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fes

L'heureux fuccès de mon entreprise, fit lever le fiége au Comte de Flandres ; mais renforcé par de nouvelles Troupes, il tourna pas vers Senlis. Alors le Roi, apprenant que l'armée du Comte étoit affez forte pour faire face à la fienne, & même pour former & exécuter de grands projets, ne balança plus: les occafions d'exer cer fon courage lui étoient trop précieufes, pour manquer de fe mettre en Campagne. Mon Oncle le joignit près de Senlis, où j'eus la fatisfaction de recevoir de Sa Majefté, de nouvelles marques d'eftime.

il

Le Comte de Flandres füioit toujours devant le Roi, qui le cherchoit pour le combattre : il faifoit cependant le brave; commençoit un fiége, puis le levoit; il faifoit mine d'avancer à nous, puis il nous fuïoit. Cette

conduite

,

, qui n'avoit rien du grand Capitaine; ces démarches toujours incertaines, où l'on ne voioit aucun projet formé, infpirerent au Roi beaucoup de mépris pour le Comte de Flandres, & l'irriterent contre lui. Il alla droit à Amiens; mais pour affiéger cette Ville il falloit fe rendre maître du Château de Boves, qui étoit très-fort. Le Roi s'y arrêta, & y mit le fiége. Pendant ce fiége, j'éprouvai que la Fortune m'étoit auffi favorable, qu'elle m'eft aujourd'hui contraire. J'eus le bonheur, plus d'une fois, de faire des chofes qui furent louées de Philippe, & qui charmerent mon Oncle; mais jachetai cher l'action qui me valut le plus de gloire. Les Ennemis aïant fait une fortie, attaquerent le Quartier de Henri : ce Général les repouffa, & peut

être feroit-il entré pêle-mêle avec eux dans la Place, lorsqu'il fut frappé mortellement d'un coup le renverfa. Ce funefte acciquite renverfa, ce functe actident caufa un ébranlement confidérable aux Troupes qu'il commandoit je courus à fon fecours. Quel fpectacle pour moi! Ah! mon cher Raoul! Que ma tendreffe pour un Oncle fi refpectable, & à qui je dois le peu que je vaux, me rend fenfible le fouvenir de ce malheur ! Roger me dit ce Héros, je meurs; mais j'ai vécu tout le tems que je vous étois néceffaire: votre vertu affermie, & votre courage foutenu de quelque expérience, n'ont plus befoin de moi. Approchez, que je vous embraffe: Adieu mon cher Roger, me dit-il tendrement, en me ferrant dans fes

bras; confervez toujours mon fouvenir, & allez vanger ma

mort: allez faire voir au Roi, &. à fes Ennemis, que l'Oncle revit dans le Neveu. Oui! m'écriaije en verfant un torrent de larmes, je vais vanger votre mort, en homme defefperé, d'une perte auffi irréparable. Henri n'entendit point ces dernieres paroles, que la plus fenfible douleur m'arrachoit: il n'étoit plus. Sa mort avoit abattu le courage des Soldats, dont il étoit adoré ; & relevé celui des Ennemis : ils avoient déja l'avantage, quand je me mis à la tête des Troupes. La perte que je venois de faire me jetta dans des transports de fureur, que la Fortune feconda ; & les Soldats pleins de l'ardeur de vanger la mort d'un Chef, qu'ils regardoient comme leur pere, contraignirent le Seigneur de Boves, qui combattoit à la tête des fiens, à rentrer en défordre

dans le Château, après avoir vû périr la moitié de fes gens.

Le Comte de Flandres, voïant le Château de Boves prêt à fe rendre, implora la clémence du Roi. Sa Majefté contente du repentir d'un Prince vain & humilié, lui accorda la paix, & reprit le chemin de Paris. Peu de tems après fon retour, il eut la douleur de perdre le Maréchal du Mez,grand homme, digne de toute la confiance du Roi, qui le regardoit comme un pere. Le bon cœur de Philippe, & une fage défiance de lui-même, lui firent fentir vivement cette perte; mais il trouva bien-tôt en lui feul, par fa prudence & sa sageffe, par fa politique & fon application aux affaires, les reffources propres à réparer la perte d'un grand Miniftre. Pour confoler Alberic de la mort d'un pere, dont la gloire

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