Ayez le cœur fur cela réjoui,
Quand j'ai dit non, perfonne ne dit qui; Voyez plutôt.
SCENE
II.
EUPHEMON, RONDON, LISE, MARTHE,
RONDON.
A Prochez, venez Life,
Ce jour pour vous eft un grand jour de crife, Que je te donne un mari jeune ou vieux, Ou laid ou beau, trifte ou gai, riche ou gueux, Ne fens-tu pas des defirs de lui plaire? Du goût pour lui, de l'amour ?
LISE.
Non, mon pere, RONDON.
EUPHEMON. Ah, ah, notre Féal !
Votre pouvoir va, ce femble, un peu mal; Qu'eft devenu ce defpotique empire?
RONDON.
Comment! après tout ce que j'ai pû dire Tu n'aurois pas un peu de paffion Pour ton futur époux?
RONDON.
Ne fçais-tu pas que le devoir t'oblige A lui donner tout ton cœur?
LISE.
Je fçais, mon pere, à quoi ce nœud facré Oblige un cœur de vertu pénétré; Je fçais qu'il faut, aimable en fa fageffe, De fon époux mériter la tendresse, Et réparer du moins par la bonté, Ce que le Ciel nous refuse en beauté : Etre au dehors difcrette & raisonnable, Dans fa maifon douce, égale, agréable; Quant à l'amour, c'est tout un autre point, Les fentimens ne fe commandent point; N'ordonnez rien, l'amour fuit l'esclavage,
De mon époux le refte eft le partage; Mais pour mon cœur, il le doit mériter, Ce cœur au moins difficile à dompter, Ne peut aimer ni ordre d'un pere. par Ni par raifon, ni
par
devant Notaire.
C'est à mon gré raisonner sensément; J'approuve fort ce jufte fentiment: C'eft à mon fils à tâcher de fe rendre Digne d'un cœur auffi noble tendre. que RONDON.
Vous tairez-vous, radoteur complaisant, Flatteur barbon, vrai corrupteur d'enfant ?
Jamais fans vous ma fille bien apprife, N'eut devant moi lâché cette fottife. à Life.
Ecoutes, toi: je te baille un mari, Tant foit peu fat & par trop renchéri ; Mais c'eft à moi de corriger mon gendre; Toi, tel qu'il eft, c'eft à toi de le prendre, De vous aimer, fi vous pouvez, tous deux, Et d'obéir à tout ce que je veux ; C'eft-là ton lot : & toi, notre beau-pere; Allons figner chez notre gros Notaire, Qui vous allonge en cent mots fuperflus Ce qu'on diroit en quatre tout au plus ; Allons hâter fon bavard griffonnage, Lavons la tête à ce large vifage; Puis je reviens après cet entretien, Gronder ton fils, ma fille & toi. EUPHEMON.
Fort bien.
SCENE III.
LISE, MARTH E.
MARTHE.
On Dieu! qu'il joint à tous fes airs gratefques. Des fentinens & des travers burlesques!
LISE.
Je fuis fa fille, & de plus fon humeur N'altére point la bonté de fon cœur, Et fous les plis d'un front atrabilaire, Sous cet air brufque, il a l'ame d'un pere ; Quelquefois même au milieu de fes cris, Tout en grondant il céde à mes avis; Il est bien vrai qu'en blâmant la perfonne Et les défauts du mari qu'il me donne, En me montrant d'une telle union Tous les dangers, il a grande raison ; Mais lors qu'enfuite il ordonne que j'aime, Dieu! que je fens
que
fon tort eft extrême ! MARTHE.
Comment aimer un Monfieur Fierenfat? J'épouferois plûtôt un vieux foldat, Qui jure, boit, bat fa femme, & qui l'aime, Qu'un fat en robe enivré de lui-même, Qui d'un ton grave & d'un air de pédant Semble juger fa femme en lui parlant, Qui comme un paon dans lui-même fe mire Sous fon rabat, fe rengorge & s'admire Et plus avare encor que fuffifant, Vous fait l'amour en comptant fon argent.
LISE.
Ah! ton pinceau l'a peint d'après nature; Mais que ferai-je? il faut bien que j'endure L'état forcé de cet himen prochain,
On ne fait pas comme on veut fon deftin, Et mes parens, ma fortune, mon âge, Tout de l'himen me prescrit l'esclavage : Ce Fierenfat eft, malgré mes dégoûts, Le feul qui puiffe être ici mon époux ; Il est le fils de l'ami de mon pere, C'est un parti devenu néceffaire.
Hélas! quel cœur libre dans fes foupirs Peut fe donner au gré de fes défirs! Il faut céder : le tems, la patience
Sur mon époux vaincront ma repugnance Et je pourrai foumise à mes liens, A fes défauts me prêter comme aux miens. MARTHE. C'est bien parler, belle & difcrette Life; Mais votre cœur tant foit peu fe déguise Si j'ofois.... Mais vous m'avez ordonné De ne parler jamais de cet aîné.
LISE
Quoi?
MARTHE
D'Euphemon, qui malgré tous fes vices, De votre cœur eut les tendres prémices, Qui vous aimoit ;
LISE.
Il ne m'aima jamais ;
Ne parlons plus de ce nom que je hais.
« AnteriorContinuar » |