EUPHEMO N.
Eh mais! quelle humeur vous emporte? Faut-il toujours?...
RONDON.
Va, va, laisses; qu'importe,
Tous ces défauts, vois-tu, font comme rien, Lorfque d'ailleurs on amaffe un gros bien. Il eft avare, & tout avare eft fage:
Oh! c'eft un vice excellent en ménage, Un très-bon vice. Allons, dès aujourd'hui, Il est mon gendre, & ma Life eft à lui. Il reste donc, notre trifte beau-pere,
A faire ici dónation entiere
De tous vos biens, contrats, acquis, conquis, Préfens, futurs à Monfieur votre fils, En refervant fur votre vieille tête D'un ufufruit l'entretien fort honnête, Le tout en bref, arrêté, cimenté, Pour que ce fils bien coffu, bien doté, Joigne à nos biens une vafte opulence; Sans quoi foudain ma Life à d'autres penfe. EUPHEM O N.
Je l'ai promis, & j'y fatisferai.
Oui, Fierenfat aura le bien que j'ai; Je veux couler au fein de la retraite, La trifte fin de ma vie inquiéte; Mais je voudrois, qu'un fils fi bien doté, Eût pour mes biens un peu moins d'âpreté :
A ij
J'ai vu d'un fils la débauche infenfée; Je vois dans l'autre une ame intereffée. RONDON.
EUPHEMO N.
Cher ami, je fuis né
Pour n'être rien qu'un pere infortuné. RONDON.
Voilà-t-il pas de vos jeremiades,
De vos regrets, de vos complaintes fades ? Voulez-vous pas que ce maître étourdi, Ce bel aîné dans le vice enhardi, Venant gâter les douceurs que j'apprête, Dans cet himen paroisse en trouble-fète ? EUPHEMO N.
Non.
RONDON.
Voulez-vous qu'il vienne fans façon Mettre en jurant le feu dans la maison? EUPHEM ON.
Non.
RONDON.
Qu'il vous batte & qu'il m'enleve Life, Life autrefois à cet aîné promise, Ma Life qui..
EUPHEMON.
Que cet objet charmant
Soit préfervé d'un pareil garnement.
RONDON.
Qu'il rentre ici pour dépouiller fon pere,
EUPHEMON.
Non... Tout eft à son frere.
RONDON.
Ah! fans cela point de Life pour lui. EUPHEMON.
Il aura Life & mes biens aujourd'hui,
Et fon aîné n'aura pour tout partage Que le couroux d'un pere qu'il outrage; Il le mérite, il fut dénaturé.
RONDON.
Ah! vous l'aviez trop long-tems enduré; L'autre du moins agit avec prudence; Mais cet aîné ! quels traits d'extravagance! Le libertin, mon Dieu, que c'étoit-là ! Te fouvient-il, vieux beau-pere? ah, ah, ah、 Qu'il te vola, ce tour eft bagatelle, Chevaux, habits, linge, meubles, vaisselle. Pour équiper la petite Jourdain Qui le quitta le lendemain matin ; J'en ai bien ri, je l'avoue.
Ah ! quels charmes
Trouvez-vous donc à rapeller mes larmes ?
RONDON. Et fur un As mettant vingt rouleaux d'or, Eh,eh!
RONDON.
Te fouvient-il encor, Quand l'étourdi dut en face d'Eglife, Se fiancer à ma petite Life, Dans quel endroit on le trouva caché,
Comment, pour qui?... Pefte, quel débauché! EUPHEMO N.
Epargnez-moi ces indignes hiftoires,
De fa conduite impreffions trop noires; Ne fuis-je pas affez infortuné? Je fuis forti des lieux où je fuis né Pour m'épargner, pour ôter de ma vûe Ce qui rapelle un malheur qui me tue ; Votre commerce ici vous a conduit, Mon amitié, ma douleur vous y fuit; Menagez-les, vous prodiguez fans ceffe- La vérité, mais la vérité bleffe.
RONDON.
Je me tairai, foit: j'y confens, d'accord; Pardon; mais diable, auffi vous aviez tort, En connoissant le fougueux caractere De votre fils, d'en faire un Moufquetaire. EUPHEMON..
Encor?
RONDON.
Pardon; mais vous deviez....
EUPHEMON.
Je dois
Oublier tout pour notre nouveau choix,
Pour mon cadet & pour fon mariage; Ça, penfez-vous que ce cadet fi fage, De votre fille ait pû toucher le cœur? RONDON. Affurément: ma fille a de l'honneur, Elle obéit à mon pouvoir fuprême, Et quand je dis allons, je veux qu'on aime, Son cœur docile & que j'ai fçu tourner, Tout auffi-tôt aime fans raifonner; A mon plaifir j'ai petri fa jeune ame, EUPHEMON
On veut pourtant douter qu'elle s'enflamme Par vos leçons, & je me trompe fort, Si de nos foins votre fille eft d'accord, Pour mon aîné, j'obtins le facrifice Des promiers vœux de fon ame novice; Je fçais quels font ces premiers traits d'amour ; Le cœur eft tendre ; il faigne plus d'un jour.
RONDON.
Vous radotez.
EUPHEMON.
Quoi que vous puiffiez dire,
Cet étourdi pouvoit très-bien féduire.... RONDON.
Lui! point du tout, ce n'étoit qu'un vaurien; Pauvre bon-homme, allez ne craignez rien; Car à ma fille après ce beau ménage, J'ai défendu de l'aimer davantage ;
A
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