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d'une Riviere, lorfque la corde, par laquelle on fait effort, est attachée au corps de la Barque, ou au pied du Mât, que lorsqu'elle l'eft à un point plus élevé. Il ajoûte: Ceux quilient leur corde au haut du Mât, ne le font que pour éviter les Arbres, qui pourroient arrêter la corde. Les Conducteurs même de ces Bâtimens, qui vont de Rouen à Paris, & qui font chargés environ de vingtcinq mille livres, n'aïant en vûe dans la hauteur de leurs Mâts, que les obftacles, qui fe trouvent fur les bords de la Riviere, ne leur donnent que 30. & même 25. pieds de hauteur; tant ils font perfuadés que la hauteur nuit au fillage d'un Bâti

ment.

Après ces obfervations, le Pere Fournier explique ainfi l'action du vent fur le Mât. Le Mât, dit-il, lorfque le vent agit, ne peut incliner, étant attaché fortement au Na

vire, & fon effet ne fert qu'à le foulever, & à l'entraîner après lui. Parlà, le fillage du Vaisseau augmente ou diminue, felon que le Mât eft bien ou mal attaché, & que le vent eft plus ou moins rapide.

Tels étoient les raisonnemens des anciens Philofophes. Autrefois on croïoit aveuglément tout ce qui venoit de leur part; & le Public recevoit avec une forte de vénération leurs préceptes. Ce tems n'eft plus. Ils ont bien perdu de leur crédit. Leurs erreurs font découvertes. Il fuffit même à la plûpart des Lecteurs de voir leur nom à la tête d'un Ouvrage, pour en concevoir tout d'un coup une idée peu avantageuse.

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L'Homme donne volontiers dans des excès. Il a été un tems où l'on humilioit cet Animal raifonnable : aujourd'hui on l'éleve. Pafcal eft le feul, qui ait pris un fage milieu, & qui ait fait voir, qu'il étoit également

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dangereux de lui faire connoître fa grandeur, & de lui trop exposer sa baffeffe.

Nous pouvons penser de même à l'égard de ces Philofophes, & pefer leurs raisonnemens avec plus d'équité, &, fi l'on veut, avec plus d'indulgence. Celui, qui étoit judicieux, a toujours été tel. Les égaremens d'un Homme qui pense, ne proviennent que du défaut de connoiffances, qui font dûes à la fuite des tems.

Au travers des méprises des anciens Mécaniciens, on voit reluire cependant des réflexions auffi fages que judicieufes.

Ariftote croioit,que le point d'appui du Mât étoit à fon extrémité. Ariftote ne péchoit point par défaut de raifonnement. Ce Philosophe, conformément aux principes de la Mécanique, cherchoit dans le Mât un point d'appui fixe, & il n'en trouvoit que fur la Contrequille, où le Mât est élevé.

Selon Baldus, fi ce fentiment étoit vrai, le Mât devroit ou caffer en cet endroit, ou le Navire faire capot. Cela paroît naturel. Le Mât ne tendant qu'à décrire un arc, & à faire incliner le Vailleau, il eft certain, que ou il inclinera, tant que le vent fera effort fur les voiles, ou le Mât se rompra, il n'y a point de milieu. Quant à la rupture, dès qu'on place le point d'appui au pied du Mât, on eft obligé d'accorder, qu'elle fe fera en cet endroit. Car, non-feulement le Mât résiste à cette rupture, à proportion de fa groffeur & de la multitude de fes fibres; mais ces fibres réfiftent d'autant moins, qu'ils font éloignés de l'Hypomoclion, qui eft le centre des efforts.

La méprise d'Ariftote une fois reconnue, on ne s'attacha plus qu'au fentiment de Baldus ; & les réflexions de celui-ci en fournirent de plus jus

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tes. On remarqua, que le Mât ne pouvoit point être regardé comme un Levier; parceque le point d'appui d'un Levier devoit être fixe, & qu'on ne pouvoit pas affigner de tel point, ni dans le Navire, ni dans le Mât, l'un & l'autre étant toûjours en mou

vement.

Que ce raifonnement eft folide à certains égards! Le grand Bernoulli l'a démontré par rapport à un Syftême de corps, qu'une puiffance tend à faire incliner par l'action d'un Levier. Ces Savans penfoient, qu'il n'y avoit pas de point d'appui fixe dans le Mât ils fe trompoient. Cette connoiffance étoit peut-être encore trop élevée pour eux. C'étoit bien affez d'avoir reconnu, que là où il y a du mouvement, il ne peut y avoir de point d'appui. Cette vérité eft une for te de découverte de leur part, qui exige de la nôtre une reconnoiffance.

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