qu'Herman, Comte de Kibourg, poffédoit à son décès, tant MAISON au Diocéfe de Laufane, qu'ailleurs, mouvans de l'Empire.

DE

Il lui donna en même tems l'inveftiture des Duchez de Cha- SAVOX E.
blais & d' Aoft, & lui confirma la qualité de Vicaire Général
de l'Empire. Gracian raporte que dans cette cérémonie, il
fe préfenta devant l'Empereur avec un habit couvert au côté
droit de broderie & de pierreries, & d'armes luifantes au
côté gauche. L'Empereur furpris de le voir fi bizarement
vêtu, lui en demanda la raison ; Je fuis, dit-il, ainfi mi-
parti, pour montrer à Votre Majesté, que d'un côté, je fuis prêt de
lui faire ma cour, & de l'autre, en état de me défendre contre
ceux qui me voudroient ôter ce que j'ai acquis par les armes. On
a fait une autre obfervation, que le Chancelier de l'Empe-
reur ayant demandé au Comte les titres par lesquels il pof-
fédoit les pays de Chablais & d'Aoft
de Chablais & d'Aoft, pour en faire dref-
fer l'acte d'inveftiture, ce Prince, qui ne crut pas qu'il fût
nécessaire de produire des titres pour ce, dont fes prédécef-
feurs étoient poffesseurs, tira son épée, voilà mon titre, dit-
il, en la montrant au Chancelier.

Il quitta l'Angleterre fur l'avis qu'il reçut d'une nouvelle révolte de Turin, & de quelques mouvemens excitez par Rodolfe, Comte de Genêve ; il défit ce Comte, & l'obligea à lui faire homage. Le Sire de Beaujeu fe foumit auffi à lui faire homage, pour quelques Châteaux qu'il poffédoit en Bugey & Volromey. Turin ne fe foumit pas de même, les Aftefans vinrent à fon fecours, défirent le Comte, & prirent fes trois neveux prifonniers, l'an 1266. Il réüssit mieux à maintenir la donation que lui avoit faite l'Empereur Richard, duComté de Kibourg, contre les prétentions d'Everard d'Hafbourg, Comte de Lauffembourg, & à défendre la ville de Berne, contre les deffeins de ce Comte, qu'il défit en deux batailles. Cette ville par reconnoiffance, le choisit pour fon Protecteur, par acte du 25. Novembre 1266. & en conféquence, les Seigneurs du pays firent homage au Comte de Savoye, qui fit agrandir cette ville, en quoi il mérita, dit Guilliman, (l. 3. c. 8. de reb. Helvet.) les titres non feulement de Défenfeur & de Tuteur, mais de Pere & de fecond fondateur de Berne.

L'Evêque de Laufane lui remit la moitié de fa ville; ceux

DE

MAISON de Payerne, de Morat & Vevai fe donnerent à lui, ce qui joint aux acquifitions que fon frere Amé IV. avoit faites dans SAVOY E. le pays de Vaud, & aux biens qu'il y poffédoit, tant du chef de fa femme, que de la fucceffion de Kibourg, réunit toutes les parties éparfes de cette Baronnie de Vaud, que le Comte Pierre pofféda le premier en entier. Ce Prince mou

XII.

1268.

rut le 7. Juin 1268. ne laiffant d'Agnés héritière de Faucigni, qu'une fille nomée Beatrix, qui porta le Faucigni à fon premier mari Guiges VII. Dauphin de Viennois, & laquelle fonda l'an 1292. la Chartreufe de Melans, où elle eft inhumée *.

La même raifon qui avoit fait préférer Pierre de Savoye à fes neveux fils de Thomas, fit fucceder à Pierre fon frere PHILIPE. Ce Prince destiné d'abord à l'Eglife, fut Chanoine & Prémicier de Mets, Prévôt de faint Donatien de Bruges, Evêque de Valence en 1243. & enfin pourvû en 1246. de l'Archevêché de Lion, par le Pape Inocent IV. qui par un privilege extraordinaire, le laissa jouir du revenu de ses Bénéfices, fans qu'il fût engagé dans les Ordres facrez; il le fit outre cela Gouverneur du Patrimoine, & grand Gonfalonier de l'Eglife. Philipe de Savoye employa utilement fon autorité, en s'opofant avec fuccès, aux Comtes d'Urbin & de Camerino, & aux Seigneurs de Rimini, partisans de l'Empereur, qui troubloient le repos des peuples de fon gouvernement.

Voyant fon frere hors d'efpérance d'avoirun fils, il quitta l'an 1267. l'Etat Eccléfiaftique, & époufa Alix de Bourgogne, fœur & héritière d'Othon III. Comte Palatin de Bourgogne, du chef de laquelle il prit le titre de Comte de Bourgogne: Il fuccéda l'année suivante à fon frere, & les Bernois le choisirent, par acte du 8. Septembre 1268. pour leur Sei

*Le Comte Pierre, eft le premier qui [baine, qui n'a point d'autre enfeigne, ait pris la Croix pour armes, & voici à & ce Prince en composa ses armes. quelle ocafion, fuivant M. le Laboureur, Depuis il vint à la fucceffion de la Comté Mém. MS. Cabinet de M. Clerembault.) de Savoye, & ayant préféré cette Croix PIERRE de Savoye ayant été choifi. pour à l'Aigle de fes prédéceffeurs, qu'il auroit Avoué, & défenfeur de la célebre Abaye dû prendre, il la laiffa à fes fucceffeurs, de faint Maurice en Chablais, en fut qui continuerent encore quelque tems de invefti par l'Abbé, qui lui mit au doigt fe fervir de l'Aigle dans leur fcel secret, l'anneau de faint Maurice, marqué d'une autrement apellé fignet, & dans leur con-Croix, en mémoire de la Légion Thé- | trefceau..

gneur & Protecteur. L'an 1272. la ville de Nions fe donna
à ce Prince, après l'heureuse expédition, dans laquelle il
fit lever le fiége de Neuchâtel à Rodolfe, Comte de Haf-
bourg, qui fut depuis Empereur, & qui quelques années
après, (en 1282. ) chercha à s'en venger fur Marguerite de
Savoye, Comteffe de Kibourg & de Nidou. Le Comte Phi
lipe marcha au fecours de fa tante, mais le Pape Martin IV.
& la Reine de France finirent cette guerre par un traité
de paix, qui fut conclu à Laufane le 27. Décembre 1283.-
Deux ans après, Philipe mourut accablé d'infirmitez le 17.
Novembre 1285. & comme il n'avoit point d'enfans, il
nomma pour
fon fucceffeur, fon neveu Amé V. fecond fils
de fon frere aîné Thomas II. Comte de Piémont, en fuivant
toujours l'ordre de proximité du dégré, & non de la ligne.
Nous fommes obligez pour fuivre celle-ci, d'interrompre la
fucceffion des Comtes de Savoye, à laquelle nous revien-
drons après avoir parcouru la branche aînée des Comtes de
Maurienne & de Piémont, & Princes d'Achaye & de la Morée.

Branche des Comtes de Maurienne & de Piémont:

MAISON

DE

SAVOYE.

gent, qui eft

le tout.

Lle a pour tige THOMAS II. de Savoye, troifiéme fils De gueule, du Comte Thomas I. & de Marguerite de Faucigni. Il àla croix d'ar avoit été destiné à l'Etat Eccléfiaftique, mais l'ayant quité, Savoye, à la le Comte Amé IV. fon frere aîné lui donna l'an 1235. un bande d'azur, apanage, le fit Lieutenant Général de fes Etats, & l'an brochant fur 1245. lui céda tout ce qu'il poffédoit en Piémont, avec le titre de Comte, à la réserve de la Souveraineté & du reffort. Thomas y joignit depuis la Principauté de Carignan, par' l'acquifition qu'il en fit, de la Maifon de Provane. Ce Prince étant paffé en France l'an 1236: atiré par la Reine Marguerite fa niéce, le Roi Louis IX. lui fit épouser en 1237. Jeanne, Comteffe de Flandres & de Hainaut, veuve de Ferrand, Prince de Portugal. Cette alliance l'obligea de paffer en Flandres, où il eut guerre l'an 1242. avec Henri, Duc de Brabant, & Godefroi de Brabant fon frere, qu'il furprit dans Bruxelles, & emmena prifoniers à Gand. Mais L'Empereur l'obligea à faire la paix avec eux, & à les relâcher. La même année, l'Empereur Frederic II. lui donna'

Table

II.

MAISON Comme à son frere aîné, le titre de Vicaire Général de l'Empire, en Lombardie & en Piémont. La mort de la Comteffe SAVOY E. Jeanne, dont il n'eut point d'enfans, l'obligea de retourner

DE

en Piémont, ayant cédé tous fes droits fur fa fucceflion, à Guillaume de Dampierre, moyennant une penfion de fix mille livres, & qu'il conferveroit fa vie durant, le titre de Comte de Flandres & de Hainaut.

Les marques de faveur qu'il avoit reçûës de l'Empereur Frederic, ne l'empêcherent pas de donner azile dans fes Etats, au Pape Innocent IV. avec lequel Frederic avoit des démêlez: & ce Pontife pour atacher davantage à fon parti le Comte de Piémont, lui dona la fupériorité temporelle que l'Evêque de Turin avoit fur les Châteaux de Rivoles, de Veillane & de Suze, & lui fit époufer en 1245. fa niéce Beatrix de Fiefque, fille de Théodo de Fiefque, Comte Palatin & de Lavania, Seigneur de Val-detorro & de Vigola, & de Beatrix fille de Camille, Seigneur de Capocorco. Elle avoit deux freres, dont l'un apellé Ottoboni, fut depuis Pape sous le nom d'Adrien IV. & l'autre nommé Perceval, fut Cardinal, Archevêque de Ravene, Chancelier & Vicaire Général de l'Empire en Toscane.

Thomas efcorta InnocentI V. à Lion, où fe tint unConcile, qui excomunia Frederic, & il y fut pourvû du gouvernement du Patrimoine, avec le titre de Gonfalonier de l'Eglife. L'Empereur de fon côté, voulant gagner Thomas de Savoye, lui dona par Patentes du 7. Novembre 1248. & à fa poftérité, la ville d'Yvrée, le pays de Canavays, & le droit que l'Empire avoit fur le Château de Lanzo, & le nomma pour moyener un accomodement entre le Pape & lui, ajoûtant à fes premiers bienfaits le don, pour lui & fes defcendans, de l'un & de l'autre fexe, des Villes & Châteaux de Turin Pont de Vaux, Cavours, Châteauvieux, & de Montcallier, avec tous les droits de régale & de péage, & la garde de la ville de Verceil, qui s'étoit nouvellement foumise à lui. L'Empereur Guillaume de Hollande, que leComte Thomas alla faluer à Utrecht l'an 1252. lui confirma tous ces dons & privileges, aufquels il ajoûta celui de faire batre moLe Comte Thomas ne jouit jamais d'Yvrée, qui ne vint à fa Maifon que fous Amé V.

DE

noye d'or & d'argent, d'impofer des tributs & des péages, MAISON créer des foires & des marchez, & tous droits de Justice en dépendans, à la réferve des homages des Marquis de Mont- SAVO Y E. ferrat & de Saluces. Ce fut dans ce voyage qu'il assista sa belle-fœur Marguerite, Comteffe de Flandres, dans la guerre, qu'elle avoit contre fes enfans: de-là il paffa en Angleterre l'an 1254. où il fut gratifié de la Principauté de Capone, dans le Royaume de Naples, qui avoit été donnée à Edmond d'Angleterre, par le Pape Inocent IV. De retour en Piémont, il y effuya une difgrace des plus mortifiantes. Dans la guerre qu'il eut avec les Aftefans & le Marquis de Montferrat, il fut défait & pris prifonier à la bataille de Montebruno, l'an 1256. & ne recouvra fa liberté, par traité du 12. des Calendes de Mars 1257. qu'en donant fes enfans en ôtage, avec les principaux de ses sujets, & renonçant à tous les droits, qu'il avoit fur les Villes & Châteaux de Turin, de Cavours, de Cologno, de Montefol & d'Alpignan. Richard d'Angleterre, nouvel Empereur, caffa ce traité en 1258. & le Pape Adrien IV. & tous les Princes de la Chrétienté, s'intérefferent pour la délivrance de ses enfans, qui furent élargis en 1259. mais Thomas n'eut pas le tems de rétablir fes affaires, étant mort la même année. Il laiffa trois fils, defquels font fortis trois branches. THOMAS l'aîné continua celle des Comtes de Maurienne; AME' celle desComtes de Savoye,&Loüis fit celle des Barons de Vaud,

THOMAS III. Comte de Maurienne & de Piémont, dona de bonne heure des marques de fon courage. A l'âge de quinze ans, il acompagnâ Boniface, Comte de Savoye, en la guerre qu'il eut en Piémont en 1263. & demeura prifonier avec lui dans une bataille. Il eut le même fort dans celle que perdit, en 1266. le Comte Pierre, contre les Aftefans, qui sept ans après, s'étant liguez avec Boniface, Marquis de Montferrat, firent lever le fiége de Turin, Thomas avoit entrepris. Le Comte fe vengea l'an 1280. furprit cette ville, qui étoit fon héritage, & en chaffa le Marquis de Montferrat, qu'il arrêta avec fa femme, proche de Valence, en Dauphiné, comme ils alloient en Espagne demander du fecours à Alfonfe, Roi de Castille. On moyena entre eux un traité de paix, par lequel Thomas recouvra

que