Ordre, fous le gouvernement de Jeanne Baptifte de Bourbon, au fujet de quelques maifóns que les Religieux prétendirent avoir pour y demeurer feuls & y recevoir les Novices. Dès l'an 1621. ils folliciterent Abbeffe Loüife de Bourbon Lawedan de faire revoir la Regle. Cette Princeffe demanda pour ce fujet des Commiffaires au Pape Gregoire XV. qui nomma pour cette revifion quelques Prélats par fa Bulle de l'an 1621. mais on infera dans la Regle qui fut dreffée de nouveau, tant de chofes qui tendoient à la ruine & à la deftruction de l'Ordre, qu'elle ne fut reçuë ni par les ReligieuLes, ni par les Religieux. Ce qui fit que la chofe refta inde

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