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tre foldats de ceux qui conduifoient le troifieme, s'ar rêterent au lieu marqué; & les autres foldats entrerent à leur tour. L'un d'eux ayant pris un fac, le délia, & répandit les noix qu'il contenoit devant le corps-degarde. Auffi tôt les bourgeois accourent, en faifant des huées fur le prétendu payfan, & fe jettent fur les noix. Les foldats déguifés prennent les armes; tuent quelques bourgeois; mettent les autres en fuite. L'un d'entre ces foldats court avertir ceux de l'embufcade, qu'il étoit tems de fe montrer. Ils arrivent; tuent les fentinelles, relevent la herfe qu'on avoit abbatue, & qu'un des trois chariots foutenoit ; &, fecondés par quatre compagnies de cavalerie, qui furviennent dans ce moment, ils fe répandent dans la ville, fans trouver aucune résistance. On étoit en Carême ; & les citoyens, renfermés dans les églifes, écoutoient tranquillement le fermon. Tout-à-coup on fonne le tocfin. La frayeur faifit les efprits. On abandonne les temples: on court aux armes; mais il n'étoit plus tems. Les Espagnols en moins d'une demi-heure, s'étoient faifis des places, de la maison-de-ville, & des remparts. Il fallut céder à la fortune, & mettre bas les armes dont on s'étoit pourvu trop tard. Les richeffes des bourgeois, l'artil→ lerie, les munitions, l'argent que le roi Henri IV avoit fait tranfporter dans la ville, tout devint la proie des vainqueurs qui ne furent chaffés de leur conquête, qu'après plufieurs mois de fiége. Voyez PRÉSENCE D'ESPRIT.

AFFABILITÉ. ·

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le tems que l'armée Chrétienne, que faint "Dionis avoit conduite contre les infidèles, étoit en proie à la pefte, aux maladies les plus cruelles, à la famine la plus affreufe, Gaugelme, un des valets-dechambre du Monarque, fut attaqué, comme les autres, du fléau épidémique, qui bientôt le réduifit à l'extrémité. Son confeffeur l'exhortoit à mourir chrétiennement. « Non, dit-il, je ne mourrai point que je n'aie » vu mon faint Rei: j'attends qu'il m'honore de fa vi

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fite. Ces paroles furent rapportées au Prince; mais tout le monde lui représenta l'imprudence qu'il y auroit à fatisfaire le defir d'un domeftique, en s'expofant à gagner la maladie qui le mettoit au tombeau. « Ce do"meftique eft mon fujet; il eft mon frere, répondit le » Monarque: allons nous acquitter de nos devoirs à »fon égard. » Il dit; & dans le moment il se montre aux yeux étonnés de Gaugelme. Ce fidèle ferviteur veut le précipiter aux pieds de fon maître. La foiblesse le retient. Louis le confole & l'encourage; & Gaugelme meurt fatisfait.

2. L'Impératrice-Reine, Marie-Thérèse, étant à Luxembourg, y reçut un message, de la part d'une femme âgée de cent huit ans, qui, pendant plufieurs années, n'avoit pas manqué de fe préfenter, le jour du Jeudi-Saint, pour être au nombre des pauvres auxquels cette augufte Princeffe lavoit les pieds. Depuis deux ans, fes infirmités l'avoient empêchée de fe rendre au palais. Elle fit dire à l'Impératrice, qu'elle avoit le plus vif regret de n'avoir pu fe trouver à cette pieuse cérémonie, non pas tant à caufe de l'honneur qu'elle auroit reçu, que parce qu'elle avoit été privée du bonheur de voir une Souveraine adorée. La Princeffe, touchée du meffage & des fentimens de cette bonne femme, se rendit elle-même dans le village qu'elle habitoit. Elle ne dédaigna pas d'entrer dans une miférable cabane. Elle la trouva fur un grabat où la retenoient fes infirmités, compagnes inféparables de l'âge. « Vous re"grettez de ne m'avoir point vue, lui dit la généreuse » Marie-Thérèse: confolez-vous ma bonne; je viens » vous voir.» Elle fut attendrie de la fituation & de l'air pénétré de la vieille femme qui gémiffoit de ne pouvoir fortir de fon lit, pour fe jetter à fes pieds. Elle l'entretint long-tems, & lui laiffa, en se retirant, une fomme d'argent néceffaire pour lui procurer les fecours dont elle avoit befoin.

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3. Un jour, le fameux abbé Terraffon paffoit dans les rues, vêtu d'une maniere bizarre & négligée. Quelques enfans & quelques perfonnes du bas-peuple le fui

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voient avec des huées. Un de fes amis le rencontra, & voulut écarter ces infolens. « Eh! mon ami, laissez» les faire, dit l'abbé : cela les amufe; & je ne peux » leur faire que ce bien-là. »‹

4. Le tyran Pififtrate, fi toutefois ce Prince mérite ce nom odieux, fit oublier fon ufurpation par les vertus qu'il fit briller fur le thrône. Il fe diftingua fur-tout par fon affabilité. Il regardoit tous les citoyens comme des freres. 11 les écoutoit avec joie : il les faifoit manger à fa table; il jugeoit leurs différends avec la tendre follicitude d'un pere, & le zèle défintéressé d'un ami véritable. Enfin, pour donner, en quelque forte, tout ce qu'il poffédoit à fes fujets, il ouvrit fes jardins & fes palais à tout le monde; & chacun y étoir reçu avec l'attention & les égards qu'on auroit eus pour le Prince.

5. C'est à son affabilité, que le fameux Themistocle dut, en partie, la haute fortune à laquelle il s'éleva. Ce grand homme, qui penchoit naturellement vers le gouvernement populaire, ne négligea rien pour fe rendre agréable au peuple, & pour fe faire des amis, fe montrant affable à tous, complaifant, toujours prêt à rendre fervice aux citoyens qu'il connoiffoit par leurs noms; & même il n'étoit pas fort délicat fur les moyens qu'il employoit pour leur faire plaifir: auffi quelqu'un lui dit qu'il gouverneroit parfaitement, s'il confervoit l'égalité parmi les citoyens, & qu'il ne penchât pas plus pour l'un que pour l'autre. « A Dieu ne plaife, répon» dit-il, que je fois jamais affis fur un tribunal où mes » amis n'aient pas plus de crédit & de faveur que les étrangers! »

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6. Le duc de Joyeufe, favori de Henri III, avoit un cœur digne de fa grande fortune; & fon affabilité envers tout le monde prévenoit les traits piquans de l'envie. Un jour, ayant fait attendre trop long-tems deux fecrétaires d'Etat dans l'anti-chambre du Roi, il leur en fit fes excufes, & leur abandonna un don de cent mille écus, que le Roi venoit de lui faire. Voyez AGRÉMENS. ATTENTIONS. CIVILITÉ. ÉGARDS. POLITESSE. SCavoir-vivre. URBANITÉ.

AFFEC

I.

AFFECTION.

Onftance-Chlore, craignant de fouler les provinces que Dioclétien, qui l'avoit associé à l'empire, lui avoit données à gouverner, ne vouloit point accumuler; & fon thrésor étoit toujours vuide. Dioclétien, qui aimoit l'argent, blâma beaucoup la conduite du Ĉéfar; & il envoya quelques perfonnes de fa cour pour lui en faire des reproches. Le Prince ne répondit rien à cette remontrance; mais il pria les députés de l'empereur de demeurer quelque tems auprès de lui: enfuite il manda les plus riches citoyens de toutes les provinces de fon département; & il leur dit qu'il avoit befoin d'argent, & que le tems étoit venu pour eux de lui témoigner, par une libéralité volontaire, l'attachement qu'ils avoient pour fon fervices La propofition de Conftance fut reçue avec joie. C'étoit pour fes fujets une heureuse occafion qu'ils fouhaitoient depuis long-tems, & qu'ils faifirent avec tranfport. Tous s'emprefferent de lui apporter de l'or & de l'argent, & toutes fortes d'effets précieux. Le thréfor de Conftance fe trouvant ainfi rempli, il appella les députés de Dioclétien, & leur montra cet amas prodigieux de richesses. « Je viens, leur dit-il, de » les raffembler; mais il y a long-tems que j'en étois le » maître : j'en laiffois la garde à mes fujets, qui, comme » vous voyez, en étoient pour moi les fidèles dépofitai»res. » Les députés s'en retournerent pleins d'admiration; & Conftance, affuré de trouver une reffource toujours prête dans le cœur de fes fujets, fit reprendre à chacun ce qu'il avoit apporté.

2. Lucian Doria, ayant gagné une bataille navale fur les Vénitiens, en 1379, auprès de Poli, perdit la vie au milieu de fon triomphe. Dans le fort de l'action, il leva la vifiere de fon cafque. Il fut bleffé d'un coup de lance; & ce Général, la gloire de Gènes, fa patrie expira dans l'inftant même. On cacha fa mort à fes foldats, dont il étoit adoré. Lorfqu'ils l'apprirent, D. d'Educ, T. I. E

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ils firent retentir les airs de leurs plaintes & de leurs gé. missemens. La plupart avoient vieilli fous fes ordres. Ils fe rappellent alors, en fanglotant, les actions de courage & d'humanité de leur illuftre chef. Ce font des témoins qui parlent, & des témoins fenfibles. « C'eft lui, di»fent-ils, c'eft ce grand homme qui, fe trouvant avec "nous fur les côtes de l'Esclavonie, manquant de vi» vres & d'argent, nous distribua tout le fien, jufqu'à »fa vaiffelle, pour nous mettre en état de fournir à nos » befoins. Il a fait bien plus pour moi, s'écrie un » vieux matelot. Je mourois de faim, dans le même » tems. Attaché à ma rame, je n'avois pu affifter à la » diftribution qu'il avoit faite de fes richeffes. Enfin je » me traîne à fes pieds. Il n'avoit plus rien qui fût de » quelque prix, fi ce n'eft la boucle de fa ceinture. » Leve-toi, me dit-il; tes peines ont paffé dans mon cœur:

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prends ce qui me refte; & il coupa cette boucle dont » il me fit préfent. » Jamais Général ne reçut d'éloges plus flateurs que Doria. Quelle oraison funèbre vaut celle de ces guerriers dont il avoit gagné les cœurs par fes bienfaits?

3. Le célèbre maréchal de Brissac étoit adoré de fes foldats. Quand il affiégeoit quelque ville, quand il livroit quelque bataille, ils s'efforçoient de l'empêcher de s'expofer aux dangers; ils fe jettoient au-devant de lui, pour recevoir les coups qui lui feroient adreffés. Briffac attendri leur difoit : « Eh quoi ! mes bons amis » vous voulez donc que je vous doive toute ma gloire, » & que je ne faffe qu'aider à votre courage?» Ils lui répondoient par mille cris de Vive Briffac! & les officiers alloient lui baiser les mains.

4. Tous les foldats de M. de Turenne le refpectoient, le chériffoient comme un pere. Etant, un jour, en marche pendant une faifon fort rigoureuse, il fallut traverfer des montagnes efcarpées & des défilés trèsétroits. Pendant que l'armée paffoit un de ces défilés le Vicomte, épuifé de veilles & de fatigues, fe coucha derriere un buiffon, pour dormir. Quelques foldats, voyant que la neige tomboit en abondance, couperent auffi tôt des branches d'arbres, pour former autour de

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