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pourquoi l'on se réjouit dans cette maison. Tout le monde s'y livre à la joie. La seule dame Marcelle n'a point de part à ces réjouissances : elle pleure en ce moment, tandis que les autres rient; car le comte de Belflor, après son mariage, a tout avoué à don Luis, qui a fait enfermer cette duègue en monasterio de las arrepentidas, où les mille pistoles qu'elle a reçues pour séduire Léonor serviront à lui en faire faire pénitence le reste de ses jours.

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Des nouvelles choses que vit don Cleophas, et de quelle manière il fut vengé de dona Thomasa.

TOURNONS-NOUS d'un autre côté, poursuivit Asmodée parcourons de nouveaux objets. Laissez tomber vos regards sur l'hôtel qui est directement au-dessous de nous; vous y verrez une chose assez rare. C'est un homme chargé de dettes qui dort d'un profond sommeil. Il faut donc que ce soit une personne de qualité ? dit Leandro. Justement, répondit le démon. C'est un marquis de cent mille ducats de rente, et dont pourtant la dépense excède le revenu. Sa table et ses maîtresse le mettent dans la né

cessité de s'endetter; mais cela ne trouble point son repos ; au contraire, quand il veut bien devoir à un marchand, il s'imagine que ce marchand lui a beaucoup d'obligation. C'est chez vous, disait-il l'autre jour à un drapier, c'est chez vous que je veux désormais prendre à crédit; je vous donne la préférence.

Pendant que ce marquis goûte si tranquille. ment la douceur du sommeil qu'il ôte à ses créanciers, considérez un homme qui... Attendez, seigneur Asmodée, interrompit brusquement don Cleophas; j'aperçois un carrosse dans la rue, je ne veux pas le laisser passer sans vous demander ce qu'il y a dedans. Chut, lui dit le boiteux en baissant la voix, comme s'il eût craint d'être entendu : apprenez que ce carrasse recèle un des plus graves personnages de la monarchie. C'est un président qui va s'égayer chez une vieille Asturienne dévouée à ses plaisirs. Pour n'être pas reconnu, il a pris la précaution que prenait Caligula, qui mettait en pareille occasion une perruque pour se déguiser.

Revenons au tableau que je voulais offrir à vos regards quand vous m'avez interrompu. Regardez, tout au haut de l'hôtel du marquis, un homme qui travaille dans un cabinet rempli de livres et de manuscrits. C'est peut-être, dit

Zambullo, l'intendant qui s'occupe à chercher les moyens de payer les dettes de son maître. Bon, répondit le diable, c'est bien à cela vraiment que s'amusent les intendants de ces sortes de maisons! Ils songent plutôt à profiter du dérangement des affaires qu'à y mettre ordre. Ce n'est donc pas un intendant que vous voyez, c'est un auteur : le marquis le loge dans son hôtel, pour se donner un air de protecteur des gens de lettres. Cet auteur, répliqua don Cleophas, est apparemment un grand sujet. Vous en aller juger, repartit le démon. Il est entouré de mille volumes, et il en compose un où il ne met rien du sien. Il pille dans ces livres et ces manuscrits ; et quoiqu'il ne fasse qu'arranger et lier ses larcins, il a plus de vanité qu'un véritable auteur.

Vous ne savez pas, continua l'esprit, qui demeure à trois portes au-dessous de cet hôtel? C'est la Chichona, cette même femme dont j'ai fait une si honnête mention dans l'histoire du comte de Belflor. Ah! que je suis ravi de la voir! dit Leandro. Cette bonne personne si utile à la jeunesse est sans doute une de ces deux vieilles que j'aperçois dans une salle basse. L'une a les coudes appuyés sur une table, et regarde attentivement l'autre qui compte de

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l'argent. Laquelle des deux est la Chichona ? C'est, dit le démon, celle qui ne compte point. L'autre, nommée la Pebrada, est une honorable dame de la même profession : elles sont associées, et elles partagent en ce moment les fruits d'une aventure qu'elles viennent de mettre à fin.

La Pebrada est la plus achalandée ; elle a la pratique de plusieurs veuves riches à qui elle porte tous les jours la liste à lire. Qu'appelezvous la liste ? interrompit l'écolier. Ce sont, repartit Asmodée, les noms de tous les étrangers bien faits qui viennent à Madrid, et surtout des Français. D'abord que cette négociatrice apprend qu'il en est arrivé de nouveaux, elle court à leurs auberges s'informer adroitement de quel pays ils sont, de leur naissance, de leur taille, de leur air et de leur âge; puis elle en fait son rapport à ces veuves, qui font leurs réflexions là-dessus; et si le cœur en dit auxdites veuves, elle les abouche avec lesdits étrangers.

Cela est fort commode, et juste en quelque façon, répliqua Zambullo en souriant; car enfin, sans ces bonnes dames et leurs agentes, les jeunes étrangers qui n'ont point ici de connaissances perdraient un temps infini à en faire. Mais, dites-moi, s'il y a de ces veuves et de ces

maquignonnes dans les autres pays? Bon, s'il y en a, répondit le boiteux, en pouvez-vous douter? Je remplirais bien mal mes fonctions, si je négligeais d'en pourvoir les grandes villes. Donnez votre attention au voisin de la Chichona, à cet imprimeur qui travaille tout seul dans son imprimerie. Il y a trois heures qu'il a renvoyé ses ouvriers. Il va passer la nuit à imprimer un livre secrètement. Et quel est donc cet ouvrage ? dit Leandro. Il traite des injures, répondit le démon. Il prouve que la religion est préférable au point d'honneur, et qu'il vaut mieux pardonner que venger une offense. Oh! le maraud d'imprimeur ! s'écria l'écolier; il fait bien d'imprimer en secret son infame livre. Que l'auteur ne s'avise pas de se faire connaître, je serais le premier à le bâtonEst-ce que la religion défend de conserver son honheur ?

ner.

N'entrons pas dans cette discussion, interrompit Asmodée avec un souris malin. Il paraît que vous avez bien profité des leçons de morale qui vous ont été données à Alcala; je vous en félicite. Vous direz ce qu'il vous plaira, interrompit à son tour don Cleophas ; que l'auteur de ce ridicule ouvrage fasse les plus beaux raisonnements du monde, je m'en moque; je

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