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toucherai, du moment que je vous aurai dit pourquoi je me borne à un fi petit nombre de foldats, & pourquoi je veux que des Athéniens fervent en perfonne.

Je me borne à ce petit nombre de foldats, dans l'impoffibilité où nous fommes de mettre actuellement fur pied une armée, qui ose risquer une bataille. Tout ce que nous pouvons, c'eft d'infefter le pays ennemi par nos courfes. Pour cette efpèce de guerre, par où il faut commencer, n'ayons point trop de Troupes , car elles manqueroient d'argent & de vivres : mais auffi, n'en ayons pas trop peu.

Je demande qu'avec les étrangers on mêle de nos citoyens, & qu'ils s'embarquent tous enfemble, parce qu'autrefois, quand vous aviez des Troupes étrangères à Corinthe, où Poliftrate, Iphicrate, Chabrias, & d'autres encore les commandoient en votre nom, plufieurs Athéniens joignirent l'armée : & ainfi réunis citoyens & étrangers, vous triomphâtes des Lacédémoniens.

Mais depuis que des étrangers

font

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Font employez feuls à faire la guerre pour vous, il n'y a que l'ami, que l'allié, qui fouffrent de leurs hoftilitez. L'ennemi cependant va toûjours en fe fortifiant. Et ces étrangers, à peine voient-ils la guerre commencée, qu'ils défertent. Ils vont chez (1) Artabaze, & par tout ailleurs, pluftôt que de refter à votre fervice. Le Chef les fuit: avec raifon; car ne les payant pas, il n'a point à leur commander.

Que veux-je donc ? Que pour ôter, & au Chef, & aux foldats, tout prétexte de mécontentement, il y ait toûjours de quoi payer ; & qu'avec les étrangers on mêle des citoyens, qui aient l'oeil fur la conduite du Chef.

Aujourd'hui, en vérité, notre Politique eft rifible. Car fi l'on vous de

mandoit:

(1) Athénes avoit dans l'Hellefpont une armée toute composée d'étrangers; ils n'étoient point payez; ils quittérent fans autre formalité pour aller joindre Artabaze, Satrape de l'Afie mineure, révolté contre fon maître le Roi de Perfe, & ils furent fuivis de Charès, Athénien, leur Général.

E

mandoit: ATHENIENS, ètes-vous en paix? Par Jupiter, non, diriez vous, nous fommes en guerre avec Philippe. Hé n'avez-vous pas effectivement nommé de vos citoyens, pour exercer toutes (2) les charges néceffaires dans une armée ?

Mais de ces Officiers, hors le feul que vous envoyez où eft votre armée, tous les autres que font-ils ? Ils fervent ici à décorer (3) vos fêtes, avec vos Sacrificateurs.

Tels que des Statuaires en argile, vous faites des guerriers pour la montre, non pour le fervice.

Après tout, pour pouvoir dire qu'une armée eft celle d'Athénes, ne faudroit-il pas que les principaux

Officiers

(2) J'ai mieux aimé me fervir ici d'une expreffion vague, que d'employer les termes de la Milice moderne. Car, de les mettre dans la bouche de Démofthéne, c'eft tomber à peu près dans la faute que feroit un Peintre, qui, fans avoir égard à ce qu'on appelle coftume peindroit Alexandre ou Céfar en perruque & en juftaucorps brodé.

&

(3) Parce que ces Officiers y avoient un rang, & y paroiffoient avec les habits & les autres ornemens convenables à leurs dignitez.

Officiers qui s'y trouvent, fuffent Athéniens?

Pour aller au fecours de Lemnos vous prenez le Général de votre Cavalerie: & au contraire, vous donnez à Ménélas, à un étranger, le. commandement des Troupes deftinées à vous défendre vous-mêmes. Je ne vous dis point ceci pour attaquer le mérite de (4) Ménélas. Je veux feulement dire qu'il n'eft pas

(

Athénien,

(4) M. de Tourreil dit que ce Ménélas étoit le frère de Philippe. Mais quoique Philippe & Ménélas fuffent nez de méres différentes, & qu'ils ne vêcuffent pas en bonne amitié, cependant il n'eft guére vrai-femblable qu'Athénes eût voulu fe fier fi fort au frére de fon ennemi. J'aime donc mieux croire avec M. Lucchéfini, que le Ménélas dont il eft ici queftion, eft un homme inconnu d'ailleurs.

Voici, au refte, la penfée de Démofthéne; elle n'a befoin d'éclairciffement que pour ceux qui n'ont pas devant les yeux la Carte de la Gréce. Quand il s'agit, dit-il, d'aller au fecours de Lemnos, qui eft une île fort éloignée de vous; vous y envoyez des troupes commandées par un Athénien : & aujourd'hui c'eft à un étranger que vous confiez les troupes qui gardent vos frontières, & qui défendent le pas des Thermopyles. Il n'y a pas raifon à ne point prendre pour vous-mêmes,

de

Athénien, & que, quelque mérite qu'il puiffe avoir, fon emploi ne devroit être confié qu'à un homme élû par vos fuffrages.

Peut-être jugez-vous que j'ai raifon jufqu'ici mais vous ètes dans l'impatience de favoir où trouver des fonds, & ce qu'il en faut. Vous allez l'apprendre.

Toute l'armée que je vous propofe de lever, vous coûtera pour les vivres feulement, un peu au-delà (5) de quatre-vingt-dix talens: favoir, pour les dix vaiffeaux légers, quarante talens, à vingt mines par mois pour chaque vaiffeau: autant pour

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les

& pour ce qui vous touche de plus près, les précautions que vous prenez pour vos alliez. (5) Une Drachme, felon M. Dacier, pefoit ce que nous appelons un Gros; & il met le gros d'argent à dix fols.

Une Mine valoit cent drachmes; & par conféquent cinquante livres Tournois.

Un Talent valoit foixante mines, & par conféquent trois mille livres Tournois.

pour

Ainfi la fomme totale que Démofthéne demande l'entretien de fon armée, fe monte à deux cents foixante & dix mille livres, en fuppofant toûjours que le gros eft à dix fols.

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