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EUPHEMON.

Ce qu'il a dit doit retarder du moins

L'heureux himen, objet de tant de foins.

LISE.

Qu'a t-il donc dit, Monfieur ?

A t-il appris ?

FIERENFAT.

Quelle nouvelle

EUPHEMON.

Une, hélas ! trop cruelle :

De vers Bordeaux cet homme a vû mon fils
Dans les prisons, fans fecours, fans habits,
Mourant de faim. La honte & la tristesse
Vers le tombeau conduifoient fa jeuneffe;
La maladie & l'excès du malheur,
De fon printems avoient féché la fleur,
Et dans fon fang la fiévre enracinée,
Précipitoit fa derniere journée,
Quand il le vit il étoit expirant,

Sans doute, hélas! il eft mort à préfent.

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FIERENF AT.

Ah! Monfieur, la páleur

De fon vifage efface la couleur.

RONDON.

Elle eft, ma foi, fenfible; ah ! la friponne;

Puifqu'il eft mort, allons, je te pardonne.

FIERENFAT.

Mais après tout, mon pere,

voulez-vous?

EUPHEMO N.

Ne craignez rien, vous ferez fon époux;
C'eft mon bonheur; mais il feroit atroce',
Qu'un jour de deuil devînt un jour de nôce;
Puis-je, mon fils, mêler à ce festin,
Le contre-tems de mon jufte chagrin,
Et fur vos fronts parés de fleurs nouvelles
Laiffer couler mes larmes paternelles 2
Donnez, mon fils, ce jour à nos foupirs,
Et différez l'heure de vos plaifirs

Par une joie indifcrete, infenfée
L'honnêteté feroit trop offenfée.

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Ah! oui, Monfieur, j'approuve vos doulė, Il m'eft plus doux de partager vos pleurs, Que de former les noeuds du mariages.

Eh! mais mon pere

FLEREN FAT,

RONDON.

Eh, vous n'êtes pas fage!

Quoi! différer un himen projetté,

Pour un ingrat cent fois deshérité,
Maudit de vous, de fa famille entiere ?

EUPHEMON.

Dans ces momens un pere eft toujours pere,
Ses attentats & toutes fes erreurs
Furent toujours le fujet de mes pleurs,
Et ce qui pefe à mon ame attendrie,
C'eft qu'il eft mort fans réparer fa vie.

RONDON.

Réparons-la, donnons-nous aujourd'hui
Des petit-fils qui valent mieux que lui;.
Signons, danfons, mon Dieu, que de foibleffe!

Mais....

EUPHEMON.

RONDON.

Mais morbleu, ce procédé me bleffe;

De regretter même le plus grand bien,

C'eft fort mal fait; douleur n'eft bonne à rien;
Mais regretter le fardeau qu'on vous ôte,
C'est une énorme & ridicule faute;"

Ce fils aîné, ce fils votre fleau,

Vous mit trois fois fur le bord du tombeau;
Pauvre cher homme! allez fa frénefie

Eut tôt ou tard abrégé votre vie ;

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Soyez tranquille, & fuivez mes avis,

C'eft un grand gain que de perdre un tel fils.

f

EUPHEMON.

Oui, mais ce gain coûte plus qu'on ne pense, Je pleure, hélas ! fa mort & fa naiffance,

RONDON à Fierenfat.

Va, fuis ton pere, & fois expéditif,

Prend ce Contrat, le mort faifit le vif;
Il n'eft plus tems qu'avec moi l'on barguigne,
Prends-lui la main, qu'il paraphe & qu'il figne,

à Life.

Et toi, ma fille, attendons à ce foir,

Tout ira bien,

LISE.

Je fuis au defefpoir.

Fin du deuxiéme Alte.

A CTE III.

SCENE PREMIERE.
EUPHEMON fils, JASMIN.
JASMIN.

monde,

UI, mon ami, tu fus jadis mon maître,
Je t'ai fervi deux ans fans te connoître ;
Ainfi que moi réduit à l'Hôpital,
Ta pauvreté m'a rendu ton égal :
Non, tu n'es plus ce Monfieur d'Entre-

Ce Chevalier fi pimpant dans le monde,
Fêté, couru, de femmes entouré,
Nonchalamment de plaifirs enivré ;

Tout eft au diable; éteins dans ta mémoire,
Ces vains regrets des beaux jours de ta gloire,
Sur du fumier l'orgueil eft un abus,

Le fouvenir d'un bonheur qui n'eft plus
Eft à nos maux un poids infupportable ;
Toujours Jafmin, j'en fuis moins miferable,

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