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CHAPITRE XIX.

Des Chevaux de Guerre.

L'ART de la Guerre, & l'Art de la Cavalerie fe doivent réciproquement de grands avantages. Le premier a fait connoître de quelle néceffité il eft de fçavoir mener fûrement un Cheval ; & cette connoiffance à engagé à établir des principes pour y parvenir; Delà eft venu l'établiffement des Academies, que les grands Princes fe font toujours fait honneur de protéger. Ces principes mis en pratique, ont contribué à la jufteffe des différens mouvemes qui fe font dans les armées. Il ne fera pas difficle de fe l'imaginer, en confidérant que chaque air de manege conduit à une évolution de Cavalerie.

Le paffage, par exemple, rend noble & rélevée l'action d'un Cheval qui eft à la tête d'une troupe. En apprenant un Cheval à aller de côté, on lui apprend à fe ranger fur l'un & l'autre talon, foit dans le milieu, ou à la tête de l'escadron, quand il en faut ferrer les rangs, & dans quelque occa- ̧ fion que ce foit.

Par le moyen des voltes, on gagne la croupe de fon ennemi, & on l'entoure diligemment. Les paffades fervent à aller à fa rencontre & à revenir promptement fur lui,

Les pirouettes & les demi pirouettes donnent la facilité de fe retourner avec plus de viteffe dans un combat,

de

Et fi les airs relevés? n'ont pas un avantage Eette nature, ils ont du moins celui de donner à un Cheval la légéreté dont il a befoin, pour franchir les hayes & les foflés: ce qui contribue à la sûreté, & à la confervation de celui qui le monte.

Enfin il eft conftant que le fuccès de la plupart des actions militaires, eft dû à l'uniformité des mouvemens d'une troupe, laquelle uniformité ne vient que d'une bonne inftruction ; & qu'au contraire, le défordre qui fe met fouvent dans un efcadron, eft caufé ordinairement par des Chevaux mal dreffés ou mal conduits.

De pareilles réflexions ne fuffifent-elles pas pour détruire quelques critiques mal-fondées de ce qu'on enfeigne dans nos Ecoles?

Le

Le rapport qui fe trouve entre ces deux Arts, á donc fait naître l'émulation parmi la Nobleffe, pour acquérir de la capacité dans l'art de monter à cheval, afin de fervir fon Prince & fa Patrie avec plus de fruit. C'eft par un motif fi glorieux que les anciens Ecuyers fe font efforcés de donner au Public les moyens de dreffer des Chevaux propres pour la guerre: & c'est en marchant fur leurs traces que nous allons tâcher d'éclaircir ce qu'ils ont dit de bon fur cette matiere.

Il y a deux chofes à obferver dans un Cheval de guerre; fes propres qualités, & les regles qu'on doit mettre eu ufage pour le dreffer.

doit être de Un Cheval deftiné pour la guerre, médiocre ftature, c'eft-à-dire de quatre pieds 9 à 10 pouces de hauteur, & qui eft celle qu'on demande en France dans prefque tous les corps de Cavalerie. Il faut qu'il ait la bouche bonne, la tête affurée, & qu'il foit léger à la main: ceux qui cher

chent

chent dans un Cheval de guerre un appui à pleine main fe trompent, parce que la laffitude le fait pefer & appuyer fur fon mors. Il doit être de bon ne nature, fage, fidele, hardi, nerveux, d'une force pourtant qui ne foit pas incommode au Cavalier, mais liante & fouple; il faut qu'il ait l'éperon fin & les hanches bonnes pour pouvoir partir & repartir vivement, & être ferme & aifé à l'arrêt. Il ne doit être aucunement vicieux ni ombrageux : car quand même il auroit d'ailleurs af fez de force, & qu'on l'auroit rendu obéiffant, il arrive fouvent qu'après quelques jours de repos, ou que par quelque mauvaife main, il retombe dans fon vice. Comme il faut toujours être en garde fur ces fortes de Chevaux, ils ne font bons qu'à être confinés dans une Ecole car ce feroit trop que d'avoir fon ennemi à combattre & fon Cheval à corriger. Le vice le plus dangereux que puiffe avoir un Cheval de guerre, eft celui de mordre & de fe jetter fur les autres Chevaux, parce que dans un combat où il eft animé, on ne peut lui ôter ce défaut.

Lorfqu'on trouvera dans un Cheval toutes les bonnes qualités que nous venons de décrire, il fera aifé à un homme de Cheval de le dreffer au manege de guerre, en fuivant les regles que nous avons données, lefquelles regardent la foupleffe & l'obéiffance, afin de le rendre prompt à obéir à la main & aux jambes, ce qu'il fera facilement, fi, après avoir été affoupli au trot, on l'a confirmé enfuite dans la leçon de l'épaule en dedans & celle de la croupe au mur, fi on lui a appris à tourner diligemment & facilement fur les voltes de combat, c'eft-à-dire, fur un cercle la demi-hanche de

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dans; fi on l'a rendu obéiffant au partir de la ligne dróite des paffades, facile & aifé à fe raffembler aux deux extrêmités de la même ligne, pour former la demi-volte à chaque main; fi on l'a rendu prompt & agile à bien exécuter une pirouette & une demi - pirouette. Voilà effentiellement ce qu'un Cheval de guerre doit fçavoir, pour ce qui regarde la foupleffe & l'obéiffance; mais une autre chofe abfolument néceffaire, c'est de l'aguerrir au bruit des armes, en l'accoutumant au feu, à la fumée & à l'odeur de la poudre, au bruit des tambours, des trompettes, & au mouvement des armes blanches. Il y a de très-braves Chevaux qui tremblent de frayeur à la vue d'un ou de plufieurs de ces objets; & quoiqu'ils aient les barres fenfibles & la bouche bonne, ils perdent tout fentiment de la bride, des éperons, & de toute autre aide', auffi-bien que des châtimens, & s'abandonnent à d'étranges caprices pour fuir l'objet de leur appréhenfion: il faut même tenir toujours ces Chevaux en exercice lorfqu'ils font dreffés: car le repos leur fait prendre de nouvelles alarmes, ce qui prouve que l'art le plus fubtil ne peut tout-àfait effacer ni vaincre les vices naturels.

M. de la Broue dit que le remede le plus court & le plus fimple pour accoutumer en peu de temps un Cheval au bruit des armes à feu & des autres rumeurs guerrieres, c'eft de tirer un coup de piftolet dans l'écurie, & de faire battre la caiffe une fois le jour par un Palfrenier, pofitivement dans le temps qu'on va leur donner l'avoine, & que peu de temps après ils fe réjouiront à ce bruit, comme ils faifoient auparavant au fon du crible.

Il y en a de tellement ombrageux, qu'ils de

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