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l'humanité, n'eft-elle pas fouvent réalifée? Rien n'eft plus commun, rien n'eft plus déplorable que de voir tant de riches impitoyables, & fous leurs yeux tant de pauvres dignes de pitié. Cependant, que les riches ne s'y trompent pas; ils ne font pas tant faits pour les pauvres, que les pauvres font faits pour eux; parce que l'aumône eft plus profitable à celui qui la fait, qu'à celui qui la reçoit; parce que Dieu, l'abondance même, peut bien quand il voudra fecourir par lui-même le pauvre & l'affligé; il n'a pas befoin pour cela du

fecours du riche.

LVI.

As-tu, cruel, le coeur de telle forte,
De mépriser le pauvre infortuné,
Qui comme toi eft en ce monde né,
Et comme toi de Dieu l'image porte.

Qui comme toi eft en ce monde né. Quelqué riches, quelqu'illuftres, quel que diftingués que foient les hommes foit par la naiffance, foit par la fortutune, les Davids n'ont-ils pas commencé comme les Jobs; & fi celui-ci re

51 connoît qu'il eft entré nud fur la terre, celui-là ne fe fouvient-il pas de fa premiére pauvreté dans fa plus grande abondance? Qu'est-ce donc qui diftingue les riches d'avec les pauvres? finon l'héritage de quelques biens cafuels, la poffeffion de quelques Domaines changeans; l'élevation à de vains honneurs❤ élevation qui vient ou de la naiffance, ou du mérite, ou de la fortune. Si elle vient de la naiffance, n'eft-ce pas un caprice de nature? Le riche & le pauvre ne font-ils pas faits du même limon? La même terre les porte, ils rentrent dans la même terre. Si c'est une récompenfe du mérite; celui qui a reçu dix talens & celui qui n'en a reçu que deux, ne font-ils pas les enfans du même Pere de Famille. Enfin, fi c'eft un caprice de fortune, l'homme élevé par cette voie ne devroit-il plutôt rougir de fes prérogatives que des humiliations de fon frere affligé?

pas

Mais non-feulement les pauvres font nos femblables, mais nous pouvons encore devenir pauvres comme eux. Il n'eft pas néceflaire d'interroger les hiftoires pour apprendre d'elles les éclatantes décadences. Notre fiécle;

notre vie, un luftre, une année ne nous en fournit que trop. Combien d'hommes élevés font tombés dans le néant? Combien la roue capricieuse d'un jeu ruineux en a-t-elle précipité dans la poufliére? Combien la fenfualité en at-elle réduit à mendier leur pain? Combien la volupté a-t-elle fait de malheureux? Combien fe font fouvent dit : J'ai des fonds pour plufieurs années qui fe font vû furvivre à leurs poffeffions? Combien de poffeffeurs ufant fagement du patrimoine de leurs peres, fe font vû contraints de recourir au patrimoine des pauvres? Combien de la médiocri té ont paffé à l'indigence? Nous les voyons tous les jours, que dis-je, nous n'ofons pas même les regarder ces riches devenus pauvres; parce qu'étant encore d'orgueilleufes victimes de leur pudeur, il femble que nous augmentions leur misére en nous y montrant fenfibles.

LVII.

Le malheur eft commun à tous les hommes,

Et mêmement aux Princes & aux Rois;
Le fage feul eft exempt de ces loix;

Mais où eft-il? Las! au fiécle où nous fom

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Le malheur eft commun à tous les hommes, & même aux Rois. Tous les maux font le prix du péché. Tous les hommes, les Rois comme les fujets font pécheurs faut-il donc s'étonner qu'ils. foient fujets aux chagrins & aux malheurs? On peut même ajouter que les chagrins des Princes font plus amers, parce que fe regardant commes des Divinités fur la terre, les moindres contradictions font des crimes qui les offenfent.

LVIII.

Le fage eft libre enferré de cent chaînes,
Il eft feul riche, & jamais étranger;
Seul affuré au milieu du danger,

Et le vrai Roy de fortunes humaines.

Le fage eft libre enferré de cent chaî

nes. Car quelle eft la plus dure captivité de l'homme, finon l'empire des paffions, defquelles le fage n'eft fage qu'autant qu'il eft victorieux ? Mais outre la fervitude des paffions, il y a encore celle du péché. Etrange & affreuse condition! Souvent les hommes, lorfqu'ils font affujettis à de méchans maîtres, ne pouvant pas devenir libres, cherchent au moins à changer de maître pour être moins miférables. Mais que peut faire un efclave du péché? A qui s'adreffera-t-il pour changer de condition? Où fuira-t-il pour fe délivrer de la fervitude? Il n'y a qu'un feul refuge pour lui, c'eft JefusChrift. C'est à lui comme à son Libérateur qu'il faut qu'il s'adreffe pour être délivré. C'eft au prix même de fon fang qu'il doit avoir recours pour pouvoir être racheté. Ce n'eft qu'alors, dit l'Evangile, qu'il pourra fe regarder comme étant vraiment libre. (Joan. 8. 36.)

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