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HARVARD COLLÈGE LIBRARY

1410

PREFACE

E fais à peu près dans le même cas où fe trouva Ciceron, lors qu'ilentreprit de mettre en fa Langue des matieres de Philofophie, qui jusque-là n'avoient été traitées qu'en Grec. Il nous apprend qu'on difoit que fes Ouvrages feroient fort inutiles, parce que ceux qui aimoient la Philofphie s'tant bien donné de la peine de la chercher dans les Livres Grecs, negligeroient après cela de la voir dans les Livres Latins, qui ne feroient pas Originaux, & que ceux qui n'avoient pas de goût pour la Philofophie ne fe foucioicnt de la voir ni en Latin

ni en Grec.

Acela il répond qu'il arriveroit tout le contraire,que ceux qui n'étoient pas Philofophes feroicnt tentez de le deve

A

par

nir par la facilité de lire les Livres Latins; & que ceux qui l'étoient déja la Lecture des Livres Grecs, feroient bien-aifes de voir comment ces chofes-là avoient été maniées en Latin. Ciceron avoit raifon de parler ainsi. L'excellence de fon génie, & la grande réputation qu'il avoit déja acquife, lui garantifoient le fuccès de cette nouvelle forte d'ouvrages qu'il donnoit au Public; mais moi, je fuis bien éloigné d'avoir les mêmes fujets de confiance dans une entreprise pareille à la fienne. J'ai voulu traiter la Philofophie d'une maniere qui ne fût point philofophique; j'ai tâché de l'amener à unpoint,où elle ne fût ni trop feche pour les Gens du monde,ni trop badine pour les Sçavans. Mais fi on me dit à peu prés comme à Ciceron, qu'un pareil Ouvrage n'est propre ni aux Sçavans, qui n'y peuvent rien apprendre, ni aux gens du. monde, qui n'auront point d'envie d'y rien apprendre, je n'ai garde de répon dre ce qu'il répondit. Il fe peut bien

faire qu'en cherchant un milieu où la Philofophie convint à tout le Monde, j'en aye trouvé un où elle ne convienne à perfonne ; les milieux font trop difficiles à tenir, & je ne crois pas qu'il me prenne envie de me mettre une Seconde fois dans la même peine.

Je dois avertir ceux qui liront ce Livre, & qui ont quelque connoiffance de la Phyfique, que je n'ai point du tout prétendu les inftruire, mais feulement les divertir, en leur préfentant d'une maniere un peu plus agréable & un peu plus égayée, ce qu'ils favent déja plus folidement; & j'avertis ceux à qui ces Matieres font nouvelles, que j'ai cru pouvoir les inftruire & les divertir tout ensemble. Les premiers iront contre mon intention, s'ils cherchent ici de l'utilité ; & les feconds, s'ils n'y cherchent que de l'agrément.

Je ne m'amuferai point à dire que j'ai choifi dans toute la Philofophie la matiere la plus capable de piquer la curiofité. Il femble que rien ne devroit nous

intereffer davantage, que de fçavoir comment eft fait ce Monde que nous habitons, s'il y a d'autres Mondes femblables, & qui foient habitez auffi ; mais après tout, s'inquiete de tout cela qui veut. Ceux qui ont des pensées perdre, les peuvent perdre für ces fortes de fujets; mais tout le monde n'eft pas en état de faire cette dépenfe inu

tile.

J'ai mis dans ces Entretiens une Femme que l'on inftruit, & qui n'ajamais oui parler de ces chofes-là. J'ai crû que cette fiction me ferviroit & à rendre l'Ouvrage plus fufceptible d'agrément, & à encourager les Dames, par l'exemple d'une Femme qui ne fortant jamais des bornes d'une perfonne qui n'a nulle teinture de Science, ne Laiffe pas d'entendre ce qu'on lui dit &deranger dans fa tête fans confufion les Tourbillons & les Mondes. Pourquoi des Femmes cedcroient - clles à cette Marquife imaginaire, qui ne conçoit que ce qu'elle ne peut fe difpenfer

de concevoir.

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