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penfées,quelques expreffions même qui ne font pas dans l'analogie & dans la pureté de la Religion Chrétienne. Mais fon deffein n'étoit pas de faire le Docteur; & il paroît qu'il n'avoit d'autre vûe que de dreffer une morale purement humaine & capable de faire d'honnêtes gens. C'eft auffi ce qui m'a donné l'idée de faire fur les Quatrains de Pibrac, ce que j'ai fait fur les Réfléxions Morales de M. le Duc de la Rochefoucault *; c'est-à-dire, d'y joindre des Remarques critiques, morales & hiftoriques; afin de faire rentrer dans l'enceinte de la Religion & de la raifon, ce que des pensées hardies & des expreffions hazardées en roient pu faire fortir. La différence qu'il y a entre mes Remarques fur ces deux Tacites, c'est que M. de la Rochefoucault ne

Imprimées à Paris chez Ganeau en 1736.

au

confidérant l'homme que dans l'état de la nature corrompue, je n'ai tiré mes Remarques que des fages Payens : au lieu que M. dePibrac entrant davantage dans les matiéres de Religion, le fond de mes Remarques, excepté de celles qui regardent l'Histoire,, eft tiré de l'Ecriture Sainte & de. la Morale Chrétienne

Par ce moyen j'ai eu deffein de faire revivre, ou du moins de rajeunir des monumens dont nos Peres faifoient tant de cas, que toutes les langues fe font exercées fur eux; que les Nations même les plus barbares fe les ont rendu propres. Car Teiffier dans fon Eloge des Sçavans, dit que les Turcs, les Arabes & les Perfans ont fait des traductions des Quatrains de Pibrac: Florent Chrétien les a mis en vers Grecs, & Latins, & les fit imprimer l'an,

Tome III.

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84, qui étoit celui de la mort de Pibrac. Auguftin Prevoft les publia en vers héroïques Latins dans la même année. Jean Richard de Dijon en a donné l'année fuivante une nouvelle traduction latine, que Colletet qui parle amplement des Ouvrages de Pibrac, & Baillet fon copiste, fur cet article, n'ont point connue. L'an 1600Chriftophe Loifel Regent à Paris, les mit en d'autres vers latins. Pierre du Moulin Miniftre Calvinifte les traduifit en Grec, & publia fa verfion à Sedan l'an 1641. Martin Opitius Poëte Allemand les mit en fa Langue maternelle, & il y en a eu deux éditions, l'une de Franc fort en 1622 & 1 644, & l'autre d'Amfterdam en 1646. Antoine Slettlern en a fait une autre traduction Allemande imprimée à Bern en 1642. Nicolas Harbert Avocat au Parlement de Bour

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gogne, & Secretaire du Roy, les a traduit en autant de Diftiques qu'il y a de Quatrains François, & les publia à Paris l'an 1666. Legal Avocat au Parlement de Bretagne en a donné une nou. velle traduction latine imprimée à Paris en 1668. Enfin, nous en avons, non pas une traduction, mais une refonte dans la pureté de notre Langue que M. *** nous a donné, qui eft imprimée à Paris en 1720, & qui ayant été bien reçue du Public, fait bien voir combien ce fond lui eft précieux.

Peut-être, dira-t-on, que j'au rois dû adopter cette nouvelle refonte, ou en faire une autre qui ne fentît pas tant le gotique. Mais je répondrai que j'ai confervé par refpect ce ftyle de nos Auteurs. Si on a eu ce fcrupule dans l'Edition du Roman de la Rofe dont on nous a donné il ya

peu de temps une nouvelle Edition, (quoiqu'à mon avis, ce ne foit pas faire au Public un grand préfent que de lui donner un Livre qu'il n'entend prefque point.) Si,dis-je, on a eu ce fcrupule pour ce furanné inintelligible, quel respect n'ai-je donc pas dû avoir pour un ftyle que nous entendons encore très-aifément. Le Roman de la Rofe eft du treizîéme fiécle, nos Quatrains font du quinziéme; par conféquent Pibrac, à quelques mots près, doit nous reffembler beaucoup plus que Guillaume de Loris & Jean de Meun fon Continuateur.

C'est fans doute pour cette raison; c'est-à-dire, parce que Pibrac eft autant intelligible dans fa diction, qu'il eft admirable dans fes penfées, qu'on lui a donné place dans ce corps illuftre des Grands Hommes que M. Titon du Tillet a raffemblé pour

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