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dit avec un feint transport: En vérité, seigneur don Côme, vous avez la mine d'un prince. Je vois tous les jours des grands superbement vêtus; cependant, malgré leurs riches habits, ils n'ont pas votre prestance. Je ne sais, ajoutat-il, si, étant votre serviteur autant que je le suis, je vous considère avec des yeux trop prévenus en votre faveur; mais franchement, je ne vois point à la cour de cavalier que vous n'effaciez.

L'écuyer sourit à ce discours, qui flattait agréablement sa vanité, et répondit en faisant l'aimable: Tu me flattes, mon ami, ou bien il faut en effet que tu m'aimes, et que ton amitié me prête des grâces que la nature m'a refusées. Je ne le crois pas, répliqua le flatteur; car il n'y a personne qui ne parle de vous aussi avantageusement que moi. Je voudrais que vous eussiez entendu ce que me disait encore hier une de mes cousines qui sert une fille de qualité.

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Don Côme ne manqua pas de demander ce que cette cousine avait dit. Comment ! reprit le page; elle s'étendit sur la richesse de votre taille, sur l'agrément qu'on voit répandu dans toute votre personne; et ce qu'il y a de meilleur, c'est qu'elle me dit confidemment que

dona Luziana, sa maîtresse, prenait plaisir à vous regarder au travers de sa jalousie toutes les fois que vous passez devant sa maison.

Qui peut être cette dame? dit l'écuyer, et où demeure-t-elle ? Quoi! répondit Domingo, vous ne savez pas que c'est la fille unique du mestre-de-camp don Fernando, notre voisin? Ah! je suis à présent au fait, reprit don Côme. Je me souviens d'avoir ouï vanter le bien et la beauté de cette Luziana; c'est un excellent parti. Mais serait-il possible que je me fusse attiré son attention? N'en doutez pas, répartit le page, ma cousine me l'a dit : quoique soubrette, ce n'est point une menteuse, et je vous répond d'elle comme de moi-même. Cela étant, dit l'écuyer, il me prend envie d'avoir une conversation particulière avec ta parente, la mettre dans mes intérêts par quelques petits présents, suivant l'usage; et si elle me conseille de rendre des soins à sa maîtresse, je tenterai la fortune. Pourquoi non? Je conviens qu'il y a de la distance de mon rang à celui de don Fernando; mais je suis gentilhomme une fois, et je possède cinq cents bons ducats de rente. Il se fait tous les jours des mariages plus extravagants que celui-là.

de

Le page fortifia son gouverneur dans sa ré

solution, et lui ménagea une entrevue avec la cousine, qui, trouvant l'écuyer disposé à tout croire, l'assura que sa maîtresse avait du goût pour lui. Elle m'a souvent interrogée sur votre chapitre, lui dit-elle, et ce que je lui ai répondu là-dessus ne doit pas vous avoir nui: enfin, seigneur écuyer, vous pouvez vous flatter justement que dona Luziana vous aime en secret. Faites-lui hardiment connaître vos légitimes intentions; montrez-lui que vous êtes le cavalier de Madrid le plus galant, comme vous en êtes le plus beau et le mieux fait; donnez-lui surtout des sérénades, rien ne lui sera plus agréable: de mon côté je lui ferai bien valoir vos galanteries, et j'espère que mes bons offices ne vous seront pas inutiles. Don Côme, transporté de joie de voir la soubrette entrer si chaudement dans ses intérêts, l'accabla d'embrassades; et lui mettant au doigt une bague de peu de valeur, qu'il avait apportée exprès pour lui en faire présent: Ma chère Floretta, lui dit-il, je ne vous donne ce diamant que pour faire connaissance avec vous : j'ai dessein de reconnaître, par une plus solide récompense, les services que vous me rendrez.

On ne saurait être plus satisfait qu'il le fut de son entretien avec la suivante. Aussi, non

seulement il remercia Domingo de le lui avoir procuré, il le gratifia d'une paire de bas de soie et de quelques chemises garnies de dentelles, lui promettant d'ailleurs de ne laisser échapper aucune occasion de lui être utile. Ensuite, le consultant sur ce qu'il avait à faire : Mon ami, lui dit-il, quel est ton sentiment ? me conseillestu de débuter par une lettre passionnée et sublime à dona Luziana ? C'est mon avis, répondit le page: faites-lui une déclaration d'amour en haut style; j'ai un pressentiment qu'elle ne la recevra pas mal. Je le crois de même, reprit l'écuyer; je vais à tout hasard commencer par là. Aussitôt il se mit à écrire; et, après avoir déchiré pour le moins vingt brouillons, il parvint à faire un billet doux auquel il s'arrêta. Il en fit la lecture à Domingo, qui, l'ayant écouté avec des gestes d'admiration, se chargea de le porter sur-le-champ à sa cousine. Il était conçu dans ces termes fleuris et recherchés :

< Il y a longtemps, charmante Luziana, que, > sur la foi de la renommée qui publie partout > vos perfections, je me suis laissé enflammer › d'un ardent amour pour vous. Néanmoins, > malgré les feux dont je suis la proie, je n'ai > osé hasarder aucun acte de galanterie : mais, » comme il m'est revenu que vous daignez ar

» rêter vos regards sur moi quand je passe de» vant la jalousie qui dérobe aux yeux des hom> mes votre beauté céleste, et même que, par >> une influence de votre astre, très-heureuse » pour moi, vous inclinez à me vouloir du bien, > je prends la liberté de vous demander la per> mission de me consacrer à votre service. Si > je suis assez fortuné pour l'obtenir, je renonce » à toutes les dames passées, présentes et à ve> nir.

> DON CÔME de la Higuera. >

Le page et la suivante ne manquèrent pas de s'égayer aux dépens du seigneur don Côme, et de se divertir de sa lettre. Ils n'en demeurèrent pas là: ils composèrent à frais communs un billet tendre, que la femme de chambre écrivit de sa main, et que Domingo rendit le jour suivant à l'écuyer, comme une réponse de dona Luziana. Il contenait ces paroles :

« J'ignore qui peut vous avoir si bien instruit » de mes sentiments secrets. C'est une trahison » que quelqu'un m'a faite; mais je la lui par» donne, puisqu'elle est cause que vous m'ap» prenez que vous m'aimez. De tous les hommes » que je vois passer dans ma rue vous êtes celui » que je prends le plus de plaisir à regarder, et > je veux bien que vous soyez mon amant:

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