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caire, croyant lui faire un grand préfent. Ce grand homme, louant Dieu d'une fi rare abftinence, fit diftribuer le raisin aux pauvres qu'il nourrissoit.

3. S. François de Sales ayant été en conférence, pour une affaire de piété, avec une dame de la cour, quelqu'un lui demanda fi cette femme étoit belle? « Je » n'en fçais rien, répondit le faint Prélat. Mais ne » l'avez-vous pas vue? » l'ai point regardée. »

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Oui, je l'ai vue; mais je ne

4. Lorfque David étoit dans la caverne d'Odollam il témoigna, en préfence de fes gens, qu'il boiroit, avec plaifir, de l'eau de la citerne de Bethléem, assez éloignée de-là. Aufli tôt trois de fes plus vaillans hommes pafferent au travers du camp des Philiftins; allerent puifer de l'eau de cette citerne, & la lui apporterent. Mais ce Prince refufa d'en boire, & l'offrit au Seigneur. « Dieu me garde, dit-il, de faire cette faute! " Quoi ! boirois-je le fang de ces braves? boirois-je » une eau qu'ils ont achetée au péril de leur vie? »

5. Pendant une marche longue & pénible dans un pays aride, Alexandre & fon armée fouffroient extrêmement de la foif. Quelques foldats envoyés à la découverte trouverent un peu d'eau dans le creux d'un rocher, & l'apporterent au Roi dans un cafque. Alexandre fit voir cette eau à fes foldats, pour les encourager à fupporter la foif avec patience, puifqu'ils alloient trouver ce qu'il falloit pour y remédier. Enfuite, au lieu de boire, il la jetta par terre, aux yeux de toute l'armée. Les Macédoniens applaudirent, par de grandes acclamations, à cette abftinence admirable; &, ne penfant plus à leur foif, ils dirent au Monarque qu'il pouvoit les mener par-tout où il voudroit; que jamais ils ne fe lafferoient de le fuivre.

6. Caton d'Utique marchoit, à la tête de fon armée, au milieu des fables arides de la Lybie. Tous les foldats, brûlés du foleil, & abbatus par la fatigue, étoient dévorés d'une foif ardente. Un d'entr'eux trouva avec peine un peu d'eau, & la porta, dans fon cafque, à fon Général; mais Caton auroit rougi de boire feul, quand toute fon armée périffoit de foif. Pour animer

tout le monde à la patience, il répandit cette eau fur la terre; &, par cet exemple, il donna à fes foldats la feule confolation qui dépendoit de lui. Cette eau fi elle eût été bue, eût à peine pu étancher la foif d'un feul étant répandue, elle leur rendit à tous la foif plus aifée à fupporter.

7. Le grand Pompée étant malade, le médecin lui ordonna de manger une grive; mais les grives étoient fort rares dans cette faifon. Les esclaves du général Romain, après bien des perquifitions, vinrent lui rapporter qu'on ne pouvoit trouver de grives que chez Lucullus qui en nourriffoit pendant toute l'année. « Quoi! » dit Pompée, je cefferois donc de vivre, fi Lucullus » ne vivoit pas dans la molleffe! » Il jugea qu'il lui feroit honteux de prolonger fa vie à ce prix. Il ne mangea point de grives, malgré l'ordonnance du médecin; ce qui ne l'empêcha pas de guérir.

8. Louis VIII, roi de France, fut attaqué d'une maladie dont on n'a point marqué la nature. Les médecins lui propoferent un remède dont ils affuroient l'efficalité; mais il étoit contraire à la loi de Dieu. Le pieux Monarque le rejetta avec horreur. Cependant, malgré fon refus, on fit mettre auprès de lui, pendant qu'il dormoit, une jeune fille qui, à fon réveil, lui exposa le motif qui l'avoit fait introduire dans fon appartement. « Non, ma fille, répondit-il ; j'aime mieux mou»rir, que de me fauver la vie par un péché mortel. » Auffi-tôt il appelle Archambaud de Bourbon, qui étoit fon confident, & lui ordonne de procurer un établissement honorable à cette jeune perfonne.

9. S. Antoine, patriarche des Cénobites, ne mangeoit jamais qu'une fois le jour, après le soleil couché, ou de deux jours l'un; fouvent même il paffoit trois jours dans une abstinence générale. Sa nourriture n'étoit que du pain & du sel; & jamais il ne buvoit que de l'eau.

S. Jean-Chryfoftome ne fe trouvoit jamais aux feftins dont il étoit prié; mais il mangeoit toujours en particulier, regardant tous les repas de fociété, même les plus modeftes, comme des occafions dangereuses.

La veuve fainte Paule, dont S. Jérôme a fi juftement célébré les vertus, s'interdit entiérement l'ufage de la chair, du vin, du poiffon, du lait, des œufs & du miel; & elle n'ufoit d'huile qu'aux jours de fête : abstinence d'autant plus admirable, que fainte Paule fortoit d'une des familles les plus nobles & les plus opulentes de l'Empire.

10. M. le duc d'Orléans, qui fut régent du royaume, invita le célèbre Despréaux à dîner : c'étoit un jour maigre; & l'on n'avoit fervi que du gras. On s'apperçut qu'il ne touchoit qu'à fon pain. « Il faut bien, lui dit le Prince, » que vous mangiez gras comme les autres; on a ou»blié le maigre. ---Vous n'avez qu'à fraper du pied, » Monfeigneur, lui répondit Boileau, & les poiffons nfortiront de terre. » Cette allufion au mot de Pompée fit plaifir à la compagnie ; & fa constance à ne vouloir pont toucher au gras fit honneur à fa religion.

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11. On conduifoit S. Fructueux, évêque de Tarragone en Espagne, avec deux de fes diacres, Augufte & Euloge, à l'amphithéatre, pour être brûlé vif. Quelques Chrétiens, par un mouvement de charité, lui offrirent à boire, pour le foulager un peu. Mais c'étoit un jour de jeûne ; & il n'étoit point encore l'heure de rompre l'abftinence. Le fidèle martyr de Jesus-Chrift, délicat jufqu'à la mort fur l'obfervance des pratiques religieufes, répondit : « Non, mes freres, nous jeûnons; je ne veux point boire : il n'eft pas encore tems. Ja» mais je ne violerai la loi sacrée du jeûne; & la mort » même ne me fera point perdre le fruit de mon facri»fice. Voyez AUSTÉRITÉ. FRUGALITÉ. SOBRIété. TEMPÉRANCE.

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ACTIVITÉ.

Ules-Céfar difoit ordinairement que, dans les entreprises hardies & périlleuses, il falloit agir, & non délibérer, parce que la promptitude contribue, plus que tout le reste, à les faire réuffir, & parce que la réflexion refroidit le courage, & rend l'homme ti

mide. Cet illuftre Romain, le plus grand homme de fon fiécle, s'il eût été meilleur citoyen, prouva bien durant les guerres civiles que fon ambition avoit allumées, qu'il fe conduifoit fuivant fes principes. Après avoir vaincu l'armée républicaine, il parcourt une étendue immenfe de pays; de l'Italie vole dans le Pont, en Afie; attaque Pharnace, fils de Mithridate; le défait dès le premier choc, & fait rentrer les rebelles dans les fers de la République. C'eft pour exprimer cette étonnante célérité, qu'il écrivit à fes amis ces mots devenus fi fameux : « Je fuis venu, j'ai vu, j'ai vaincu. »

2. Lacédémone étoit menacée par les Républiques rivales de fa grandeur; & fes troupes étoient dans le fond de l'Afie, occupées, fous la conduite du grand Agéfilas, à humilier, par d'illuftres conquêtes, le faste & l'orgueil du roi de Perfe. Sparte inftruit fon Roi de l'orage qui fe forme contre elle. Agéfilas part auffi-tôt avec fon armée, & fe rend, en trente jours, à Lacédémone. Après avoir paffé l'Hellefpont, il lui fallut Traverfer la Thrace; mais il n'en fit prier aucun des peuples de lui livrer le paffage. Il envoya feulement demander à chacun d'eux s'il marchoit en pays d'amis ou d'ennemis? Chaque peuple vint le recevoir à l'entrée de fon territoire, & le conduifit jusqu'à la fortie. Ceux que l'on appelloit Troadenfes, qui avoient vendu bien cher à Xerxès la liberté de paffer chez eux, furent les feuis qui ne fe prêterent pas de bonne grace aux defirs du roi de Sparte. Ils demanderent à ce Prince cent talens & cent efclaves, « Que ne viennent-ils les » chercher ?» répondit en riant l'intrépide Agéfilas. Il marche auffi-tôt contre eux; en immole une foule prodigieufe; met le refte en fuite; paffe tranquillement; &, par fon arrivée foudaine, il confterne les Grecs. conjurés, & fauve fa patrie.

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3. Annibal, vaincu plufieurs fois par le conful Néron, n'avoit plus de reffources que dans l'arrivée de fon frere Afdrubal qui devoit venir à fon fecours avec une nombreuse armée, & dont il attendoit des nouvelles avec une impatience proportionnée à fes befoins. Afdrubal ayant été forcé de lever le fiége de Plaifance,

par le conful Livius, collégue de Néron, avoit envoyé quatre cavaliers Gaulois & deux Numides pour porter à Annibal les Lettres qu'il lui écrivoit. Ces cavaliers ayant traversé heureusement toute la longueur de l'Italie, cherchoient à joindre Annibal qui fe retiroit vers Métaponte; mais, s'étant engagés dans des chemins qu'ils ne connoiffoient pas, ils s'approcherent de Tarente. Là, ils furent pris par des fourrageurs de l'armée Romaine, qui couroient la campagne. Ils furent conduits au conful Néron. Les Lettres qu'ils portoient furent faifies.

En les ouvrant, ce Général voit que le projet d'Afdrubal est de joindre fon frere dans l'Ombrie. Auffi-tôt il forme le deffein le plus hardi, le plus extraordinaire, dont le fuccès devoit être le falut de Rome, mais qui auroit caufé fa perte, s'il n'eût pas réuffi. Il entreprend de tromper Annibal, c'est-à-dire l'homme le plus vigilant, le plus attentif de fon fiécle, en laissant auprès de lui fon camp toujours dans le même état, de maniere qu'il pût croire que le Conful étoit préfent; de traverfer lui-même toute la longueur de l'Italie; d'aller fe joindre à fon collégue, pour accabler Afdrubal, & de revenir enfuite dans fon camp, avant qu'Annibal fe fût apperçu de fon absence. Il choifit, pour cet effet, ce qu'il y avoit de meilleures troupes dans fon armée, dont il forme un corps de'fix mille hommes de pied, & de mille chevaux. Il part de nuit, & prend la route de la Marche d'Ancône. Il avoit dépêché des cavaliers dans tous les pays par où il devoit conduire fon armée, pour ordonner, de fa part, aux habitans des villes & des campagnes de tenir fur le chemin des vivres tout prêts pour la nourriture des foldats, & d'y faire conduire des chevaux & d'autres bêtes de fomme, pour porter ceux qui fe trouveroient fatigués: ainfi rien ne retarda la marche; & il arriya en peu de tems au camp de Livius.

Pour mieux tromper l'ennemi, Néron entra dans les retranchemens de fon collégue, à la faveur des ténèbres de la nuit. Le lendemain, on fortit du camp en ordre de bataille, Afdrubal se mit auffi d'abord en de

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