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neaux, fa gayeté & la vie. Celle-là fiffle en fortant; ma montre y fonne l'heure que l'on veut; celle-ci ne fait point de bruit, & ma montre ne s'y fait point entendre celle-là feconde la defcente du pifton; celle-ci ne la facilite pas cellelà ne pénêtre ni le verre, ni le crystal; autrement, chaffée hors de la pompe par la rainûre, elle reviendroit, en faisant un circuit, traverferoit le récipient, y rentreroit & produiroit toûjours le même effet; comme l'air chaffé de la cheminée par la flamme revient toûjours avec le même fifflement par les fentes des portes ou des fenêtres celle-ci pénêtre fans résistance au travers du récipient, puifqu'elle fuccéde à celle-là, & qu'elle transmet la lumiére jufques à nos yeux. Il faut donc que celle-là foit plus groffiére, & c'eft l'air; que celle-ci foit plus deliée & c'est la matiére fubtile. Il y a donc de la matiére fubtile, ce qu'il falloit prou

ver.

Il y a, dis-je, de la matiére fubtile; & la matiére fubtile eft auffi ancienne que l'Univers, s'il y a dans l'air que nous refpirons, une matiére plus déliée que "P'air même : or, il y a dans l'air une matiére plus déliée, que l'air même : car une matière qui pénêtre le verre & le cryf

tal, eft une matiére plus déliée que l'air même; l'air, qui porte la vie dans nos poumons, ne pénêtre ni le verre ni le cryftal, puifque les animaux meurent faute d'air dans un grand vaiffeau de verre ou de crystal or, il y a dans l'air une matiére qui pénêtre le verre & le cryftal, la lumière pénêtre certainement l'un & l'autre, puifqu'elle nous fait voir autravers de l'un & de l'autre les objets colorés, & que fes rayons paffant par le prifme, viennent offrir à nos yeux les couleurs de l'arc-en-ciel, & vont peindre la muraille des plus belles couleurs : or, la lumière eft une matiére répanduë dans l'air, c'eft un corps; en effet la lumiére touche, agite, bleffe mes yeux; & ce qui touche, agite, bleffe un corps, eft un corps. Lucréce parle en Phyficien, quand il dit :

Tangere enim & tangi, nifi corpus, nulla poteft res.

Le corps feul

peut toucher, & ne tou

che qu'un corps.

Donc la matiére fubtile exifte. Hé n'est-ce point une matiére plus déliée que l'air, une matiére fubtile, qui dans les temps chauds, fenfible, pour

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ainfi dire, aux nouveaux degrés de cha leur, perce le verre du thermometre, y fait fermenter & monter l'efprit de vin pour nous faire voir à l'œil les nouveaux degrez de chaleur que nous fentons? Ne faut-il pas qu'une matiére de cette efpéce s'infinue dans le fein de la terre par des millions de canaux infenfibles, pour donner par leur mouvement aux élémens divers cette configuration, cet arrangement, ce tiffu qui fait les pierreries, l'argent & l'or? N'eft-ce pas la matiére fubtile, qui dirige l'aiman, l'agite, l'anime, fort de fa fubftance, pour l'environner d'un tourbillon de limaille de fer, & lui fait rechercher ou fuir le fer ou l'acier, fans que les pierreries, ni l'or, ni l'argent fasfent d'impreffion fur lui? Elle qui par des routes imperceptibles va chercher, ronger, miner, altérer l'intérieur des corps durs, (a) de l'or même, qui perd insensiblement de fon poids, & réduire en pouffiére les pierres, & les plus fuperbes édifices? Elle qui fait par fon agitation les fermentations, la fluidité du fang, & des liqueurs, & rend la fubftance du cerveau plus molle, plus flexible, plus propre à

caufer de nouvelles idées ?

(a) Selon les expériences de M. Boyle. Rep. des L. Fev. 1686. pag. 179. Tom. 5...

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ARISTE. C'eft-à-dire que la matiére fubtile opére les miracles aux yeux de ceux qui les admirent, tandis qu'ils la méconnoiffent. Elle éclaire, & l'on ne l'aperçoit point; fa lumière découvre les myftéres les plus fecrets, & ne la fait pas connoître; elle demeure dans les ténebres, tandis qu'elle répand le jour partout; elle donne de la vivacité, de la pénétration à l'esprit; & l'efprit s'en fert malignement contre elle car j'entens tous les jours plaifanter fur la matiére fubtile des nouveaux Philofophes. Elle eft la fource des richeffes, & on la rejette; elle ranime la vieilleffe, qui la feroit volontiers rentrer dans le néant ou la diffiperoit, fi par fa fubtilité prodigieufe, elle n'échapoit aux yeux de fes ennemis. (En faifant des heureux, elle fait des ingrats.)

EUDOXE. Je m'aperçois, Arifte, que l'idée feule de matiére fubtile réveille votre belle humeur. Peut-être la matiére fubtile y a-t'elle plus de part que vous ne croyez, à cette belle humeur; l'agitation vive, & néanmoins modérée, qu'elle produit dans votre fang & dans les fibres de votre cerveau, fert à diffiper l'humeur fombre, à donner des idées enjouées. Vous badinez, vous riez de ma

penfée fur la matiére fubtile ; j'efpére que

nos entretiens vous en feront fentir la folidité; que la matiére fubtile aura fait de vous un homme d'efprit, fans en faire un ingrat.

ARISTE. Je crois dans le fond votre penfée folide, Eudoxe ; je fuis pour la matiére fubtile. Elle réjouit mon efprit; j'aime à la voir circuler à votre gré dans tout l'Univers, & opérer partout des merveilles. Sa petiteffe même ne me fait pas peine après que nous avons vû des animaux vingt-fept millions de fois plus petits qu'une mite. Mais comment Ariftote, qu'on appella le Génie de la Nature, n'apperçut-il nulle part cette feconde fource de prodiges?

EUDOXE. Quand Ariftote ne l'auroit point apperçue, elle n'en feroit pas moins réelle il n'apperçut pas bien la circulation du fang qui couloit dans fes veines; le fang n'a pas laiffé de circuler dans tous les hommes depuis le premier jufqu'à nous, allant avec une rapidité prodigieufe, du cœur aux extrémités du corps, revenant avec la même vîteffe des extrémités du corps au cœur, comme nous le verrons quelque jour. Mais lifez. Ariftote; vous fçavez le Grec, ignoré de bien des ennemis d'Ariftote; & en cent

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