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meurent à ce bruit les oreilles tendues & droites, roulent & blanchiffent les yeux dans la tête, tremblent & fuent d'effroi, tiennent une poignée de foin ferrée entre les dents fans remuer les mâchoires, & enfin fe jettent dans la mangeoire & à tra vers les barres; mais avec la patience & l'induftrie d'un Cavalier intelligent, on vient à bout des Chevaux de ce naturel.

Il y a une autre facon d'accoutumer les Chevaux au feu : je l'ai fouvent expérimentée & vu pratiquer, c'est de les mettre dans les piliers: là fans aucun danger, il eft aifé de les accoutumer à tout ce qui peut leur porter ombrage. On leur fait d'abord voir & fentir un piftolet fans être chargé; on fait jouer la batterie, parce qu'il y en a beaucoup qui s'effraient au bruit de la détente & du cliquetis. Quand ils font faits à ce bruit, on brûle une amorce en fe tenant loin du Cheval, le dos tourné vis-à-vis de fa tête; on s'en approche après pour lui faire fentir le piftolet & l'accoutu→ mer à l'odeur de la fumée. Il faut toujours le flatter en l'approchant, & lui donner quelque chofe

manger car ce n'eft que par la douceur & les careffes qu'on apprivoife ces animaux. On met enfuite une nouvelle amorce, en accommodant le piftolet vis-à-vis de lui; & lorfqu'il eft fait à l'odeur & à la fumée de la poudre, il faut commencer à tirer en mettant une petite charge d'abord & peu bourer; on tire le dos tourné & un peu loin, on revient d'abord après le coup lui faire fentir le piftolet & le flatter: fuivant qu'il s'accoutume, on augmente la charge, on tire de plus près & enfin on tire de deffus. Il faut avec la même douceur & la même patience, l'accoutumer au

bruit des tambours, au mouvement des étendarts & au bruit des armes blanches. Les Chevaux timides, qui ordinairement ont peu de force, & ceux qui n'ont pas la vue bonne, s'accoutument au feu plus difficilement que les Chevaux vigoureux & dont la vue eft faine; & quoiqu'avec le temps on en vienne à bout, je ne confeillerois pas de fe fervir de pareils Chevaux pour la guerre.

Ce n'est pas feulement dans les bornes d'un manege qu'il faut accoutumer un Cheval de guerre à tout ce que nous venons de dire, il faut fouvent l'exercer en pleine campagne & dans les grands chemins, où il fe trouve une infinité d'objets qui effraient ceux qu'on fort rarement, les moulins fur-tout, tant à eau qu'à vent, & les ponts de bois, font un grand fujet d'alarmes pour bien des Chevaux, mais s'ils connoiffent la main & les jambes, que le Cavalier fçache fe fervir à propos de fes aides, & qu'il ait le génie & la patience qu'il faut avoir, il viendra bientôt à bout de ces difficultés. Sur-tout il ne faut point dans ces occafions battre les jeunes Chevaux, parce que, comme nous l'avons dit ailleurs, la crainte des coups, jointe à celle de l'objet qui leur fait ombrage, leur accable la vigueur, & les rebute totalement.

CHAPITRE X X.

QUOIQU

Des Chevaux de Chaffe.

UOIQUE la Chaffe ne foit regardée que comme un amusement, cet exercice n'en mérite pas moins d'attention, puifque c'est celui que les Rois & les Princes préferent à tous les autres. Cette inclination eft fans doute fondée fur la conformité qui fe rencontre entre la chaffe & la guerre. En effet, de part & d'autre on voit un objet à dompter, des fatigues à effuyer, des dangers à éviter, & des rufes à pratiquer. Il n'eft donc pas étonnant qu'un exercice qui a tant de rapport aux fentimens d'héroïfme inféparables des grands Princes, fixe leur goût dans leurs plaifirs. Ce n'eft point ici le licu d'examiner toutes les différentes parties de la chaffe, ni de placer un éloge dont tous ceux qui penfent noblement font remplis ; mais les jours d'un Souverain font trop précieux à fes Sujets pour ne le pas exciter à fa confervation, autant qu'il eft en leur pouvoir. Nous venons de dire que la chaffe a fes dangers auffi-bien que la guerre : la plûpart des accidens qui y arrivent font caufés par des Chevaux mal choifis ou mal dreffés, c'eft pourquoi nous avons recherché avec foin tout ce qui peut conduire à la connoiffance d'un bon Cheval de chaffe, & à la facilité de le dreffer à cet exercice.

Bien des gens penfent que la façon de dreffer des Chevaux de guerre & de chaffe, est tout-àfait oppofée aux regles du manege. Une opinion

fi mal fondée, & malheureufement trop générale, fait négliger les vrais principes. N'ayant donc pour guide que la fauffe pratique de ceux qui ont fait naître & qui favorifent cette erreur, on n'acquiert qu'une fermeté fans grace & une exécution forcée & fans, fondement. Pourroit-on avec un peu de jugement avancer qu'un Cavalier capable de pratiquer les principes d'une bonne Ecole, & par lefquels il eft en état de juger de la nature de fon Cheval, & de lui former un air, n'a pas plus de facilité encore pour affouplir & rendre obéiffant celui qu'on deftine à la guerre, & pour étendre & don、ner de l'haleine à celui qu'il juge propre pour la chaffe, puifque ce ne font-là que les premiers élémens de l'Art de monter à Cheval?

Le choix d'un bon coureur eft très-difficile à faire car, outre les qualités extérieures des autres Chevaux, il doit encore avoir particuliérement beaucoup d'haleine, de légéreté & de sûreté. Ces qualités doivent lui être naturelles; l'art ne peut tout au plus que les perfectionner.

Un Cheval de chaffe ne doit pas être trop traverfé ni trop racourci de corps, parce que ces fortes de Chevaux n'ont pas ordinairement l'haleine & la facilité néceffaires aux bons coureurs. Il doit être un peu long de corps, relevé d'encolure, & avoir les épaules libres & plates, les jambes larges & nerveufes, fans être trop long jointé; il faut avec cela qu'il foit naturellement vîte, fenfible à l'éperon, & dans un appui léger.

M. de la Broue dit, que » les Chevaux qui ne > conviennent point pour la chaffe, font ceux qu'une timidité naturelle empêche de courir vîte, par la crainte qu'ils ont de hafarder leurs forces

"en courant: ceux qui fe méfient de leurs forces » par quelqu'imperfection naturelle ou acciden>>telle: ceux qui font pefans & pareffeux de leur >>nature: ceux qui font rebutés à force de courir, que la fimple appréhenfion de la courfe retient >> rend vicieux & rétifs: ceux qui, avec beaucoup » de rein, aiment mieux fournir un nombre de »fauts, que de diftribuer leurs forces à l'action » de la courfe: ceux enfin que la pure malice & » poltronnerie retient. «<

"

Quoique tous ces différens Chevaux puiffent abfolument être dreffés à courre, en fuivant les regles de l'Art, on ne pourra jamais leur donner les qualités effentielles à un bon coureur, qui font, comme nous venons de le dire, de galoper légérement, sûrement & long-temps. Ces qualités ne fe trouvent qu'avec une foupleffe naturelle dans les membres, & que l'on perfectionne par le trot, une liberté dans les épaules, & un appui léger à la bouche, que l'on confirme par le galop, une haleine & un courage fuffifans, que l'on augmente par l'exercice.

Le trot, qui eft la premiere regle pour affouplir toutes fortes de Chevaux, doit être plus étendu & plus alongé, que relevé, dans un Cheval de chaffe, afin de lui apprendre à bien déployer les bras & les épaules. Le bridon eft excellent pour donner cette premiere foupleffe à un Cheval: on peut avec cet inftrument, dont nous avons donné la defcription & l'ufage dans le Chapitre troifieme, le plier facilement & fans trop le gêner; lui apprendre à tourner promptement & librement aux deux mains, fans lui offenfer les barres & la place de la gourmette, ni lui déranger la bouche, & le

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