rares talens du célébre Baron. On fait qu'il fut fon élève jufqu'à l'âge de vingt ans; quoiqu'à douze, dit-on, & avant de connoître Moliere, il excitât déjà l'admiration générale, par des difpofitions prefque furnaturelles. On fait auffi avec quel fuccès Mile Champmêlé jouoit, entr'autres rôles, celui de Phédre que Racine lui avoit montré Vers par Vers, & dont la récitation auroit pu, dit-on, s'écrire & fe transmettre, fi l'on avoit eu des caractères pour cela. Avec de tels Maîtres, quelle devoit être alors la fupériorité de la Scène française !

Il feroit à fouhaiter que les Comédiens de nos jours, & même ceux de Paris, fuffent pareillement affez dociles & affez modeftes, pour choifir le plus expérimenté d'entr'eux, auquel ils donneroient le droit de les guider dans la carrière, ou tout au moins de rectifier en eux les défauts les plus marqués & les plus fenfibles. Qui peut douter de l'avantage réel qui en réfulteroit pour l'amélioration d'un Spectacle, & de quelle reffource feroit un tel homme; furtout fi on le fuppofe confommé dans la connoiffance & la pratique du Théâtre ? Vrai miroir pour tous les défauts des Acteurs, un pareil Guide ne feroit-il pas de la plus grande utilité, tant pour donner des leçons ou des confeils aux uns & aux autres en particulier que pour préfider à chaque répétition, corriger celui-ci, ranimer ou contenir celui-là, & en général mettre de l'ensemble dans le jeu des

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Acteurs, & les conduire, en dépit de l'Amourpropre, dans les fentiers de la Nature & de Ja Vérité? Par ce moyen, fans doute, nous n'en verrions pas tous les jours fur la fcène d'auffi infupportables qu'on en voit, mais nous ofons avancer que la Troupe, même la plus médiocre, ne feroit pas reconnoiffable au bout de fix mois. On parle avec d'autant plus de confiance, qu'on eft sûr de fon fait & qu'on en pourroit citer des preuves connues de tout le monde. N'a-t-on pas vû, par exemple, quantité d'enfans, dont les talens, formés & dirigés par des Maîtres intelligens, ont toujours fait l'admiration publique, mais qui une fois livrés à euxmêmes font devenus tout autres dans un âge plus avancé? Exemples, qu'on ne voit pas moins dans les troupes de fociété, où l'on fe fert ordinairement d'un homme de l'Art pour Répétiteur. D'après leur fuccès, il eft aifé de juger du progrès que feroient, avec cette reffource, des gens du métier, qui, entr'autres motifs de leur état, ont pour mobiles, la gloire & l'intérêt, toujours plus efficaces qu'un fimple amusement.

Mais, loin de fe déterminer jamais d'euxmêmes à fe donner un maître; je connois, parmi les Comédiens, tel Acteur qui regarderoit, au contraire, comme un infulte, le moindre confeil d'un de fes confrères. Espèce d'anarchie que cette profeffion, où chacun ne veut avoir de regle que foi; & où d'ailleurs on est trop

intéreffé à fe laiffer fes défauts les uns aux autres, pour chercher à s'en corriger mutuelle

ment.

Il n'y auroit donc, pour cela, qu'un Maître établi & prépofé, dans chaque Troupe, par une AUTORITÉ SUPÉRIEURE, à l'appui de laquelle il pourroit montrer une certaine fermeté tant dans fes leçons que dans fes confeils; fauf à prendre garde d'effaroucher la délicateffe du Comédien, qui exige d'autant plus de ménagement, qu'il est très-susceptible de préfomption & de fenfibilité. Un pareil emploi offriroit une retraite auffi honnête que convenable à quelque vieux Athlete qui ne feroit plus dans le cas de s'expofer fur la scène, tels qu'auroient été, dans leur tems, Baron, Quinault, Lanoue, Sarrafin, & telle que feroit encore aujourd'hui M1. Duménil ou autres d'un mérite auffi reconnu, qui l'on décerneroit cette digne récompense de l'expérience & des talens; & certainement ce ne feroit pas-là le fujet le plus à charge à un Spectacle; comme ce ne feroit pas le plus facile à remplacer *.

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Quoique cette Actrice ne foit plus ce qu'elle fut autrefois, c'eft-à-dire, l'Actrice la plus fublime & la plus vraie qui ait peut-être jamais exifté fur la Scène française, elle ne feroit pas moins en état de donner d'excellentes leçons fur fon Art. Elle ferviroit furtout (à quelques familiarités & autres difparates près dans le débit) elle ferviroit, dis-je, à indiquer le chemin de la Nature, & à ramener

Tel eft, je penfe, la meilleure forme des Ecoles Dramatiques, ou du moins la plus aifée

nos Déclamateurs éternels à la véritable Récitation. Changement à défirer, & qu'il eft même bien étonnant que l'exemple de cette Actrice n'ait pas encore produit jufqu'à préfent. Il eft vrai qu'on lui reproche quelquefois, dans fon jeu, le ton un peu trop commun; auquel cas, il s'agiroit, en l'imitant, de tâcher de s'en garantir, en ne perdant jamais de vue la noblefle & la dignité du perfonnage, comme on le dira plus loin.

Par une fuite de la même obfervation, qu'il nous foit permis d'ajouter, en paffant, que, non-feulement les Acteurs de la Comédie, mais encore ceux de l'Opéra, auroient grand befoin d'une pareille reffource. Il eft bien fingulier qu'il y ait, à ce dernier Spectacle, des Maitres de danfe & de chant, & qu'il n'y en ait point pour la Declamation, c'està-dire, pour le jeu, la marche, le gefte & tout ce qui concerne l'action théâtrale en général. Cependant, s'il eft néceffaire de danfer avec grace, de chanter avec goût, il n'eft pas moins indifpenfable de réciter avec vérité, de jouer naturellement & fans affectation; d'apprendre fur-tout à bien prononcer, à bien articuler: car, comme dit le Comte Algarotti, « les roulades, les cadences, les tenues >> fur chaque fillable couvrant la plupart des mots, » ler Auditeurs doivent perdre confidérablement de » ce qu'on dit. Auffi n'eft-il guères poflible de rien » comprendre, à moins que d'avoir continuellement » le Poeme devant les yeux; & cela, par la faute » des Chanteurs, qui, facrifiant tout au chant, négligent la prononciation, l'expreffion du gefte, du vilage, & les autres parties effentielles de leur Art. » D'où il réfulte que le Public eft prefque toujours

>>

& telle qu'on doit l'entendre toujours, dans le cours de cet Ouvrage, toutes les fois qu'il y fera queftion de la néceffité d'un femblable établiffement. La forme ordinaire des autres. Écoles ne feroit point convenable pour un Art dans lequel un exercice continuel est tout auffi indifpenfable, que les préceptes les plus lu

mineux.

>>

» dans le cas d'effuyer, de leur part, un appren» tiflage auffi long que défagréable. Ne feroit-ce » point là, ajoute-t-il, une des principales causes de >> l'ennui que les Connoiffeurs éprouvent à la repré>> fentation de nos Opéra ? A quoi fert effectivement » que la Poëfie & la Mufique ayent étalé tous leurs » charmes? Dès que la première eft mal rendue, » le cœur ne peut jamais être intéreffé: & ce fpec» tacle alors n'eft bon qu'à amufer des enfans de » tout âge, ou, tout au plus, à tenir lieu d'une efpèce de Concert. « Envain objecteroit-on que le Chanteur, partagé entre lá fymphonie qui l'accompagne, la mefure qu'il doit garder, le chant qu'il faut embellir, fe trouve occupé de trop de chofes à la fois, pour pouvoir les perfectionner toutes également. Chacun de ces différens objets bien travaillés, s'amalgame & s'identifie, pour ainfi dire tellement avec l'Acteur, que, fur la Scène, il n'eft pas plus embarraffé de l'un que de l'autre. C'est une efpèce de Méchanique affez connue des véritables gens de l'Art, & qui ne peut paroitre étonnante ou difficile qu'à ceux qui ne s'exercent point affez ou aux perfonnes qui ne font point de la profeffion. Comment font donc les Comédiens qui ont bien d'autres difficultés à furmonter? ainfi qu'on le verra plus loin, note 19.

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