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places, il les regarda comme autant de prix (4) expofez à la vûë des combattans, & deftinez au vainqueur. Il favoit que felon le cours ordinaire de la nature, les abfens font dépouillez par les préfens; & ceux qui manquent d'attention, par ceux qui ne craignent, ni travaux, ni périls. Delà fes grands progrès. Il a tout conquis: ou ce qu'il n'a point conquis, il l'a eu à titre d'alliance; car on embraffe toujours le parti où l'on voit, non-feulement le plus de force, mais le plus d'activité.

Vous donc, ATHENIENS, fi dès aujourd'hui, puifque vous ne l'avez pas fait plus tôt, vous raifonnez de même que Philippe; fi chacun de vous, dans le befoin préfent, veut concourir au bien plublic de bonne foi, & autant qu'il le peut, les riches en contribuant de leurs deniers, les jeunes en prenant les armes ; & pour tout dire en un mot, fi chacun veut agir

(4) Image tirée de ce qui fe pratiquoit aux Jeux folennels, où l'on étaloit aux yeux des Athlétes, les prix deftinez aux victorieux.

agir comme pour foi, & ne plus efpérer que, pendant qu'il se tiendra oifif, d'autres agiront; bien-tôt avec l'aide des Dieux, & vous réparerez des pertes qui ne fauroient être imputées qu'à votre négligence, & vous ferez vengez de Philippe.

Car ne vous figurez pas que fa félicité foit immuable, comme celle d'un Dieu. Il y a des gens qui le haïffent, il y en a qui le craignent, il y en a qui lui portent envie, même par mi ceux qui lui paroiffent le plus dévouez. En effet, vous ne devez pas fuppofer que ceux qui l'environnent, foient exempts des paffions humaines. Mais, parce qu'ils ne fe fentent pas foutenus, ils n'éclattent point; & l'on ne doit s'en prendre qu'à cette lenteur, qu'à cette molleffe, dont je dis qu'il faut aujourd'hui même vous corriger.

Voyez, ATHENIENS, où eft montée l'arrogance de Philippe. Il ne vous donne point à choifir entre la paix, ou la guerre ; il vous menace, & même, dit-on, avec une hauteur outrageante; fon avidité n'eft point

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encore affouvie de tout ce qu'il a conquis; il avance toujours, & pendant que vous temporifez non-chalamil vous enveloppe de tous

ment,

côtez.

Quand donc vous porterez-vous à votre devoir? Quand il y aura eu quelque événement? Quand la néceffité y fera? Mais, ATHENIENS, quelle autre idée vous faites-vous de l'état où vous ètes? Pour des hommes libres, je ne connois point de plus preffante néceffité, que celle d'effacer l'ignominie, dont eux-mêmes ils fe font couverts.

Tout (5) ce que vous avez à faire, eft-ce, dites-moi, de vous demander l'un à l'autre, en vous promenant fur une place publique: Qu'ya-t-il de nouveau? Hé qu'y auroit-il de plus nouveau, que de voir qu'un Macédonien fubjugue les Athéniens, & fe rend l'arbitre de toute la Gréce?

Philippe eft mort, dira l'un. Non, répondra

(5) Voyez fur cet endroit, les réflexions de Longin, Traité du Sublime, ch. xvI.

répondra l'autre, mais il eft malade. Hé qu'il meure, ou qu'il vive, que vous importe? Quand vous ne l'auriez plus, bien-tôt, ATHENIENS, vous vous feriez fait un autre Philippe, fi vous ne changiez pas de conduite. Car il eft devenu ce qu'il est, non pas tant pas fes propres forces, que par votre négligence.

A la vérité, s'il arrivoit (6) de certains accidens, & que la Fortune qui veille toujours plus que nous-mêmes fur nos intérêts, voulût, ainfi que je le fouhaite, achever fon ou

vrage,

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(6) S'il arrivoit que Philippe mourût. On voit affez que c'eft là le fens: mais il falloit l'envelopper, comme a fait Démofthéne pour ne pas pécher contre cette bienséance, dont Cicéron veut que l'Orateur faffe fa premiére loi. Car il y avoit des chofes que les Anciens n'ofoient exprimer qu'en termes obfcurs, ou adoucis, pour ne point prononcer ce qu'ils appeloient verba malè ominata, des paroles finiftres. On n'ofoit dire à quelqu'un : S'il vous arrive d'être tué, fi vous venez à mourir. On enveloppoit, autant qu'on le pouvoit, l'idée trifte & odieufe d'une mort prochaine, ou même éloignée. Les Grecs difoient, tois les Romains, Si quid huma→

nitùs contingat.

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vrage; vous pourriez tout dans le trouble d'une révolution fubite, pourvû que vous fuffiez à portée de vous en prévaloir. Mais n'ayant rien d'arrêté, ni dans vos préparatifs, ni dans vos projets, quand même d'heureuses conjonctures vous ouvriroient actuellement les portes d'Amphipolis, vous n'y entreriez pas. Je n'infifte donc pas davantage fur la néceffité où nous fommes tous; & dont je vous crois pleinement convaincus, de nous tenir prêts à bien faire dans l'occafion.

Mais, quels doivent être nos préparatifs? Que nous faut-il de troupes? Quels fubfides pour les faire fubfifter? Quels moyens, en un mot, avons-nous à prendre, & les plus prompts, & les plus fürs ? J'entrerai dans ce détail, après vous avoir demandé une grace, qui eft, ATHENIENS, que pour vous déterminer fur ce que j'ai à dire, vous attendiez que j'aie tout dit. Jufque-là fufpendez votre jugement, & fi je vous parois d'abord exiger de nouveaux apprêts, ne croyez point que par-là

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