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EUPHEMON fils.

Hélas! dans leurs travaux

Ces vils humains moins hommes qu'animaux,
Goûtent des biens dont toujours mes caprices
M'avoient privé dans mes fauffes délices:
Ils ont au moins fans trouble & fans remords
La paix de l'ame & la fanté du corps.

SCENE I I.

Mẹ CROUPILLAC, EUPHEMON fls, JASMIN.

Q

Mc CROUPILLAC dans l'enfoncement,

UE vois-je ici, ferois-je aveugle ou borghe?
C'eft lui, ma foi, plus j'avise & je lorgne

Cet homme-là, plus je dis

que c'eft lui.

Elle le confidere.

Mais ce n'eft plus le même homme aujourd'hui,
Ce Cavalier brillant dans Angoulême,

Jouant gros jeu, coufu d'or.... c'eft lui-même.

Elle approche d'Euphemon.

Mais l'autre étoit riche, heureux, beau, bien fait ;

Et celui-ci me femble pauvre & laid;

La maladie altére un beau vifage,

La pauvreté change encor davantage.
JASMIN.
Mais pourquoi donc ce spectre féminin
Nous pourfuit-il de fon regard malin?

EUPHEMON

EUPHEM ON.

Je la connois, hélas! ou je me trompe;
Elle m'a vû dans l'éclat, dans la pompes
Il eft affreux d'être ainfi dépouillé

Aux mêmes yeux, aufquels on a brillé;
Sortons.

Mc CROUPILL AC s'avançant vers Euphemon,
Mon fils, quelle étrange avanture,

T'a donc réduit en fi pietre posture?

EUPHEM ON.

Ma faute.

Me CROUPILLA C.

Hélas! comment te voilà mis!

JASMIN.

C'eft pour avoir eu d'excellens amis,
C'est pour avoir été volé, Madame.

Me CROUPILLAC

Volé? par qui, comment ?

JASMIN.

Par bonté d'ame,

Nos voleurs font de très-honnêtes gens;
Gens du beau monde, aimables fainéans,
Buyeurs, joueurs & conteurs agréables,
Des gens d'efprit, des femmes adorables,
Me CROUPILLAC,

J'entens, j'entens, vous avez tout mangé;
Mais vous ferez cent fois plus affligé,

L

D

Quand vous fçaurez les exceffives pertes,

Qu'en fait d'himen j'ai depuis peu fouffertes.

Adieu, Madame.

EUPHEMO N.

Me CROUPILLAC l'arrêtant.
Adieu? Non, tu fçauras

Mon accident, parbleu tu me plaindras.

EUPHEMON.

Soit; je vous plains, adieu.

Me GROUPILLAC.

Non, je te jure,

Tu fçauras toute mon avanture :

Un Fierenfat Robin de fon metier
Vint avec moi connoiffance lier

Dans Angoulême, au tems où vous battîtes
Quatre Huiffiers, & la fuite vous prîtes ;
Ce Fierenfat habite en ce canton,

Avec fon pere, un Seigneur Euphemon.

EUPHEMON revenant.

Euphemon?

Me CROUPILLAC

Oui.

EUPHEM ON.

Ciel! Madame, de grace,

Cet Euphemon, cet honneur de fa race,
Que fes vertus ont rendu fi fameux,

Seroit....

Me CROUPILLAC.

Eh oui,

Oui,

EUPHEMO N.

Quoi? dans ces mêmes lieux ?
Me CROUPILLA C.

EUPHEMON.

51

Puis-je au moins fçavoir...comme il fe porte ?
Me CROUPILLAC

Fort bien, je crois.... Que diable vous importe ?

EUPHEMON.

Et que

dit-on....

Me CROUPILLA C.

De qui ?

EUPHEMO N.

D'un fils aîré

Qu'il eut jadis.

Me CROUPILLA C.

Ah! c'eft un fils mal né,

Un garnement, une tête légere,

Un fou fieffé, le fleau de fon pere,
Depuis long-tems de débauches perdu,
Et qui peut-être eft à préfent pendu.

EUPHEMO N.

En vérité... je fuis confus dans l'ame,
De vous avoir interrompu, Madame.

Me CROUPILLAC

Pourfuivons donc : Fierenfat fon cader,
Chez moi l'amour hautement me faifoit;
Il me devoit avoir par mariage.

EUPHEMON.

Eh bien, a-t'il ce bonheur en partage?

Eft-il à vous?

Mc CROUPILLAC

Non, ce fat engraiffé

De tout le lot de fon frere infenfé,

Devenu riche, & voulant l'être encore,

Rompt aujourd'hui cet himen qui l'honore ;
Il veut faifir la fille d'un Rondon,
D'un plat bourgeois, le coq de ce canton.
EUPHEMO N.

Que dites-vous?. . Quoi, Madame, il l'épouse ?
Mc CROUPILLAC.

Vous m'en voyez terriblement jalouse.

EUPHEMON.

Ce jeune objet aimable..... dont Jasmin
M'a tantôt fait un portrait tout divin,

Se donneroit....

JASMIN.

Quelle rage eft la vôtre !

Autant lui vaut ce mari-là qu'un autre,
Quel diable d'homme ! il s'afflige de tout.

EUPHEMON à part.

Ce coup a mis ma patience à bout;

à Madame Croupillac.

Ne doutez point que mon cœur ne partage
Amérement un fi fenfible outrage;

Si j'étois cru, cette Life aujourd'hui
Affurément ne feroit pas pour lui.

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