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du règne d'Adhad-Eddoulat, il devoit régner en Perfe un monarque auffi puiffant qu'Alexandre le Grand, qui feroit le protecteur de fes amis, le fléau de ses ennemis, & dont tous les princes de la terre devoient rechercher l'amitié. L'empereur, ayant appris ce que portoit le rouleau, fit appeller le marchand Levantin, & lui demanda s'il connoiffoit Adhad-Eddoulat qui régnoit pour lors en Perfe? Le marchand répondit qu'il faifoit profeffion d'être un de fes plus grands ferviteurs. Cette réponse fit qu'il continua à s'informer de lui, de la puiflance de ce prince, & des qualités qu'il poffédoit. Le marchand l'ayant fatisfait pleinement fur ce point, l'empereur ne douta plus que ce ne fût celui dont avoit voulu parler l'aftrologue, & réfolut en même tems de lui envoyer une célèbre ambas¬ fade, pour faire alliance avec lui; & l'ambassadeur qui fut choifi, fut auffi chargé de préfens dignes de la grandeur des deux princes. L'ambassadeur Grec, étant arrivé proche de Schiras, apprit que le Sultan étoit à la hauteur de la Source de Bendemir. Il l'y alla trouver; &, après lui avoir expofé le fujet de fon ambassade, il lui offrit les riches préfens de fon maître. Adhad-Eddoulat le fit loger dans fon palais de campagne, où il fut régalé avec la plus grande magnificence. Un jour pendant qu'il l'entretenoit, les grenouilles d'un étang voifin lui rompant la tête, il mit entre les mains d'un de fes officiers un papier dans lequel il y avoit quelques drogues, lefquelles avoient la propriété de les faire taire; & il lui dit : « Jettez ce papier dans l'eau, & » dites en le jettant : Voici l'ordre du fultan Adhad» Eddoulat, qui défend que vous troubliez davantage fon » repos. » En même tems, les grenouilles fe turent, au grand étonnement de l'ambaffadeur qui dit en luimême: Il faut que ce prince ait la même puiffance que Salomon, puisque les démons lui obéiffent. Il en inftruifit l'empereur qui, plein d'admiration & de surprise, fe hâta de conclure une paix durable avec un monar¬ que fi extraordinaire.

18. Denis l'Ancien s'étant rendu maître de la fouveraine puiffance, & gouvernant avec un fceptre de fer

la ville de Syracufe, fa patrie, employoit tous fes foins à découvrir les complots des traîtres & des mécontens qui confpiroient contre lui. Il vint à Syracuse un étranger qui fe vantoit de pofféder un fecret infaillible pour découvrir les deffeins cachés & les fourdes intrigues, Le tyran le fit venir dans fon palais. L'étranger demanda qu'on fît fortir tous les témoins; &, refté feul avec le prince: « Seigneur, lui dit-il, faites croire en » public que vous avez un moyen sûr de prévoir les »embûches qu'on pourra vous tendre; perfonne n'o» fera en courir les rifques. Voilà tout mon fecret. » Denis goûta beaucoup cette adreffe; & il en fit heureufement usage,

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Ce même Prince, voulant fonder les cœurs des Syracufains qu'il tyrannifoit, fit courir le bruit qu'il étoit en grand danger. Plufieurs, à cette nouvelle, fe livrerent aux transports d'une indifcrette joie. Mais le tyran, fortant de fon palais, accompagné de ses gardes, fe fit voir au peuple, & fit mourir ceux qui s'étoient trop hâtés de fe réjouir. Une autre fois, ayant befoin d'argent, il voulut mettre un nouvel impôt fur fes fujets; mais ils s'y oppoferent, fe plaignant qu'ils étoient déja trop chargés, & qu'ils n'avoient plus rien. Denis ne jugea pas à propos d'employer la violence. Quelques jours après, il fit enlever du temple d'Efculape les offrandes, les vafes d'or & d'argent, & plufieurs autres ornemens précieux, & les fit vendre dans la place publique. Chacun s'empreffa de les acheter; & cette vente produifit au tyran de très-groffes fommes. Lorsque fes coffres furent pleins, il porta un édit qui ordonnoit, fous peine de mort, à tous ceux qui avoient acheté quelques ornemens du temple d'Efculape,de les reporter,

19. Antigonus, roi d'une partie de l'Afie, étant en guerre avec Eumène, fit répandre dans fon armée des Lettres dans lesquelles il promettoit une groffe fomme d'argent à qui tueroit Eumène. Ce Général, l'ayant appris, affembla fes foldats, & leur dit : « Je n'ai, "jufqu'ici, qu'à me louer de votre fidélité. Graces aux » dieux! il n'en eft pas un parmi vous qui ne préfere la » vie de fon Général à toutes les richeffes. Je viens

d'en faire une heureuse épreuve : elle me fuffit; & » je ne veux pas vous laiffer ignorer plus long-tems que » c'est moi-même qui ai fait courir ces Lettres dans >> l'armée. »

20. Les Athéniens, fatigués de la longue & fâcheuse guerre qu'ils avoient contre les habitans de Mégare, au fujet de l'ifle de Salamine, firent une loi qui défendoit, fous peine de la vie, d'avancer, ni par écrit, ni de vive-voix, qu'on dût recouvrer cette ifle. Solon, ne pouvant fouffrir cette infamie, & voyant que la plupart des jeunes gens ne demandoient qu'à recommencer la guerre, mais qu'ils n'ofoient la propofer, à caufe de cette terrible ordonnance, s'avifa de contrefaire le fou, & fit répandre dans toute la ville, qu'il avoit perdu l'efprit. Jamais ce grand homme n'avoit été fi fage. Il compofa un beau poëme, pour engager les Athéniens à reprendre Salamine; & il l'apprit par cœur. Un jour qu'on ne s'attendoit à rien moins, il fortit de la maison, avec un chapeau fur la tête, & courut à la place, où, le peuple s'étant assemblé autour de lui, il monta fur la pierre d'où les héraults avoient coutume de faire leurs proclamations, & commença à réciter fon poëme. Les citoyens en furent fi touchés, que la loi fut révoquée fur le champ, la guerre réfolue, & Solon élu général.

21. Il y eut de grands différends entre Alcibiade & Thucydide, à l'occafion de la guerre qu'Athènes avoit contre Lacédémone. Thucydide fit la paix avec les Spartiates, au nom des Athéniens, & voulut qu'ils. envoyaflent à Athènes des ambaffadeurs, pour la ratification du traité. Cette paix n'étoit point du goût d'Alcibiade; &, pour l'empêcher, il alla trouver, de nuit, les ambaffadeurs; feignit d'être ami des Lacédémoniens, & leur dit que le peuple d'Athènes étoit fier; que, s'ils lui parloient avec autant de douceur qu'au fénat, ce n'étoit pas le moyen de réuffir; qu'il regarderoit leur modération comme une preuve de la néceffité qui les forçoit de faire la paix, & qu'il propoferoit encore de nouvelles conditions; qu'à fon égard, étant soupçonné d'être ami des Lacédémoniens, il étoit

obligé de leur être contraire en public; mais qu'il les ferviroit fidèlement, lorfqu'il le pourroit avec sûreté. Les ambaffadeurs, dupes de fon apparence de franchife, promirent de fuivie fon confeil. Il prévint enfuite le peuple, & lui perfuada que le fénat ne cherchoit qu'à le tromper; qu'il étoit faux que les Lacédémoniens acceptaffent les conditions propofées, & qu'ils le feroient bientôt voir. Le lendemain, les ambassadeurs de Lacédémone parlerent devant le peuple d'Athènes bien différemment qu'il n'avoient fait dans le fénat; ce qui furprit extrêmement Thucydide. Alcibiade, comme il en étoit convenu, parla pour les Athéniens; &, de part & d'autre, les chofes allerent fi loin, qu'il fut réfolu de continuer la guerre. Alcibiade en fut chargé, comme il fouhaitoit, après s'être fervi des ennemis eux-mêmes, pour se mettre en état de les vaincre.

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22. L'empereur Henri II, étant en voyage, s'arrêta à Verdun, & alla rendre vifite à Richard, abbé de S. Vannes. En entrant dans le cloître, il prononce ces paroles du Pfeaume 131: « C'est ici mon repos pour » toujours; c'est l'habitation que j'ai choifie. » L'évêque Heimon, qui l'accompagnoit, va rapporter ces mots à l'abbé. « Prenez garde, lui dit-il, à ce que vous » ferez. Si vous recevez l'empereur pour religieux » comme il le demandera vous perdez l'empire. » L'abbé reçoit l'empereur, & le conduit avec refpect au chapitre. Là, devant tous les religieux, il ofe l'interroger fur le deffein qui l'amene dans cette folitude. Henri lui répond, le vifage baigné de larmes, qu'il veut faire pénitence parmi eux, quitter le monde & l'empire, & prendre l'habit de religieux. « Voulez» vous, dit l'abbé, felon la régle, & à l'imitation de » Jesus-Christ, être obéissant jusqu'à la mort? » L'empereur répond, avec humilité, qu'il n'a pas d'autre deffein. «Eh bien ! reprend l'abbé, je vous reçois pour » moine. Je me charge du foin de votre ame; mais je » veux que vous faffiez tout ce que je vous ordonne» rai. » Henri promet tout; & Richard replique auffitôt : « Je vous ordonne de continuer à gouverner l'em

pire; d'être ferme en rendant la juftice, & d'ufer de » toute votre autorité pour procurer aux peuples la » paix & la tranquillité. » Henri n'infifte pas davantage, & fe retire.

23. Un docteur, étant dans fa chambre, occupé à travailler, fut interrompu dans fes méditations par une jeune fille qui lui demanda du feu. « Eh! dans quoi, » ma mie, voulez-vous le mettre, lui demanda-t-il? » Ici, Monsieur, » répondit la petite qui prit un peu de cendres dans fa main, fur lefquelles elle pofa quelques charbons. Le docteur furpris jetta par terre fes livres qui ne lui auroient jamais fourni une pareille reffource, & s'écria : « Avec toute ma fcience, aurois-je eu cet » efprit−là ? »

24. L'abbé de Baignes, chef de la mufique de Louis XI, étoit un homme fertile en inventions, & qui fçavoit adapter fon génie induftrieux aux circonftances les moins attendues. Le monarque lui demanda, un jour, un concert exécuté par des pourceaux. Il croyoit, par la bizarrerie de cette demande, réduire l'adroit abbé à l'impoffible. Cependant il l'entreprit, & en vint même à bout, à la fatisfaction du Roi. Il rassembla quantité de pourceaux de différens âges, & dont les

cris, , par conféquent, devoient produire différens tons. Il les mit tous fous un pavillon de velours magnifique, au-devant duquel étoit une table de bois, où l'on montoit par plufieurs degrés qui formoient une espece de jeu d'orgues. Différens aiguillons, qu'il touchoit, alloient piquer ces pourceaux; & ces animaux aiguillonnés pouffoient des cris qui formoient une harmonie dont la nouveauté devoit faire le plus grand mérite, & qui ne laissa pas de donner du plaifir au Roi.

25. Kiuperli-Nuuman, qui fut Grand-Vifir en 1710, avoit contracté une phantaisie qui tenoit de la folie. Il croyoit avoir toujours une mouche fur le nez. Il la chaffoit de la main; & pour le moment elle s'envoloit; & au même moment elle y revenoit de même. Les plus fameux médecins furent confultés. Ils furent employés auffi, fans pouvoir déraciner cette mouche ima ginaire. Il n'y eut qu'un médecin François, nommé

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