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volontiers aux dépens de ces Mef. fieurs, cela le foulage. Il n'eft donc pas étonnant que les trois quarts & demi du monde perdant patience en lifant cet Ouvrage, demeurent dégoûtez d'un Livre qui deviendroit plus utile & plus amufant, fi fans lui rien ôter de ce qu'il a de folide, on pouvoit le dépouiller de fon air dog matique.

C'eft ce que j'ai voulu effayer après avoir été excité à ce travail par pluheurs Personnes d'efprit, qui m'ont enfin déterminé à l'entreprendre, en m'affurant que je férois plaifir au Public de lui donner une Traduc tion de Guzman d'Alfarache, purgée des moralitez fuperfluës. Il m'a fallu pour cet effet abreger, ou même retrancher, les écarts de morale qui font perdre de vûë le Heros Mr. Bremont auroit bien dû nous les ôter, mais il aimoit trop lui-même le verbiage, pour pouvoir fe réfoudre à nous rendre ce fervice; car ce n'é

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toit pas un Traducteur affez timide pour refpecter ce qui lui auroit dé plû dans fon Original. Comme on le peut voir par fa Préface où il s'applaudit des changemens qu'il a faits. J'ai, dit-il, paßé le rabot fur plu fieurs chofes, & ajoûté de petites façons, qui, fans vanité, n'ont pas gâté l'Ouvrage. Ce n'est pas une petite affaire, que d'un habit à l'Espagnole, en faire un à la Françoife, & furtout

d'un habit vieux.

Il eft conftant que la difference des génies des deux Nations peut juftifier une grande partie des li cences qu'il a prises. Sa Traduction n'auroit pas été fupportable, fi elle eut été litterale. Auffi ne l'eft-elle point du tout; & au lieu de ce qu'il a dit, il devoit plûtôt dire qu'il a coupé en plein drap. Examinons en quoi confiftent ces petites façons qu'il fe fçait fi bon gré d'avoir ajoûtées à fon Original. Premiérement, il s'écarte prefque à tout

moment du texte 2 pour y faire des fupplémens, qui font, à la vérité, quelquefois fi néceffaires, qu'il faut lui en tenir compte, quoiqu'il les faffe le plus fouvent d'une maniere trop diffuse.

Il eft vrai que Mateo eft quelquefois trop concis. S'il s'étend presque toujours plus qu'il ne faudroit lorfqu'il moralife; il rabat cela fur les actions comiques qu'il raconte trop fuccinctement. On diroit qu'il apprehende que fes Lecteurs ne lui fcachent mauvais gré de chercher à les divertir. Il revient vîte à fes réflexions férieuses. Le Copiste, pour éviter ce défaur tombe dans

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un autre en mettant

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beaucoup du fien dans les avantu res comiques. Ce qui va fouvent fi loin, que le divin Efpagnol n'y a que la moindre part. J'en veux donner un exemple. C'est le tour que Fabia, Dame Romaine, jouë à Guzman, quand il va lui parler

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la nuit de l'amour que l'Ambaffa deur d'Espagne a pour elle. Mr. Bremont en a fait l'Epoufe du Comte Gabrieli des Urfins & oubliant fa qualité de Traducteur il a compofé l'avanture à fa fantaisie. J'ai été plus fcrupu leux que lui. J'ai copié Aleman dans cet endroit. Je croi que le Public n'y perdra point affez pour m'en faire un reproche.

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Je ne pense pas non plus qu'il s'avife de me chicaner fur la fuppreffion de l'Hiftoire de Don Louis de Caftro, & de Don Rodrigue de Montalve. Comme Mr. Scaron l'a tirée du Livre de Guzman d'Al farache, & qu'il en a fait une de fes meilleures nouvelles, il me fieroit mal d'être plus hardi que Mr. Bremont, qui, malgré les petites façons qu'il fçait donner aux Ouvrages Efpagnols, n'a pas ofé courir le rifque de la comparaison. A l'égard de l'Histoire de Da

raxa, quoiqu'il ne l'ait pas fidellement traduite, on ne laiffe pas d'y reconnoître prefque partout fon modele, & même il l'a fort embellie en l'augmentant de quel ques incidens agréables que j'ai confervés mais ; pour me fervir de fes propres termes, J'ai paffé à mon tour le rabot fur fes Additions. Pour l'Hiftoire de Dorido & de Clorinia, qu'il appelle le Comte de Palviano & Eleonore, il l'a chargée de tant d'évenemens de fon invention , que ce n'eft plus l'Ouvrage de l'Auteur Espagnol c'est le fien. Cependant cette Hiftoire, telle que Mateo l'a écrite toute fimple qu'elle eft, ne me paroît pas avoir befoin d'être plus compofée. Auffi l'ai-je traduite prefque à la lettre, & l'on jugera peut-être après qu'on l'aura lue luë que M. Bremont auroit pû se paffer de l'allonger.

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Ce n'eft pas que je faffe peu de

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