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capable de les corriger de leurs vices. Il en eft d'autres, qui la rendent fi aimable, & qui la font paroître d'un usage fi facile, qu'ils la font aimer; alors elle devient. fi puiffante, qu'il faut néceffairement qu'elle excite ou l'émulation, ou le reproche honteux de refter vicieux. Mais ce que je dis, ne vaut pas ce que vous avez à m'apprendre. Reprenez donc, mon cher Roger, & foïez sûr que je vous écouterai avec autant de plaifir, que d'attention. Roger reprit ainsi :

Pendant quelques jours, mon pere, plein du même efprit de curiofité, & pour m'approfondir encore, faifoit rouler nos

converfations fur toute forte de matieres, & fouvent, fur les differens événemens arrivez depuis que Philippe étoit monté

fur le Trône. Sur tout, il voulut que je l'inftruififfe du caractére, des manœuvres, de la difgrace & de la retraite du Comte de Flandres, & que je lui fiffe le détail de la Guerre que ce Prince audacieux avoit ofe faire au Roi. Je veux auffi, dit Raoul, en interrompant Roger, que vous aïez pour moi la même complaifance vous fçavez que j'étois en Ecoffe (4) à la mort de Louis le Jeune; les trois années que j'y ai refté, m'ont laiffé ignorer tout ce qui s'est paffé; & perfonne encore, depuis mon retour, ne m'en a fidélement inftruit je vous en demande donc, en peu de mots, un récit exact. Je fçai la part que vous

(a) Enguerrand, pere de Raoul, avoit époufé une fille du Roi d'Ecoffe. La Maison de Couci avoit des alliances avec la France, la Savoïe & la Lorraine.

avez euë à la Guerre du Comte de Flandres, & votre gloire m'intéreffe encore plus que votre amour : car je me doute, mon cher Roger, que vous aimez. Songez-vous, mon cher Raoul, repartit Roger, que vous me demandez des chofes, qui, aujourd'hui indifférentes pour vous, m'empêcheront de vous inftruire de celles qui me regardent, que vous ignorez & qui m'occupent fans ceffe? Ce fera, tout au plus, un moment de perdu pour vous pondit Raoul; vous pouvez me le facrifier, nous avons le tems, vous de m'apprendre tout ce que j'ignore, moi de vous écouter. De plus, je fçaurai par vousmême ce que vous fîtes dans cette Guerre, & fur tout les triftes circonftances de la mort de votre oncle: c'eft un détail que

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vous me devez. Il faut donc m'en acquiter, repliqua Roger, je ne fçaurois refuser à votre amitié, ce qu'elle peut defirer de moi.

Vous fçavez que Philippe n'avoit encore que quinze ans, quand il monta fur le Trône, où Louis le Jeune, fentant approcher fa fin, voulut le voir placé. Philippe Comte de Flandres, à la faveur du mariage d'Elifabeth de Hainaut fa niéce, avec le jeune Roi, s'empara d'une autorité dont il ufa avec trop peu de ménagement à l'égard de la Reine Adélaïde de Champagne, mere de notre Monarque, pour ne pas laiffer dans le cœur de cette Princeffe, le defir de détruire cet Audacieux auprès du Roi fon fils. Comme elle avoit bleffé les yeux de Philippe de Flandres, revenuë

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de l'exil qu'elle s'étoit impofé elle-même, (a) le Comte bleffa les fiens. La trifte expérience qu'elle avoit fait de l'inutilité d'une haine déclarée, lui donna la force de diffimuler fon reffentiment: mais le deffein de perdre le Comte de Flandres, n'en étoit que plus déterminé. Le Comte préfomptueux, fe perfuada bientôt que fa faveur, & les revers d'Adelaide avoient éteint chez elle le defir ambitieux de gouverner le Roiaume avec fes freres. Philippe de Flandres connoiffoit mal Adelaïde, ou plutôt, il connoiffoit mal le cœur humain. Son imbécile fécurité donna le tems & les moïens à la

Reine, aidée par le Seigneur du Mez Gouverneur du Roi, de tirer fi adroitement le rideau

(a) Elle s'étoit retirée en Champagne auprès de fes freres.

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