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Mc CROUPILLA C.

Oh! tu le prénds du ton qu'il le faut prendre;
Tu plains mon fort; un gueux eft toujours tendre,
Tu paroiffois bien moins compatiffant,

Quand tu roulois fur l'or & fur l'argent;
Ecoute: on peut s'entr'aider dans la vie.
JASMIN.

Aidez-nous donc, Madame, je vous prie.
Me CROUPILLĄC.

Je veux ici te faire agir pour moi.

EUPHEMON THA

Moi vous fervir? hélas! Madame, en quoi?

Me CROUPILLAC.

En tout. Il faut prendre en main mon injure;
Un autre habit, quelque peu de parure
Te pourroient rendre encor affez joli;
Ton efprit eft infinuant, poli;

Tu connois l'art d'empaumer une fille;
Introduis-toi, mon cher, dans la famille,
Fais le flatteur auprès de Fierenfat,
Vantes fon bien, fon efprit, fon rabat,
Sois en faveur, & lorsque je protefte
Contre fon vol, toi, mon cher, fais le reste ;
Je veux gagner du tems en proteftant.

EUPHEMON voyant fon pere.

Que vois-je, ô Ciel !

Il s'enfuit.

Me CROUPILLAC.

Cet homme eft fou vraiment ;

Pourquoi s'enfuir?

JASMIN.

C'est qu'il vous craint fans doute.
Me CROUPILLAC

Poltron! demeure, arrête, écoute, écoute.

SCENE III.

EUPHEMON pere, JASMIN.

EUPHEMON pere.

E l'avouerai, çet afpect imprévû

JB

D'un malheureux avec peine entrevû,
Porte à mon cœur je ne fçai quelle atteinte
Qui me remplit d'amertume & de crainte ;
Il a l'air noble, & même certains traits
Qui m'ont touché; las ! je ne vois jamais
De malheureux à-peu-près de cet âge.
Que de mon fils la douloureuse image
Ne vienne alors par un retour cruel
Perfécuter ce cœur trop paternel;
Mon fils eft mort, ou vit dans la mifere,
Dans la débauche, & fait honte à fon

pere ;

De tous côtez je fuis bien malheureux,

J'ai deux enfans, ils m'accablent tous deux ;

L'un par fa perte & par fa vie infâme
Fait mon fupplice & déchire mon ame;
L'autre en abufe, il fent trop que fur lui
De mes vieux ans j'ai fondé tout l'appui ;
Pour moi la vie eft un poids qui m'accable.
Appercevant Jafmin qui le falue.*

Que veux-tu l'ami?

JASMIN.

Seigneur aimable!

Reconnoiffez, digne & noble Euphemon,
Certain Jafmin élevé chez Rondon.

EUPHEMON.

C'eft toi! le tems change un vifage,

Et men front chauve en fent le long outrage;
Quand tu partis, tu me vis encore frais;
Mais l'âge avancé, & le terme eft bien près;
Tu reviens donc enfin dans ta patrie ?

JASMIN.

Oui, je fuis las de tourmenter ma vie,
De vivre errant & damné comme un Juif;
Le bonheur femble un Etre fugitif,

Le Diable enfin, qui toujours me promene,
Me fit partir, le Diable me ramene.

EUPHEMON.

Je t'aiderai: fois fage fi tu peux ;
Mais quel étoit cet autre malheureux
Qui te parloit dans cette promenade,
Qui s'eft enfui ?

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JASMIN.

Mais.... c'eft mon camarade,

Un pauvre Here, affamé comme moi,
Qui n'ayant rien, cherche auffi de l'emploi.
EUPHEMON.

On peut tous deux vous occuper peut-être ;
A-t-il des mœurs, eft-il fage ?

JASMIN.

Il doit l'être,

Je lui connois d'affez bons fentimens ;

Il a de plus de fort jolis talens,

Il fçait écrire, il fçait l'Arithmétique,
Define un peu, fçait un peu de Mufique;
Ce drôle-là fut très-bien élevé.

EUPHEMON.

S'il eft ainsi, fon pofte eft tout trouvé ;
Jafmin, mon fils deviendra votre Maître,
Il fe marie, & dès ce foir peut-être,
Avec fon bien fon train doit augmenter;
Un de ces gens qui vient de le quittér
Vous laisse encor une place vacante;
Tous deux ce foir il faut qu'on vous préfente,
Vous le verrez chez Rondon mon voifin,
J'en parlerai; j'y vais, adieu, Jasmin,
En attendant, tiens, voici de quoi boire.

SCENE I V.

JASMIN feul.

AH! l'honnête-homme: ô Ciel ! pourroit-on croire

Qu'il foit encor en ce fiécle félon,

Un cœur fi droit, un mortel auffi bon ?
Cet air, ce port, cette ame bienfaisante,
Du bon vieux tems eft l'image parlante.

J

SCENE V.

EUPHEMON fils revenant, JASMIN.

JASMIN en l'embrassant.

E t'ai trouvé déja condition,

Ah!

Et nous ferons Laquais chez Euphemon.

EUPHEMON fils.

JASMIN.

S'il te plaît, quel excès de furprise? Pourquoi ces yeux de gens qu'on exorcife? Et ces fanglots coup fur coup redoublés, Preffant tes mots au passage étranglés?

EUPHEMON fils.

Ah! je ne puis contenir ma tendresse,

Je céde au trouble, au remords qui me preffe.

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