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ANTOINE CORREGE

CORREGE.

(a) Terme ufité en peinture pour exprimer le ra-courci des figures

dans un plafond.

(b) De nouveaux

E Corrége eft un de ces hommes nés fans précurfeur qui font les éléves de leur propre génie. C'est lui qui le premier a peint des figures en l'air & qui (a) plafonnent: Raphaël n'avoit ofé le tenter en peignant au plafond du petit Farnése les noces de Pfyché, où

pour

éviter les

mémoires envoyés racourcis, il a fuppofé les figures peintes fur une tapisserie d'Italie, ont fait que des clous attachent au plafond.

découvrir que Va

fari & les autres

Né en (6) 1494. à Corrège dans le Modénois, fon vrai auteurs fe font nom étoit Antoine de Allegris. On lui donne deux maîtres, trompés fur la l'un François Bianchi dit il frari & André Manteigne. Ses rége qu'ils mar- ouvrages font fi éloignés de la manière de ces deux peintres quent en 1475. qu'il eft à préfumer que c'est des mains de la nature qu'est

naiffance du Cor

forti ce grand homme qu'on a furnommé le Prince des graces & du coloris.

Ce peintre étoit de ces génies heureux qui apportent en naiffant une difpofition naturelle qui avec de foibles fecours vous conduit à la perfection. Sans être forti de fon païs, fans avoir vu Rome ni Venise, fans avoir confulté les figures antiques, ni aucun modèle de plafonds, de racourcis, de coupoles, ce fameux artiste à été créateur de fa maniére; il ne doit qu'à lui même le haut point de perfection où il a porté la peinture.

Son origine n'eft point encore conftatée. Son pere felon quelques (a) auteurs étoit iffu d'une noble famille de Corrége nommée de Allegris & il a laiffé de grands biens à un fils unique qu'il avoit. Les pensées élevées de ce peintre & les sciences dont il étoit orné, telles que la philofophie, l'Architecture & autres font la fuite d'une belle éducation, partage ordinaire des gens nobles & aifés, mais la joye qu'il eut de porter une fomme de deux cens livres à fon indigente famille, comme il fera dit dans la fuite, n'annonce pas un homme riche & de noble origine. D'autres auteurs ont dit que fon pere étoit laboureur né de parens pauvres & qu'il le fut durant fa vie. Une nombreuse famille, le prix modique qu'il retiroit de fes ouvrages, le temps confidérable qu'il employoit à les finir, n'étoit pas le moyen de s'enrichir; cet état de (6) médiocrité qui le rendoit mélancolique convient mieux à la cause de sa mort & aux autres événemens de fa vie.

Le Corrége a peint à frefque la coupole de la grande Eglife de Parme, il y a représenté le Paradis avec un petit nombre d'anges & les quatre docteurs de l'Eglife dans les angles. Malgré la ruine de ces beaux morceaux & le peu de clarté qui régne dans cette Eglife, on decouvre des racourcis, des figures & des têtes admirables. Saint Jean des Benedictins eft encore un chef-d'œuvre de fa main. La coupole représente l'ascension du Sauveur entouré des douze apôtres figures détachées & de la derniére beauté. Cet ouvrage eft mieux confervé & mieux éclairé que celui du Dôme. Il avoit peint le couronnement de la Vierge dans la tribune de la même Eglife laquelle a été abattue pour agrandir le chœur. Le Duc de Parme avant cette destruction fit tranfporter les deux plus belles figures & copier toute la tribune par les Carraches, & Cë

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far Aretufi l'a enfuite repeinte fur le lieu comme on la voit auCORRE'GE, jourd'hui. Le Corrége a encore fait dans deux chapelles de la même Eglife une defcente de croix & le Martyre des saints Placide & Flavie sa fœur, tableaux excellens & bien confervés.

Antoine, plus colorifte que deffinateur, avoit néanmoins un grand goût de deffein & un heureux choix du beauQuelle fraîcheur, quelle force de coloris, quelle vérité & quelle excellente maniére d'empâter les couleurs; on ne peut rien voir de plus moelleux, tout y paroît tendre & fait avec le fouffle, fans aucune crudité de contours. Quant à fes idées, elles font grandes & extraordinaires, fes compofitions raifonnées, les airs de têtes de fes figures inimitables, des bouches riantes, des cheveux dorés, les plís de fes draperies coulans, une fineffe d'expreffion surprenante, un beau fini qui fait fon effet de loin. Un relief, une rondeur, un accord, & une union parfaite, régnent dans tout ce qu'il a fait. Ses ouvrages ont étonné tous les peintres de fon temps, ainfi que ceux qui les ont fuivi. Jules Romain difoit que les carnations du Corrége étoient fi fraîches, que ce n'étoit point de la peinture, mais de la chair, auffi peignoit-il d'après nature fans fouvent faire de deffein. Il difoit que sa (a) pensée étoit au bout de ses pin

(a) C'haveva i fuoi Penfieri nella ceaux.

li.

fremità dei Penel- Les grands hommes qui ont fuivi Jules Romain font venus le confulter; c'est là qu'ils ont trouvé le grand goût, le beau coloris & la magie des plafonds, en quoi le Corrége a furpaffé tous les autres. C'est un modéle parfait qui peut être imité, mais qu'on n'a pu égaler jufqu'à préfent, Paul Veronefe & Lanfranc font ceux qui ont le plus approché des beaux racourcis de ce maître.

Il n'a manqué au Córrége que de fortir de fon païs; s'il avoit vû les beaux tableaux de Rome & de Venife, & les précieuses figures qui y font, fon dessein seroit devenu plus correct, fes contours auroient été plus prononcés & plus coulans; il feroit devenu fûrement le premier peintre du monde. On le trouve quelquefois capricieux & incorrect; on remarque même des airs de têtes fouvent répétés & un peu trop de fatigue dans fon travail, quelque foin qu'il eût de le cacher par une grande fonte de couleurs.

Le bon mot qu'on lui attribuë anche io fono pittore en voyant

les

CORRE'G E. (a) Abrégé de la vie des peintres

par de Piles.p.297. Defcription des tableaux du palais

les ouvrages de Raphaël a fait tomber en contradiction deux (a) auteurs qui le font venir à Rome quand ils ont dit quelques lignes au-deffus qu'il n'eft jamais forti de fon païs. Il y a affez d'ouvrages de Raphaël à Parme & à Modéne, pour que le Corrége ait eu occafion de dire cette plaifanterie. Le Corrége peu favorifé de la fortune étoit modefte dans fes maniéres, fe contentant de peu, & aimant à affifter les Royal par fains pauvres dont la trifte destinée approchoit affez de la fienne. Il n'y a rien de fi fingulier que le fujet de fa mort: on le à Parme en monnoie de cuivre qu'il porta à pied pendant quatre lieuës & dans la grande chaleur. La joye qu'il eut de foulager les befoins de fa famille, l'empêcha de fonger au danger auquel il s'exposoit. Il arriva à Corrége très-fatigué avec une groffe fiévre qui l'emporta en l'année 1534. âgé de qua

rante ans.

paya

De disciples connus il n'y a que Bernardo Soiaro; l'on peut dire cependant que tous les peintres ont été fes éléves.

Gelais. p. so.

Ses deffeins font très-rares; Vafari dit (b) que quoique (6) Part. 3. p. 23. bons, pleins de Vaguezze & faits de main de maître, ils ne lui auroient pas acquis une fi grande réputation, s'il ne s'étoit furpaffé infiniment en exécutant en peinture les mêmes fujets. En effet les draperies font deffinées lourdement, & les extrémités des figures fort négligées, il ne s'embarraffoit pas d'arrêter fes deffeins, content d'avoir son sujet dans la tête il le peignoit avec l'enthousiasme d'un homme qui produit fur le champ, c'eft ce qui fait qu'on ne voit que des études & de légers croquis de fa main. Ils font prefque tous à la fanguine affez mal maniée & comme eftompée : fes graces, fes caractéres de têtes, fes beaux contours, fes élégans racourcis percent à travers le brut de fes deffeins, & les feront toujours diftinguer parmi tous les autres.

Ses ouvrages à Parme font la coupole du Dôme où le Paradis eft peint à frefque; celle de faint Jean des Benedictins reprefente l'afcenfion du Sauveur, la tribune où eft l'affomption eft copiée d'après lui. Dans une chapelle une defcente de croix & le Martyre de faint Placide. Aux Capucins on voit une annonciation à frefque. A la Madona della fcala une Vierge peinte fur le mur qu'on a renfermé dans une armoire d'argent. Dans l'Eglife du faint Sépulcre une fuite en Egypte d'une grande beauté. Dans le couvent des religieufes de faint Paul, une

Dd

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chambre peinte à frefque où l'on voit les chaffes de Diane CORRE'GE. dans les lunettes autour du plafond, la déeffe eft en pied fur

la cheminée, le refte eft un berceau avec des pampres de vignes, des feuillages & des fleurs tout de fa main. Le lieu eft fi obfcur, qu'il faut des flambeaux en plein jour, pour jouir de ces belles peintures. A faint Antoine on voit deux tableaux, l'un la Madeleine qui baife les pieds du Sauveur, avec un enfant qui rit & qui tient un livre: l'autre eft un faint Jérôme aux pieds de la Vierge qui tient le Jefus affis & qui lit. L'image de la Vierge tenant le Jefus fur la porte faint Michel & le mariage de fainte Catherine avec le jefus.

A Bologne un Chrift qui apparoît à la Madeleine en Jardinier.

A Modéne un Chrift au jardin des oliviers, petit tableau d'un pied de haut dont la lumière vient de l'ange.

Il y a dans la galerie du Duc de Modéne faint François & faint Jean avec la Vierge premiére maniére, faint Roch, faint Sebaftien, faint Geminian avec la Vierge dans une gloire d'anges, la Vierge appellée la Zingarina petit tableau précieux dont la bordure eft de vermeil entourée de diamans. Une Vierge demi-figure de fes premiéres maniéres, le baptême de JefusChrift, la Vierge, fainte Anne & faint Jofeph, faint Geminian, faint Pierre, faint George & faint Jean en pied. La fameuse nativité connuë fous le nom de la nuit du Corrége, avec une gloire d'anges admirable & des lumiéres ménagées avec un grand art.

Dans la galerie du grand Duc un faint Jean avec la Madone, la Vierge tenant le Jefus entre fes bras & deux faints à côté petit tableau précieux couvert d'une glace.

Dans celle du Duc de Parme un Salvator mundi, faint Bruno dans le défert, le mariage de fainte Catherine, la Vierge avec plufieurs faints, une fainte Catherine, une Vierge & faint Jean venant de la deftruction de la tribune de faint Jean des Bénédictins, on l'a encaftré dans un plafond.

Au palais Cofta de Plaifance une belle tête.

Dans la bibliothèque Ambrofianne à Milan le portrait d'un docteur.

Dans la galerie de Florence une excellente Vierge.
Pour l'Empereur il a peint une Leda & une Vénus avec des
Amours qui effayent des flèches.

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