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fe doute moins de fon mal, & qu'il prend pour embonpoint ce qui n'eft que bouffiffure.

Je craindrois de me tromper fur M. de Tourreil, qui a encore beaucoup d'admirateurs, fi je n'étois fortifié dans mon opinion par deux Juges non fufpects, & d'un grand poids. Je veux dire Meffieurs Rollin, & Maffieu. Tout le monde ayant lû (5) ce que le premier en a écrit, je ne citerai que feu M. l'Abbé Maffieu, dont l'ouvrage (6) n'a point vû le jour. C'eft dom» mage, dit-il, que M. de Tourreil » ne faffe pas un meilleur ufage de fes » talens. Il n'a que trop de génie. Il ne » manque ni de fécondité, ni de feu, ni d'élévation, ni de force. Mais il » ne fait point s'aider de tout cela. » Son efprit l'entraîne & l'emporte. "Rien de fuivi, ni de réglé dans ce » qu'il fait. Son ftyle va toujours par fauts,

(5) Voyez M. Rollin, De l'éloquence du Barreau, article premier.

(6) Remarques, dont le Manufcrit original fe garde dans la Bibliothéque du Roi, fur la feconde édition de M. de Tourreil.

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» fauts & par bonds. Ce u'eft qu'impé» tuofité, que faillie. Il a l'enthou» siasme de ces Prêtreffes qui rendoient » autrefois les oracles: il en a souvent l'obfcurité. Le privilége d'entendre » M. de Tourreil n'eft pas donné à tout » le monde. En beaucoup d'endroits " on doute qu'il s'entende lui-même. » Il quitte le fens pour les mots, & le » folide pour le brillant. Il aime les épithètes qui empliffent la bouche, les phrafes fynonymes qui difent "trois ou quatre fois la même chose » en termes différens, les expreffions fingulières, les figures outrées, & généralement tous ces excès, qui font » les écueils des écrivains médiocres. Il ignore fur-tout la naïveté du langa"ge: deforte que s'il eft vrai, comme "tous nos maîtres l'enfeignent,qu'elle foit une des premiéres perfections, » & un des plus grands charmes de » l'Eloquence, jamais Orateur n'a été » moins parfait, & n'a dû être moins » imité, que M. de Tourreil.

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Voilà le jugement d'un Savant, mais d'un Savant qui étoit homme de goût, & qui ne connoiffoit pas moins bien le

gracieux & l'aimable, que le folide & le vrai des Anciens. Car les Anciens, encore une fois, font nos maîtres: & quand nous croirions valoir mieux qu'eux à d'autres égards, du moins estil certain qu'en matiére d'Eloquence, nous leur cédons.

J'ai extrait une partie de leur doctrine fur ce fujet, pour en composer le Difcours ci-joint, qui fervira de fupplément à cette Préface, & d'introduction à la lecture des piéces fui

vantes.

DISCOURS

SUR

L'ELOQUENCE

Prononcé dans l'Académie Françoise avant la diftribution des Prix, le 25 d'Août 1735.

*

Outes les fois, ME SSIEURS, que nous voyons revenir ce jour folennel, où l'Orateur

& le Poéte font couronnez de nos mains; il n'est rien de fi flatteur pour nous, que de remonter à la naiffance de l'Académie ; rien qui prouve mieux le progrès de ces deux arts, dont nous faifons le principal objet de nos tra

vaux.

* C'étoit l'année féculaire de l'Académisa

Jamais la France ne fut ftérile en beaux génies: & depuis le régne de François premier, elle avoit difputé avec fuccès aux nations voifines la palme de l'érudition. Mais autrefois nos Savans, pauvres en leur langue, ne connoiffoient que celle d'Augufte, qui pût donner à leurs ouvrages un mérite d'éclat. Ainfi les ignorans étoient alors prefque les feuls, à qui l'on permit d'écrire en françois: & par conféquent nul ftyle, nul goût dans la plufpart des auteurs, qui font venus avant l'Académie.

Quelle heureuse révolution Car y a-t-il quelque genre de beautez, dont aujourd'hui notre langue n'ait pas fourni d'excellens modéles? Harmonie, & majesté dans Balzac : naïveté, & délicateffe dans Voiture: exactitudc, & netteté dans Vaugelas : précision, & vivacité dans Ablancourt: po

liteffe

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