qui cachoit à ce Prince les défauts & les vûës du Comte de Flandres, que Philippe étonné, crut voir de lui-même le caractere du Comte, tel qu'il étoit. L'intervale du moment où le Roi entra en défiance, à celui de la difgrace du Comte, fut court. Adelaïde triompha le Seigneur Robert du Mez fut fait Maréchal de France; (a) l'estime & l'amitié que le Roi avoit conçûës pour lui, déterminerent fon choix en fa faveur, pour en faire le dépofitaire de fon autorité, en lui accordant toute fa confiance. Si ce choix faifoit honneur au Maréchal du Mez, il faifoit auffi connoître quel étoit déja le jufte difcernement de notre jeune Mo narque. Le Comte de Flandres fe re (a) Dignité alors d'autant plus éclatante, qu'elle étoit unique. tira tira dans fes Etats, où Souverain abfolu, il fe trouva moins grand qu'il ne l'étoit à la Cour de France. Inquiet & remuant de plus, injufte & ambitieux, ofa prendre les armes. Il paffa ·la Somme, & vint investir Corbie des deux côtez de la Riviere. (a) L'air d'affurance du Comte de Flandres, fit croire qu'il vouloit en faire le fiége. Le Roi, qui ne croïoit pas devoir faire l'honneur à ce Téméraire,de marcher contre lui en perfonne,chargea mon Oncle du commandement de quelques Troupes, pour s'opposer à l'entreprife du Comte, avec ordre de jetter, s'il se pouvoit, du fecours dans Corbie. Après avoir donné fes ordres à mon Oncle, le Roi fe tourna vers moi, & me dit, avec un fouris, qu'il me défioit de faire (a) En 1181. C entrer des Troupes dans cette Place. Je ne puis répondre à Votre Majefté, répliquai-je, que de mon zéle; mais il me fera tout entreprendre. Le fils du Maréchal, préfent à ce défi obligeant, dit au Roi, que pouvant jetter du fecours dans Corbie par deux côtez, il ofoit conjurer Sa Majefté de lui permettre de tenter, la fortune de l'un de ces côtez, tandis que je la tenterois de l'autrẻ. Le Roi, qui lut dans les yeux du Maréchal, le plaifir que lui faifoit la propofition courageufe de fon fils, lui accorda ce qu'il fouhaitoit. ? Henri marcha pour fe rendre à la tête des Troupes: Alberic & moi nous l'accompagnâmes. Si Alberic lifoit dans mes yeux un defir ardent de foutenir le peu de gloire que j'avois acquife fous les ordres de mon Oncle, je lifois dans les fiens la noble ardeur qu'il avoit, de fe faire un grand nom par les Armes. Mon Oncle fe campa à la vue du Comte de Flandres,dans une difpofition avantageufe pour l'incommoder,& pour faciliter le deffein qu'il avoit de jetter des Troupes dans Corbie. Dès la même nuit, je fortis feul du Camp avec deux Guides; j'allai reconnoître la Place, l'endroit le plus favorable pour exécuter mon projet, les chemins détournez qu'il falloit prendre pour dérober ma marche. Aiant murement examiné les deux côtez par où l'on pouvoit entrer dans Cori bie, j'ofai presque me flatter du fuccès de mon entreprife. Content, plein d'efpérance, & le jour étant déja avancé, je rentrai dans le Camp, fans que perfonne fe fût apperçû de ma fortie. Le lendemain, à l'entrée de la 1 nuit, Henri donna des Troupes |