Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Un voyageur jeune....

LISE.

RONDON.

Nenny vraiment,

Un béquillard, un vieux ridé, fans dent,
Nos deux barbons d'abord avec franchise,
L'un contre l'autre ont mis leur barbe grife,
Leur dos voutés s'élevoient, s'abaiffoient,
Aux longs élans des foupirs qu'ils pouffoient,
Et fur leur nez leur prunelle éraillée,
Verfoit les pleurs dont elle étoit mouillée.
Puis Euphemon d'un air tout rechigné,
Dans fon logis foudain s'eft rencogné;
Il dit qu'il fent une douleur infigne,

Qu'il faut au moins qu'il pleure avant qu'il figne,
Et qu'à perfonne il ne prétend parler.

FIEREN FAT.

Oh, je prétends moi l'aller confoler,
Vous fçavez tous comme je le gouverne,
Et d'affez près la chofe nous concerne,
Je le connois; & dès qu'il me verra
Contrat en main, d'abord il fignera,

Le tems eft cher, mon nouveau droit d'aîneffe

Eft un objet :

LISE.

Non, Monfieur, rien ne preffe.

RONDON.

Si fait, tout preffe, & c'eft ta faute auffi,

Que tout cela.

LISE.

Comment, moi! ma faute?

RONDON.

Oui,

Les contre-tems qui troublent les familles,
Viennent toujours par la faute des filles.

LISE.

Qu'ai-je donc fait qui vous fâche fi fort?
RONDON.

Vous avez fait, que vous avez tous tort.
Je veux un peu voir nos deux troubles-fêtes,
A la raison ranger leurs lourdes têtes;
Et je prétends vous marier tantôt,

Malgré leurs dents, malgré vous, s'il le faut

Fin du premier Acte.

[merged small][ocr errors][merged small]

V

LISE, MARTHE.

MARTHE.

OUS frémiffez en voyant de plus près
Tout ce fracas, ces nôces, ces apprêts.
LISE.

Ah! plús mon cœur s'étudie & s'effaïe;

Plus de ce joug la pefanteur m'effraïe;

A mon avis l'Himen & fes liens,

Sont les plus grands ou des maux ou des biens;
Point de milieu, l'état du mariage

Eft des Humains le plus cher avantage;
Quand le rapport des efprits & des cœurs,
Des fentimens, des goûts & des humeurs
Serrent ces nœuds tiffus par la nature;
Que l'amour forme, & que l'honneur épure:
Dieux ! quel plaifir d'aimer publiquement,
Et de porter le nom de fon Amant!

Votre maison, vos gens, votre livrée,
Tout vous retrace une image adorée,
Et vos enfans, ces gages prétieux,

Nés de l'amour, en font de nouveaux nœuds;
Un tel himen, une union fi chere,

Si l'on en voit, c'eft le Ciel fur la Terre ;
Mais tristement vendre par un contrat
Sa liberté, fon nom & fon état,
Aux volontez d'un maître defpotique,
Dont on devient le premier domeftique ;
Se quereller, ou s'éviter le jour,
Sans joie à table, & la nuit fans amour;
Trembler toujours d'avoir une foibleffe,
Y fuccomber ou combattre fans ceffe,
Tromper fon maître, ou vivre fans efpoir
Dans les langueurs d'un importun devoir,
Gémir, fécher dans fa douleur profonde,
Un tel himen eft l'enfer de ce monde,

MARTHE.

En vérité les filles, comme on dit,
Ont un démon qui leur forme l'efprit:
Que de lumiere en une ame fi neuve !
La plus experte & la plus fine veuve,
Qui fagement fe confole à Paris
D'avoir porté le deuil de trois maris,
N'en eut pas dit fur ce point davantage ;
Mais vos dégoûts fur ce beau mariage,

Auroient befoin d'un éclairciffement,
L'himen déplaît avec le Préfident,
Vous plairoit-il avec Monfieur fon frere?
Débrouillez-moi de grace ce miftere;
L'aîné fait-il bien du tort au cadet,
Haiffez-vous, aimez-vous, parlez net.
LISE.

Je n'en fçai rien, je ne peux & je n'ofe
De mes dégoûts bien démêler la cause
Comment chercher la trifte vérité,
Au fond d'un cœur, hélas, trop agité?
Il faut au moins pour fe mirer dans l'onde,
Laiffer calmer la tempête qui gronde,
Et que l'orage & les vents en repos,
Ne rident plus la furface des eaux.
MARTHE.

Comparaifon n'eft pas raifon, Madame
On lit très-bien dans le fond de fon ame;
On y voit clair, & fi les paffions
Portent en nous tant d'agitations,

Fille de bien fçait toujours dans fa téte
D'oùvient le vent qui caufe la tempête;
On fçait....

LISE.

Et moi je ne veux rien fçavoir; Mon œil fe ferme, & je ne veux rien voir; Je ne veux point chercher fi j'aime encore Un malheureux qu'il faut bien que j'abhorre;

« AnteriorContinuar »