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à me laver les pieds; &, placé dans un coin de mon » palais, il n'étoit connu que par fon ufage. Sa matiere »eft toujours la même : fa forme seule a changé; & "c'eft cette forme qui attire aujourd'hui vos adora» tions & vos hommages. Egyptiens, ouvrez les yeux, » & voyez en moi une femblable métamorphofe. Je » n'étois autrefois qu'un homme du peuple, inconnu, »ignoré, comme mes peres. Aujourd'hui je suis votre » maître & votre roi. Rendez moi donc l'honneur & le refpect qui font dûs à votre Souverain. » L'Egypte entiere reconnut fon erreur : Amafis devint, depuis ce moment, l'objet de fa vénération.

6. Le philofophe Ariftippe s'étoit embarqué; &, lorf qu'il fut en mer, il s'apperçut que le vaiffeau qu'il montoit appartenoit à des corfaires. Alors il commença par étaler tout fon argent; il le compta, puis le jetta dans les eaux, difant en lui-même : « Il vaut bien mieux qu'Ariftippe te perde, que tu perdes » Ariftippe. » Il feignit enfuite de l'avoir laiffé tomber par mégarde. Ce ftratagême fit perdre aux pirates l'envie de le voler, & lui conferva la vie.

7. Antiochus, battu par les Romains, fut obligé de fonger à faire la paix. Annibal, qui craignoit que ce Monarque ne le livrât aux Romains pour faire fes conditions meilleures, ce qui n'auroit pas manqué d'arriver, s'il fut refté dans la cour de ce Prince, prit le parti de paffer en Crète, dans la ville de Gortine, pour y délibérer fur le choix d'une retraite fûre. Mais l'avarice des Crétois lui fit concevoir qu'il étoit en grand danger, parce que le bruit fe répandoit qu'il avoit beaucoup d'argent. Il fit remplir des cruches très-grandes, de plomb, deffus lequel il mit de l'or & de l'argent, & fit porter ces cruches dans le temple de Diane, à la vue de tous les habitans, feignant de con fier ainfi toute fa fortune à leur bonne foi. Quant à fon argent, il le mit dans des ftatues d'airain, qu'il laiffa couchées à terre dans le vestibule de fa maison Les Gortiniens garderent avec une extrême exactitude le temple de Diane, non pas tant contre les autres que contre Annibal lui-même, de peur qu'il n'ôtât, à

leur infçu, quelque chofe de fon dépôt, & qu'il ne l'emportât. Dès que l'occafion s'en présenta, il s'embarqua fecrettement avec fes richeffes, & chercha un afyle chez des peuples moins avides.

8. Alcibiade connoiffoit bien le génie du peuple d'Athènes, qui fe plaifoit à s'entretenir fur les actions des gens confidérables, & qu'une bagatelle auffi pouvoit détourner d'objets importans. C'eft pourquoi, dans un tems où, fans doute, il convenoit à fes vues que les langues médifantes ne s'exerçaffent point fur fa conduite, il fournit à fes compatriotes un fujet ridicule d'entretien. Il avoit un chien très - beau, qu'il avoit acheté fix mille drachmes; il lui coupa la queue, & le laissa se promener dans la ville. Il dit enfuite à ceux qui lui demandoient, avec étonnement, qui l'avoit fait agir ainfi? «C'eft pour que les Athéniens, ayant fujet de parler de moi, fulpendent leur curiofité fur

toute autre chofe. »

9. La ville d'Enguine, fituée fur les monts Hézéens, vers le milieu de la Sicile, célèbre par fon antiquité, & fur-tout par un temple de Cybèle qui y étoit honorée d'un culte particulier, favorifoit, au tems de la feconde guerre Punique, le parti des Carthaginois. Mais un de fes citoyens les plus diftingués, appellé Nicias, faifoit tous fe, efforts pour la retenir dans les intérêts de Rome. Il donnoit ouvertement ce confeil dans toutes les affemblées, & démontroit clairement que c'étoit le parti le plus fûr & le plus avantageux pour la patrie. Ceux qui étoient portés pour Annibal, craignant l'autorité & la réputation de cet homme, délibérerent de fe faifir de fa perfonne, & de le livrer aux Carthaginois. Nicias, ayant été inftruit de ce complot, diffimula & chercha à fe précautionner contre les ennemis. Voici le stratagême qu'il employa pour y réuffir. Il fema, dans le public, des propos injurieux à la déeffe Cybèle, & traita de fable tout ce que les prêtres rapportoient fur fon compte. Ses ennemis furent ravis de voir qu'il leur fourniffoit, ainfi de lui-même, les raifons les plus capables d'autorifer & de juftifier tout ce qu'ils feroient contre lui. Le jour qu'ils devoient

éxécuter leur deffein étant arrivé, les citoyens, par hazard, s'affemblerent fur la `place pour délibérer de quelqu'affaire. Nicias étoit au milieu, haranguant le peuple, & lui donnant des confeils. Tout-à-coup, au milieu de fon difcours, il fe jette à terre; &, après avoir demeuré quelque tems fans parler, comme s'il eût été ravi en extafe, il leve la tête, & la tourne çà & là, articulant quelques mots, d'une voix foible & tremblante qu'il hauffa peu-à-peu. Quand il voit toute l'affemblée faifie d'horreur, & gardant un profond filence, il se leve, jette fon manteau; &, déchirant sa tunique, il prend fa courfe demi-nud, & gagne une des iffuës de la place, en criant que la déeffe Cybèle le poursuit. Perfonne n'ofe ni le toucher ni fe mettre devant lui, par un fcrupule de religion. Ainfi, tout le monde fe détournant & lui faifant place, il arrive à l'une des portes de la ville. Sa femme, qui étoit d'intelligence avec lui, & qui aidoit au ftratagême,.prend fes enfans entre fes bras, & va d'abord le profterner aux pieds de l'autel de Cybèle: enfuite, feignant d'aller chercher fon mari, elle fort de la ville en fûreté fans que perfonne l'en empêche; & ils fe fauvent ainfi tous deux à Syracufe vers Marcellus.

10. Cambyfe ayant pris la ville capitale de Pfamménite, roi d'Egypte, l'abandonna au pillage. Le Monarque vaincu, voyant les foldats courir çà & là, demanda au roi de Perfe ce qu'ils faifoient? « Ils pillent votre ville & vos biens, » répondit le vainqueur. Vous vous trompez, Prince, reprit Plamménite; il n'y a plus rien ici à moi : tout eft à » vous par le droit de la guerre, & c'est votre bien » qu'ils pillent. » Cette adroite réflexion frappa Cambyfe, qui fit auffi-tôt ceffer le pillage.

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11. Lorfque Caius Marius fut obligé de fortir de Rome pour fe dérober au reffentiment de Sylla, il fe retira d'abord à une petite maison de campagne, d'où -il envoya fon fils dans les terres de Mutius, son beaupere, pour y chercher les provifions dont il avoit befoin. Le jeune Marius, étant arrivé sur les terres de fon aïeul, s'empreffa de samaffer tout ce qui lui étoit

néceffaire, & en fit plufieurs paquets. Pendant qu'il étoit occupé à ce travail, quelques cavaliers, qui cher choient Marius, s'avancerent de ce côté. Le fermier de Mutius, les ayant apperçus d'affez loin, cacha promptement le jeune homme dans une charrette chargée de féves; &, attelant en même tems fes bœufs, il alla au-devant de ces cavaliers, comme menant fa charrette à Rome. Cette rufe hardie fauva le jeune Marius qui fut conduit dans la maifon de fa femme, où il fe pourvut de tout ce dont il avoit befoin; &, dès que la nuit fut venue, il fe rendit fur le bord de la mer où, ayant trouvé un vaiffeau prêt à partir pour l'Afrique, il s'y embarqua.

12. Galere, empereur Romain, jaloux des vertus de Conftantin, fils de Conftance-Chlore, & qui dans la fuite mérita le furnom de Grand, cherchoit tous les moyens de le perdre. Sous prétexte de lui procurer de la gloire, il l'expofa aux plus grands périls. Dans une guerre contre les Sarmates, les deux armées étant en présence, il` lui commanda d'aller attaquer un capitaine qui, par fa grande taille, paroiffoit le plus redoutable de tous les Barbares. Conftantin court droit à l'ennemi, le terraffe, &, le traînant par les cheveux, l'amene tout tremblant aux pieds de l'Empereur. Une autre fois, il reçut ordre de fe jetter à cheval dans un marais, derriere lequel étoient poftés les Sarmates, & dont on ne connoifloit pas la profondeur. Il le traverse; montre le paffage aux Romains; renverse les ennemis, & ne revient, qu'après avoir remporté une glorieuse victoire. Le tyran défefpéré l'obligea de combattre un lion furieux: Conftantin fortit de l'arène vainqueur de ce terrible animal, & des mauvais deffeins de Galere."

Conftance avoit plufieurs fois redemandé fon fils, fans pouvoir le retirer des mains de fon collégue. Enfin, étant fur le point de paffer dans la Grande-Bretagne pour aller faire la guerre aux Pictes, le mauvais état de fa fanté lui fit craindre de le laiffer, en mourant, à la merci d'un tyran ambitieux & fanguinaire. Il parla d'un ton plus ferme. Le fils, de fon côté, folliciteit vivement la permiffion d'aller rejoindre fon

pere; & Galere, qui n'ofoit rompre ouvertement avec Conftance, confentit enfin au départ du jeune Prince. Il lui donna, fur le foir, le brevet nécessaire pour prendre des chevaux de pofte, en lui enjoignant expreffément de ne partir, le lendemain matin, qu'après avoir reçu de lui de nouveaux ordres. Il ne laiffoit échapper fa proie, qu'à regret ; & il n'apportoit ce délai, que pour chercher encore quelque prétexte de l'arrêter, ou pour avoir le tems de mander à Sévere qu'il eût à le retenir, lorsqu'il pafferoit par l'Italie. Le lendemain, Galere affecta de refter au lit jufqu'à midi; &, ayant fait appeller Conftantin, il fut étonné d'apprendre qu'il étoit parti dès le commencement de la nuit. Frémiffant de colere, honteux de fe voir moins. adroit que fon rival, il ordonne de courir après lui, & de le ramener; mais la pourfuite devenoit impoffible. Conftantin, fuyant à toute bride, avoit eu la précaution de faire couper les jarrets à tous les chevaux de pofte qu'il laiffoit fur fon paffage; & la rage impuiffante du tyran ne lui laissa que le regret de n'avoir pas ofé faire le dernier crime. Conftantin traverse, comme un éclair, l'Illyrie & les Alpes, avant que Sévere puiffe en avoir des nouvelles, & arrive au port de Boulogne, lorfque la flotte mettoit à la voile. A cette vue inefpérée, on ne peut exprimer la joie de Conftance. Il reçoit entre fes bras ce fils que tant de périls lui rendent encore plus cher; &, mêlant ensemble leurs larmes & toutes les marques de leur tendreffe, ils arrivent dans la Grande-Bretagne où Conftance, après avoir vaincu les Pictes, & déclaré fon fils Augufte, abandonna la pourpre & la vie.

13. La femme du célèbre Grotius, ayant été mise en prifon avec ce fçavant Républicain, s'illuftra par fon amour, & par une rufe que fa tendreffe lui fuggéra. Grotius travailloit aux ouvrages qui lui ont acquis tant de réputation. Il avoit befoin d'une grande quantité de livres. Il obtint la permiffion d'emprunter tous ceux qu'il pourroit fe procurer. Ses amis lui fourniffoient tous ceux qu'il demandoit. Il les envoyoit chercher dans une caille fort grande, dans laquelle il faifoit met

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