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Ce qui fuffit peine,

XCVII.

pour vivre on le trouve fans

Au befoin le foleil nous peut fervir de feu: Je blâme également Apice & Diogéne, L'un pour aimer le trop, & l'autre le trop

peu.

fa

Je blâme également Apice & Diogé ne. En effet, quoi de moins digne de l'homme raisonnable que ce que nous dit l'Hiftoire de trois Romains, meux gourmands, nommés tous trois Apicius. Le premier a vécu avant les Empereurs ; le fecond fous Augufte & Tibére,& le troifiéme fous Trajan.Mais le plus célébre des trois eft le fecond qui tint à Rome Ecole publique de gourmandife, qui dépenfa pour fatisfaire la fienne plus de deux millions, & qui voulant furvivre à lui-même, compofa un Traité de la maniére d'ai guifer l'appetit: De gula irritamentis. Diogéne au contraire, furnommé le Cinique, qui naquit à Synope la quatriéme année de la XCI. Olympiade, donna dans l'extrémité contraire. Il

n'avoit pour tout meuble qu'une beface, un bâton & une écuelle, qu'il brifa ayant vû un jeune homme qui buvoit dans fa main. Sa maifon étoit un tonneau où il demeuroit expofé au foleil. Aléxandre étant venu le voir, & l'ayant preffé de demander ce qu'il defiroir : De te détourner un peu, lui réponditil, & de ne pas m'ôter le foleil. Ce qui étonna fi fort ce Prince, qu'il s'écria: Que s'il n'étoit pas Alexandre, il voudroit être Diogene. Au reste, il ne faut pas croire que ce dépouillement ait été le fruit de fa modération : fous fes haillons & fous fon tonneau, il cachoit un fond d'orgueil qui lui faifoit regarder le refte des hommes comme infiniment inférieurs au degré de vertu qu'il prétendoit pofféder.

XCVIII.

On donne bien fouvent de mauvais inter

pretes,

Aux actions qui ont plus d'ordre & de raison. Tout eft mal aux méchans, & des mêmes fleurettes

L'abeille fait le miel, l'araignée le poison.:

Tout eft mal aux méchans, comme

tout eft bon aux bons. D'où on doit conclure, que fi on interprete en mal les meilleures actions, c'eft un nouveau motif pour ne pas faire le mal, puifque fi on traite ainfi le bois verd, comment le bois fec fera-t-il traité? ( Luc, 23.31.)

XCIX.

Heureux peuple qui vit fous un Roy doux & jufte !

La justice eft l'epée, l'amour le bouclier, Ces deux vertus ont mis entre les Dieux

Augufte,

Et le fceptre du Roy fans elle n'eft entier.

Ces deux vertus ont mis entre les Dieux. Augufte. C'est-à-dire, fa douceur & La justice; quoique felon le fentiment commun il faille confidérer Augufte. dans deux temps différens, & dans lefquels il a paru différent de lui-même. Car il femble qu'Augufte afpirant à la Souveraineté, & Augufte Souverain foient deux hommes. Afpirant à la Souveraineté, il étoit inquiet, remuant, artificieux, facrifiant tout à fa fortune, & fe fignalant même dans fon Triumyirat par fa cruauté fatale à plufieurs

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gens de bien. Mais fitôt qu'il fut parfible poffeffeur de la Souveraineté, tous fes vices femblérent être changés en vertus; il ne penfa plus qu'à maintenir la paix qu'il avoit donné à l'Univers, fa douceur naturelle reprit le deffus, & il ne montra de force que pour appuyer la justice. Ce qui ne contribua pas peu à lui adoucir l'efprit, ce fut la culture des Belles-Lettres qui ne font appellées Lettres humaines, que parce qu'elles font capables d'humanifer les caracteres les plus féroces. Il montra même dès fa jeuneffe ce qu'il feroit un jour, en faisant publiquement à l'âge de douze ans & avec fuccès l'Oraifon Funébre de fon ayeule Julie. Amour des fciences & des Sçavans qui domina en lui pendant toute fa vie, & qui rendit fon régne fi célébre en grands hommes, qu'aujourd'hui encore, quand on eft affez heureux pour trouver des Princes protecteurs des Sciences ou des Arts, on dit de leur régne : C'est le régne d'Augufte.

C.

Le bonheur, la faveur, le travail, le courage, Aux biens & aux honneurs font l'homme parvenir,

Mais le chemin eft long: c'eft un grand avan

tage,

Naître grand, & n'avoir peine à le devenir.

C'est un grand avantage de naître grand & de n'avoir pas la peine de le devenir. Le Philofophe Socrate étoit fils d'une Sagefemme, de cette circonftance il tiroit fouvent une comparaifon. De même, difoit-il, que ma mere ne peut tirer du fein d'une femme ce que la nature n'y a pas mis, je ne tirerai jamais d'un efprit ce que la nature lui a refufé. Pour devenir grand la moitié de la vie fe paffe dans le médiocre: mais quand la naiffance a fait ce riche prefent, les plus jeunes têtes font bientôt ceintes de lauriers. Henry le Grand, Louis le Grand en ont fait P'épreuve.

FIN.

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