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Le Cheval ramingue eft celui qui fe défend contre les éperons, qui y réfifte, qui s'y attache & qui rue dans une place, qui recule ou fè cabre au lieu d'obéir aux aides, & d'aller en avant. Lorfqu'un Cheval réfifte par poltronnerie, c'eft un indice de carogne, & quoiqu'il faffe de grands & de furieux fauts, c'est plutôt malice

que force. Le Cheval entier eft celui qui refufe de tourner plutôt par ignorance, & faute de foupleffe, que par malice. It y à des Chevaux qui deviennent entiers à une main, quoiqu'ils y aient d'abord påru fouples & obéiffans, parce qu'on aura voulu trop tôt les affujettir, & paffer trop vite d'une leçon à l'autre. Un accident qui vient à la vue ou à quelqu'autre 'partie du corps, peut auffi rendre un Cheval entier à une main, & même rétif. Le défaut d'être entier eft différent de celui d'être rétif, en ce que le Cheval rétif, par malice, ne veut point tourner, quoiqu'it le fcache faire, & l'entier ne tourne point, parce qu'il ne le peut, foit par roideur ou par ignorance.

Quand les défauts que nous venons de définir viennent de manque de cœur, & par foibleffe, ia nature du Cheval étant alors défectueufe, & le fond n'en étant pas bon, il eft difficile d'y fuppléer par l'Art.

L'origine de la plupart des défenfès des Chevaux ne vient pas toujours de la nature; on ieur demande fouvent des chofes dont ils ne font pas capables, en les voulant trop preffer & les rendre trop fçavans; cette grande contrainte leur fait haïr Fexercice, leur foule & leur fatigue les tendons & les nerfs, dont les refforts font la foupleffe ; & fouvent ils fe trouvent ruinés quand on croit les

avoir dreffés: alors n'ayant plus la force de fe défendre, ils obéiffent, mais de mauvaise grace, & fans aucune reffource.

Une autre raifon fait encore naître ces défauts: on les monte trop jeunes; & comme le travail qu'on leur demande eft au-deffus de leur force, & qu'ils ne font pas encore affez formés pour réfifter à la fujétion qu'ils doivent fouffrir avant d'être dreffés, on leur force les reins, on leur affoiblit les jarrets, & on les gâte pour toujours. Le véritable âge pour dreffer un Cheval, eft fix, fept ou huit ans, fuivant le climat où il eft né.

La rébellion & l'indocilité, qui font fi naturelles, fur-tout aux jeunes Chevaux, viennent encore de ce qu'ayant contracté l'habitude d'être en liberté dans les haras, & de fuivre leurs meres, ils ont peine à fe rendre à l'obéiffance des premieres leçons, & à fe foumettre aux volontés de l'Homme, qui, profitant de l'empire qu'il prétend avoir fur eux, pouffe trop loin fa domination, joint à ce qu'il n'y a point d'animal qui fe reffouvienne mieux que le Cheval, des premiers châtimens qu'on lui a donnés mal-à-propos.

Il y avoit autrefois des perfonnes préposées pour exercer les Poulains au fortir du haras, lorfqu'ils étoient encore fauvages. On les appelloit Cavalcadours de Bardelle: on les choififfoit parmi ceux qui avoient le plus de patience, d'industrie, de hardieffe & de diligence; la perfection de ces qualités n'étant pas fi néceflaire pour les Chevaux qui ont déjà été montés; ils accoûtumoient les jeunes Chevaux à fouffrir qu'on les approchât dans l'écurie, à fe laiffer lever les quatre pieds, toucher de la main, à fouffrir la bride, la felle, la croupie

re, les fangles, &c, Ils les afsûroient & les rendoient doux au montoir. Ils n'employoient jamais la rigueur ni la force, qu'auparavant ils n'euffent effayé les plus doux moyens dont ils puffent s'avifer, & par cette ingénieufe patience, ils rendoient un jeune Cheval familier & ami de l'homme, lui confervoient la vigueur & le courage, le rendoient fage & obéiffant aux premieres regles. Si l'on imitoit à préfent la conduite de ces anciens amateurs, on verroit moins de Chevaux eftropiés, ruinés, rebours, roides & vicieux.

CHAPITRE II I.

Des Inftrumens dont on fe fert pour dreffer

APRÈS

les Chevaux.

PRÈS la bride & la felle dont nous avons parlé dans les Chapitres VI. & VIII. de la premiere Partie, les Inftrumens qui font les plus en ufage pour dreffer les Chevaux, font la chambriere, la gaule, les éperons, la longe, la martingale, le poinçon, les lunettes, le trouffequeue, les piliers, le caveçon de cuir, le caveçon de fer, le bridon & le filet.

LA CHAMBRIERE eft une bande de cuir de cinq à fix pieds de long, attachée au bout d'une canne de jais raifonnablement groffe, & longue d'environ quatre pieds. Cet inftrument fert à animer & à réveiller un Cheval qui s'endort ou fe retient, & à châtier celui qui refufe d'aller en avant. La Chambriere eft encore d'une grande utilité

pour dreffer un Cheval dans les piliers, mais il faut fçavoir s'en fervir à propos. On a banni le fouet des Ecoles bien réglées, parce qu'il peut caufer des cicatrices aux feffes & au ventre; on eft pourtant quelquefois obligé d'y avoir recours pour rendre fenfible un Cheval qui a le cuir dur, pour lui faire craindre le châtiment.

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LA GAULE eft une baguette de bouleau que le Cavalier tient dans la main droite. Elle ne doit être longue que d'environ trois pieds & demi : car fi elle l'étoit davantage, ce feroit le milieu qui appliqueroit fur les épaules, & ce doit être la pointe de la gaule. Elle donne beaucoup de grace à un Cavalier quand il fçait bien s'en fervir, & repréfente auffi de quelle maniere il doit tenir fon épée à Cheval.

L'ÉPERON eft une piece de fer compofée de trois branches, dont deux entourent le talon, & une au bout du colet, qui eft la troifieme branche qui fort en dehors; il y a une étoile qu'on appelle Molette, laquelle doit avoir cinq ou fix pointes pour piquer ou pincer le Cheval. Les pointes des molettes ne doivent pas être rondes & émouifées, de peur qu'elles ne caufent des cicatrices au ventre: il ne faut pas non plus qu'elles foient trop pointues, parce que cela défefpéreroit un Cheval qui auroit le cuir fenfible. Le colet de l'éperon doit être un peu long autrement le Cheval ne fentiroit pas fi bien l'effet de la molette, & le Ca valier feroit obligé de faire un trop grand mouvement de la jambe pour arriver au ventre.

LA LONGE eft une longue corde de la grof feur du petit doigt, au bout de laquelle il y a une boucle attachée à un cuir, que l'on paffe dans

l'anneau du milieu du caveçon de fer. Cet inftrument eft excellent pour acccoûtumer les jeunes Chevaux à trotter fur des cercles avec le fecours de la chambriere: il fert encore pour ceux qui font rétifs, qui retiennent leurs forces par malice, ou qui font ramingues, comme nous l'enfeignerons en fon lieu.

LA MARTINGALE eft une courroie de cuir at tachée par un bout aux fangles fous le ventre du Cheval, & de l'autre à la muferole, en paffant entre les deux jambes de devant, & remontant le long du poitrail. Quelques Cavaliers prétendent avec cet inftrument empêcher un Cheval de battre à la main, & de donner des coups de tête, mais c'eft une grande erreur ; car on le confirme dans fon vice, au lieu de le corriger, & l'on devroit bannir cette invention des bonnes Ecoles.

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LE POINÇON eft un manche de bois long de fept à huit pouces, ou bout duquel il y a une pointe de fer. On tient un bout du poinçon dans le creux de la main droite, & on appuie la pointe fur la croupe du Cheval pour lui faire détacher la ruade. Je n'approuve point cet inftrument: car outre la fituation contrainte, où eft le bras du Cavalier lorfqu'il appuie le poinçon, il peut y avoir encore deux autres inconvéniens, qui font, ou quẹ la pointe du poinçon étant trop émouffée, il ne fait point d'effet, ou lorfqu'elle eft trop pointue, elle déchire & enfanglante la croupe, & y fait de longues eftafilades. Je préfere l'invention de M. de la Broue, qui eft une efpece de col d'éperon creufé avec une molette: on attache cet éperon à un bout de gaule long d'environ deux pieds, de forte qu'on s'en fert comme de la gaule fous main,

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