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La pratique nous donne la facilité de mettre à exécution ce que la théorie nous enseigne; & pour acquérir cette facilité, il faut aimer les Chevaux, être vigoureux & hardi, & avoir beaucoup de patience. Ce font-là les principales qualités qui font le véritable Homme de Cheval.

Il y a peu de perfonnes qui n'aiment les Chevaux: il femble que cette inclination foit fondée fur la reconnoiffance que nous devons à un animal dont nous tirons tant de fervices; & s'il fe trouve quelqu'un qui penfe autrement, il eft ni de fon indifférence par les accidens auxquels il s'expofe, ou par la privation du fecours qu'il efpéroit tirer du Cheval.

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Quand je dis qu'il faut de la viguenr & de la hardieffe, je ne prétends pas que ce foit cette force violente & cette témérité imprudente dont quelques Cavaliers fe parent, & qui leur fait effuyer de fi grands dangers, qui défefperent un Cheval, & le tiennent dans un continuel défordre; j'entends une force liante qui maintienne un Cheval dans la crainte & dans la foumiffion pour les aides & pour les châtimens du Cavalier; qui conferve l'aifance, l'équilibre & la grace, qui doivent être le propre du bel Homme de Cheval, & qui font d'un grand acheminement à la fcience.

La difficulté d'acquérir ces qualités, & le temps confidérable qu'il faut pour fe perfectionner dans cet exercice, fait dire à plufieurs perfonnes, qui affectent un air de capacité, que le manege ne vaut rien; qu'il ufe & ruine les Chevaux & qu'il ne fert qu'à leur apprendre à fauter & à danfer, ce qui par conféquent les rend inutiles

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pour l'ufage ordinaire. Ce faux préjugé eft caufe qu'une infinité de gens négligent un fi noble & fi utile exercice, dont tout le but eft d'affouplir les Chevaux, de les rendre doux & obéiffans, & de les affeoir fur les hanches, fans quoi un Cheval ̧ ́ foit de guerre, de chaffe ou d'école, ne peut être agréable dans fes mouvemens, ni commode pour" le Cavalier ainfi la décifion de ceux qui tiennent un pareil langage, étant fans fondement, il feroit inutile de combattre des opinions qui fe détruifent fuffifamment d'elles-mêmes.

CHAPITRE II.

Des différentes naturès de Chevaux; de la caufe des leur indocilité, & des vices qui en résultent. LA connoiffance du naturel d'un Cheval eff un des premiers fondemens de l'Art de le monter; & tout Homme de Cheval en doit faire fa principale étude. Cette connoiffance ne vient qu'après une longue expérience, qui nous apprend à développer la fource de la bonne ou de la mauvaife inclination de cet Animal.

Quand la juste stature & la proportion des parties, font accompagnées d'une force liante, & qu'a vec cela on trouve dans un Cheval, du courage, de la docilité & de la bonne volonté, on peut avec ces bonnes qualités mettre aifément en pratique les vrais principes de la bonne Ecole; mais quand la nature est rebelle, & qu'on n'est point

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en état de découvrir d'où naît cette opiniâtreté, on court rifque d'employer des moyens plus capables de produire des vices nouveaux, que de corriger ceux que l'on croit connoître.

Le manque de bonne volonté dans les Chevaux procede ordinairement de deux caufes ou ce font des défauts extérieurs, ou c'en font d'intérieurs. Par défauts extérieurs on doit entendre la foibleffe des membres, foit naturelle, foit accidentelle, qui fe rencontre aux reins, aux hanches, aux jarrets, aux jambes, aux pieds, ou à la vue. Comme nous avons détaillé affez au long tous ces défauts dans la premiere Partie, nous ne les rapporterons point ici.

Les défauts intérieurs qui forment précisément le caractere d'un Cheval, font la timidité, la lâcheté, la pareffe, l'impatience, la colere, la malice, auxquels on peut ajoûter la mauvaise habitude.

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Les Chevaux timides font ceux qui font dans une continuelle crainte des aides & des châtimens, & qui prennent ombrage du moindre mouvement du Cavalier. Cette timidité naturelle ne produit qu'une obéiffance incertaine, interrompue, molle & tardive; & fi l'on bat trop ces fortes de Chevaux, ils deviennent tout-à-fait ombrageux.

La lâcheté eft un vice qui rend les Chevaux poltrons & fans cœur. On appelle communément ces fortes de Bêtes, des Carognes. Cette lâcheté avilit totalement un Cheval, & le rend incapable d'aucune obéiffance hardie & vigoureufe.

La pareffe eft le défaut de ceux qui font mélancoliques, endormis, &, pour ainfi dire, hébétés; il s'en trouve pourtant quelques-uns parmi ceux

ci, dont la force eft engourdie par la roideur de leurs membres, & en les réveillant avec des châtimens faits à propos, ils peuvent dévenir de braves Chevaux.

L'impatience eft occafionnée par le trop de fenfibilité naturelle, qui rend un Cheval plein d'ardeur, déterminé, fougueux, inquiet. Il est difficile de donner à ces fortes de Chevaux une allure reglée & paifible, à caufe de leur trop grande inquiétude, qui les tient dans une continuelle agitation, & le Cavalier dans une affiette incommode.

Les Chevaux coleres font ceux qui s'offenfent des moindres châtimens, & qui font vindicatifs. Ces Chevaux doivent être conduits avec plus de ménagement que les autres; mais quand, avec ce défaut, ils font fiers & hardis, & qu'on fçait bien les prendre, on en tire meilleur parti, que de ceux qui font malicieux & poltrons.

La malice forme un autre défaut naturel. Les Chevaux attaqués de ce vice, retiennent leurs force par pure mauvaise volonté, & ne vont qu'à contre-cœur. Il y en a quelques - uns qui font femblant d'obéir, comme vaincus & rendus, mais c'eft pour échapper aux châtimens de l'Ecole, & fitôt qu'ils ont repris un peu de force & d'haleine, ils fe défendent de plus belle.

Les mauvaises habitudes que contractent certains Chevaux ne viennent pas toujours de vices intérieurs, mais fouvent de la faute de ceux qui les ont d'abord mal montés; & quand ces mauvaifes habitudes fe font enracinées, elles font plus difficiles à corriger, qu'une mauvaise difpofition, qui viendroit de la nature.

Les différens vices que nous venons de définir

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font la fource de cinq défauts effentiels, & d'une dangereufe conféquence; fçavoir, d'être, ou ombrageux, ou vicieux, ou rétifs, ou ramingues, ou entiers.

Le Cheval ombrageux eft celui qui s'effraie de quelqu'objet, & qui ne veut point en approcher. Cette appréhenfion, qui vient fouvent de timidité naturelle, peut être caufée auffi par quelque défaut à la vûe, qui lui fait voir les chofes autrement qu'elles ne font; fouvent encore c'est pour avoir été trop battu, ce qui fait que la crainte des coups, jointe à celle de l'objet qui lui fait ombrage, lui accable la vigueur & le courage. Il y a d'autres Chevaux qui, après avoir été trop longtemps dans l'écurie, la premiere fois qu'ils fortent, tout leur fait peur & les met en alarme; mais cette manie, quand elle ne vient point d'autre caufe, dure peu fi on ne les bat point, & fi on leur fait connoître avec patience ce qui leur fait peur.

Le Cheval vicieux eft celui qui, à force de coups, eft devenu málin au point de mordre, de ruer & de haïr l'homme : ces défauts arrivent aux Chevaux coleres & vindicatifs, qui ont été battus mal-à-propos: car l'ignorance & la mauvaise humeur de certains Cavaliers fait plus de Chevaux vicieux que la nature.

Le Cheval rétif eft celui qui retient fes forces par pure malice, & qui ne veut obéir à aucun aide, foit pour avancer, pour reculer ou pour tourner. Les uns font devevus rétifs pour avoir été trop battus & contraints, & les autres pour avoir été trop refpectés par un Cavalier qui les aura redoutés. Les Chevaux chatouilleux qui retiennent leurs forces, font fujets à ce dernier défaut.

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