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refolu que nous nous en tiendrions à celui de Copernic, qui eft plus uniforme & plus riant, & n'a aucun mélange de préjugé. En effet, la fimplicité dont il eft perfuadée, & fa hardieffe fait plaifir.

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SECOND SOIR.

Que la Lune eft une Terre habitée.

L

E lendemain au matin dès que l'on put entrer dans l'Appartement de la Marquife, j'envoyai fçavoir de fes nouvelles, & lui demander fi elle avoit pû dormir en tournant. Elle me fit répondre qu'elle étoit déja toute accoûtumée à cette allure de la Terre, & qu'elle avoit paffé la nuit auffi tranquillement qu'auroit pû faire Copernic lui-même. Quelque tems après il vint chez elle du monde qui y demeura jus qu'au foir, felon l'ennuyeufe coûtume de la Campagne. Encore leur fût-on bien obligé, car la Campagne. leur donnoit auffi le droit de pouffer leur visite jufqu'au lendemain, s'ils

euffent voulu, & ils eurent l'honnê teté de ne le pas faire. Ainfi la Marquife & moi nous nous retrouvâmes libres le foir. Nous allâmes encore dans le Parc, & la Conversation ne manqua pas de tourner aufsi- tôt fur nos Siftêmes. Elle les avoit fi bien conçus, qu'elle dédaigna d'en parler une feconde fois,& elle voulut que je la menaffe à quelque chofe de nouveau. Et bien donc, lui dis-je, puifque le Soleil, qui eft prefentement immobile, a ceffé d'être Planete, & que la Terre qui fe meut autour de lui, a commencé d'en être une, vous ne ferez pas fi furprife d'entendre dire que la Lune eft une Terre comme celle-ci, & qu'apparemment elle est habitée. Je n'ai pourtant jamais oüi parler de la Lune habitée, dit-elle, que comme d'une folie & d'une vi fion. C'en eft peut-être une auffi, répondis-je. Je ne prens parti dans ces choses-là que comme on en prend dans les Guerres civiles, où l'incer

titude de ce qui peut arriver, fait qu'on entretient toûjours des intelligences dans le parti oppofé, & qu'on a des ménagemens avec fes Ennemis même. Pour moi, quoique je croye la Lune habitée, je ne laiffe pas de vivre civilement avec ceux qui ne le croyent pas, & je me tiens toûjours en état de me pouvoir ranger à leur opinion avec honneur, fi elle avoit le deffus; mais en attendant qu'ils ayent fur nous quelque avantage confiderable, voici ce qui m'a fait parcher du côté des Habitans de la Lune.

Suppofons qu'il n'y ait jamais eu nul commerce entre Paris & SaintDenys, & qu'un Bourgeois de Paris qui ne fera jamais forti de fa Ville, foit fur les Tours de Notre-Dame, & voye Saint Denis de loin; on lui demandera s'il croit que Saint Denis foit habité comme Paris. Il répondra hardiment que non ; car, dira-t-il, je vois bien les Habitans de Paris,

mais ceux de Saint-Denys, je ne les vois point, on n'en a jamais entendu parler. Il y aura quelqu'un qui lui reprefentera, qu'à la verité quand on eft fur les Tours de Nôtre-Dame, on ne voit pas les Habitans de SaintDenis, mais que l'éloignement en eft caufe ; que tout ce qu'on peut voir de Saint Denis reffemble fort à Paris, que Saint Denis a des Clochers, des Maisons, des Murailles, & qu'il pourroit bien encore reffembler à Paris en ce qui eft d'être habité. Tout cela ne gagnera rien fur mon Bourgeois, il s'obftinera toûjours à foûtenir que Saint Denis n'eft point habité, puis qu'il n'y voit perfonne. Nôtre Saint Denis c'eft la Lune, & chacun de nous eft ce Bourgeois de Paris, qui n'eft jamais forti de fa Ville.

Ah! interrompit la Marquife, vous nous faites tort, nous ne fommes point fi fots que vôtre Bourgeois ; puis qu'il voit que SaintDenis eft tour fait comme Paris, il faut qu'il ait per

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