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vue, une foule de préceptes épars dans un grand nombre de Livres, foit en y ajoutant de nouvelles Observations, fruits d'une longue expérience qui peut fuppléer à celle que n'a point un Commençant; & fi, dans un tel labyrinthe, l'Auteur n'indique pas toujours la route qu'il faut fuivre; il tâche du moins de marquer un grand nombre de celles qu'on doit éviter.

D'anciens Comédiens ne manqueront pas de dire que ces Obfervations ne contiennent rien de neuf ni de piquant, que chacun d'eux les a faites, ou auroit pu les faire, comme celui qui les met au jour..... Á la bonne heure; les hommes, dans des circonftances & avec des intérêts femblables, voient à-peu-près les mêmes choses. Auffi l'Auteur ne donnet-il celles-ci que pour ce qu'elles font, fans attacher aucune importance au trèspetit mérite de les avoir raffemblées. Il fe fût même bien gardé de les publier, s'il eût encore exercé la profeffion, dans la crainte qu'on ne le foupçonnât d'avoir

voulu fe propofer pour Modèle. Tant qu'on habite un pays, il est dangéreux de hafarder fon avis fur ce qui le concerne : « Il faut, a dit métaphoriquement un Philosophe de nos jours, « il » faut être de retour chez foi, pour par» ler à fon aife des Nations qu'on a par» courues....» Ce n'eft de même qu'après avoir quitté le Théâtre, que l'Auteur de ces Réflexions ofe les communiquer « semblable à la plupart des Voyageurs, » affez raffafiés de leurs courfes, pour » n'avoir nulle envie de les recommen» cer; mais en même-temps affez pleins » de ce qu'ils ont vu, pour vouloir en >> entretenir les autres ».

Quelques gens du métier lui ont reproché, non-feulement de s'être quelquefois appéfanti fur des défauts minutieux & imperceptibles; mais encore d'avoir initié les Profanes à leurs mystères, en mettant trop à découvert les refforts les plus cachés de l'Art. Efpèces d'Adeptes, ces fortes de Comédiens, à l'exemple des Sibylles, ne voudroient

rendre leurs Oracles, que du fond d'un Sanctuaire inacceffible...... Mais que pourroit-il réfulter de cette connoiffance de l'Art, à fuppofer qu'elle fut développée par un plus habile homme? fi non, plus de lumières & de sûreté de jugement de la part du Public; & moins de négligence & d'impéritie de la part des Acteurs. C'eft alors qu'on fauroit démêler fi le bon ou le mauvais fuccès d'une Pièce nouvelle vient de l'Auteur ou du Comédien : ce qui n'eft pas toujours clairement apperçu.

On objectera, peut-être, que fouvent ce trop de lumières fur le Spectacle, en détruifant l'illufion, eft capable d'altérer le plaifir & l'amufement du Spectateur devenu trop difficile. Comme la vue des plus petits cordages dans les Machines, en diffipe prefque tout l'enchantement; de même la trop fubtile découverte des imperfections d'un Acteur peut affoiblir l'effet magique de fes talens, & les plus fins Connoiffeurs ne font pas toujours le plus agréablement affectés d'une Repré

fentation théâtrale.... Mais quand cela feroit, eft-ce une raifon pour s'interdire jufqu'aux moindres notions de l'Art? M. de Voltaire paroît d'un fentiment bien oppofé; car il prétend que le véritable Connoiffeur éprouve des fenfations que le vulgaire ne foupçonne pas. Le plaifir même de découvrir une faute, dit-il, le flatte & lui fait fentir les beautés plus vivement. En un mot, c'eft l'avantage ajoute-t-il, des bonnes vues fur les mauvaifes, &c.

Quoiqu'il en foit, il faudroit d'abord fuppofer, avant tout, qu'un Ouvrage seroit lû, beaucoup plus qu'il ne l'eft ordinairement. Mais, (à l'exception des gens de Lettres) combien peu de perfonnes lifent, malgré l'énorme quantité de Livres, dit ailleurs le même Poëte! On voit cela dans la nouveauté d'une Pièce de Théâtre : tout Paris en eft enchanté, la Province, l'Etranger, tout le monde en parle, & cependant on n'en débite pas quelquefois quatre mille Exemplaires...... A combien peu de Lecteurs, à

plus forte raifon, doit prétendre un Recueil qui ne peut guères intéreffer qu'un très-petit nombre d'Amateurs; & qui, vraisemblablement, d'après ce qu'on vient de voir, à peine fera regardé des gens de la profeffion! Si c'est la faute du Livre, l'Auteur ne peut que fe foumetmettre & se taire.... Au furplus, le voilà tel qu'il eft, & le moins mal qu'il a été poffible de le refaire.

Si quid novifti rectius iftis

Candidus imperti; fi non, his utere mecum.

Hor. Ep. VI.

P. S. Dans les Editions précédentes on avoit placé, à la fuite de cet Avertiffement, une Approbation de M. de Marmontel: mais cet illuftre Académicien ayant trouvé que c'étoit attacher trop d'autorité à fon fuffrage, on a cru devoir fupprimer l'article à cette réimpreffion. D'ailleurs, cet Ouvrage, définitivement jugé au Tribunal du Public, il feroit difficile de détruire l'Arrêt qui en a été porté : &, à cet égard, l'Auteur n'a eu que de nouveaux motifs d'encouragement, puifque, malgré la médiocrité du Livre, plufieurs Gens de Lettres éclairés en ont parlé avec indulgence & en ont reconnu l'utilité. Heureux, fi, en tachant de rendre cette nouvelle Edition moins incorrecte, elle devient plus digne de cette Claffe diftinguée de Lecteurs.

OBSERVATIONS

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