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Arlequin ne fait guéres rire que quand il fe méprend, & voilà pourquoi le titre de Balourd lui étoit fi bien approprié.

Il y a bien d'autres genres de comique: il y a des plaifanteries qui caufent une autre forte de plaifir; mais je n'ai jamais vû ce qui s'appelle rire de tout fon cœur, foit aux Spectacles, foit dans la fociété, que dans des cas approchans de ceux dont je viens de parler.

Il y a des caracteres ridicules dont la repréfentation plaît, fans caufer ce rire immodéré de joie ; Triffotin & Vadius, par exemple, femblent être de ce genre, le Joueur, le Grondeur qui font un plaifir inexprimable, ne permettent guéres le rire éclatant.

Il y a d'autres ridicules mêlés de vice dont on eft charmé de voir la peinture, & qui ne caufent qu'un plaifir férieux. Un malhonnête homme ne fera jamais rire, parce que dans le rire il entre toujours de la gaieté incompatible avec le mépris & l'indignation.

Il eft vrai qu'on rit au Tartuffe, mais ce n'eft pas de fon hipocrifie, c'eft de la méprise du bon-homme qui le croit un Saint, & l'hipocrifie une fois reconnue, on ne rit plus, on fent d'autres impreffions.

On pourroit aisément remonter aux fources de nos autres fentimens, à ce qui excite la gaïeté, la curiofité, l'intérêt, l'émotion, les larmes.

Ce feroit fur-tout aux Auteurs Dramatiques à

nous développer tous ces refforts, puifque ce font eux qui les font jouer. Mais ils font plus occupés de remuer les paffions que de les examiner: ils font perfuadés qu'un fentiment vaut mieux qu'une définition; je fuis trop de leur avis pour mettre un Traité de Philofophie au devant d'une Piece de Théatre.

Je me bornerai fimplement à infifter encore un peu fur la néceffité où nous fommes d'avoir des chofes nouvelles.

que

Si on avoit toujours mis fur le Théatre tragila Grandeur Romaine, à la fin on en feroit rebuté. Si les Héros ne parloient jamais que tendreffe, on feroit affadi:

O Imitatores fervum pecus!

Les bons Ouvrages que nous avons depuis les Corneilles, les Molieres, les Racines, les Quinauts, les le Bruns, me paroiffent tous avoir quelque chofe de neuf & d'original qui les a sauvés du naufrage. Encore une fois tous les genres font bons, hors le genre ennuyeux.

Ainfi il ne faut jamais dire, fi cette mufique n'a pas réuffi, fi ce tableau ne plaît pas, fi cette piece eft tombée, c'eft que cela étoit d'une efpece nouvelle; il faut dire, c'eft que cela ne vaut rien dans fon efpece.

ACTEUR S

EUPHEMON pere.

EUPHEMON fils.

FIERENFAT, Président de Coignac, second fils d'Euphemon.

RONDON, Bourgeois de Coignac.

LISE, fille de Rondon.

La BARONNE de Croupillac.

MARTHE, Suivante de Life.
JASMIN, Valet d'Euphemon fils;

La Scene eft à Coignac.

L'ENFANT

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ON triste ami, mon cher & vieux voifin;
Que de bon cœur j'oublirai ton chagrin!
Que je rirai! quel plaifir! que ma fille
Va ranimer ta dolente famille !

Mais Mons ton fils, le Sieur de Fierenfat,

Me femble avoir un procédé bien plat.

Quoi donc !

EUPHEMO N.

RONDON.

Tout fier de fa Magiftrature

Il fait l'amour avec poids & mesure ;

Adolefcent, qui s'érige en barbon,
Jeune écolier, qui vous parle en Caton,
Eft à mon fens un animal bernable;

Et j'aime mieux l'air fou, que l'air capable;
Il eft trop fat.

EUPHEMO N.

Et vous êtes auffi

Un peu trop brufque.

RONDON.

Ah! je fuis fait ainsi,

J'aime le vrai, je me plais à l'entendre;
J'aime à le dire, à gourmander mon gendre,
A bien mater cette fatuité,

Et l'air pédant dont il eft encrouté
Vous avez fait, beau-pere, en pere fage,
Quand fon aîné, ce joueur, ce volage,
Ce débauché, ce fou partit d'ici.
Je donne tout à ce fot cadet-ci,
De mettre en lui toute votre efpérance,
Et d'achetter pour lui la Préfidence
De cette ville, oui, c'est un trait prudent.
Mais dès qu'il fut de Coignac Préfident,
Il fut un peu gonflé d'impertinence;
Sa gravité marche & parle en cadence;
Il dit qu'il a bien plus d'efprit que moi,
Qui, comme on fçait, en ai bien plus que toi,
11 cft....

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