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V

où les Royaumes font héréditaires. C'a été peu pour vous, & Seigneur, dit David, de me faire Roi, vous avez établi ma Maifon à l'avenir & vous m'avez rendu illuftre au-deffus de tous les hommes. Cette dignité de la maifon de Ďavid s'augmentoit à mesure qu'on y voyoit naître les Rois. Quelle vénération, quel amour n'ont pas les François pour cette augufte Maison, qui les gouverne depuis près de huit fiécles fans interruption? C'eft ainfi que les peuples s'atachent aux Maisons Royales. La jaloufie qu'on a naturellement contre ceux qu'on voit au-deffus de foi, se tourne ici en amour & en refpect. Les Grands mêmes obéiffent fans répugnance à une Maison qu'on a toujours vûë maîtreffe, & à laquelle on fait que nulle autre maison ne peut jamais être égalée.

C'est un autre avantage d'exclure les femmes de la. fucceffion. Le Peuple de Dieu n'y admetoit point le fexe, qui eft fait pour obéir. La dignité des Maifons régnantes ne paroiffoit pas affez foutenue en la perfone d'une femme, qui après tout étoit obligée de fe doner à elle-même un maître en se mariant. Dieu dit à Eve, & en elle à toutes les femmes: Tu feras fous la puissance de l'homme & il te comandera. Où les filles fuccedent, les Royaumes ne fortent pas feulement des Maisons régnantes, mais de la nation. Or il eft bien plus convenable, que le chef d'un Etat ne lui foit point étranger. C'est pourquoi Moife avoit établi cette foi. Vous ne pourez pas établir fur vous un Roi d'une autre nation, mais il faut qu'il foit votre frere.

*

Comme toute puiffance vient de Dieu, & qu'il n'y en a aucune qui ne foit de lui, (c'eft Dieu, dit l'Écriture, qui done à chaque peuple fon Gouverneur) il faut que toute ame foit foumife aux Puiffances fupérieures ; leur réfifter, c'est résister à l'ordre de Dieu, & il n'y a, dit le Prophete Roi, que les hommes fuperbes & violens, qui foient énemis de l'autorité.

* Si ftatueritis vobis creare Regem, | elegerit, videlicet, de veftra confanmore omnium finitimarum gentium, guinitate. Deuteron. 17,

cum creatote, quem Jova Deus vefter

Paralip.
XVII.

17, 18.

Eccl.

XVII. 14, 15.

Pf. XI. S.

La perfone des Rois eft facrée, & par l'onction & par leur charge, comme étans les reprefentans de la Divine Majefté. L'Ecriture les apelle Chrifts & les Oints du Seigneur. J'ai dit, vous êtes des Dieux, & vous êtes tous Pf. LXXXI. enfans du Très-haut. C'eft Dieu même que David fait parler ainfi. Il y a donc quelque chofe de religieux dans le refpect qu'on rend aux Princes. Le fervice de Dieu,

6.

& le refpect qu'on a pour les Rois, font chofes unies.. S. Pierre S. Pierre met enfemble ces deux devoirs, Craignez Dieu, II. 13. 14. honorez le Roi ; & S. Paul recomande de prier pour les Rois & pour les perfones conftituées en dignité,

I I.

De l'utilité des Généalogies.

Ce n'eft pas une vaine curiofité, ni une nouvelle invention que de rechercher l'anciéneté & la nobleffe des Maisons illuftres. Les mêmes avantages, qui rendent l'étude de l'Histoire comme néceffaire à ceux que leur naiffance ou leurs talens deftinent aux grands emplois, doivent faire recomander celle des Généalogies. On ne peut aquerir une conoiffance exacte de l'hiftoire, fi l'on n'en a une, au moins des Maisons Souveraines, qui ont tant de part dans le gouvernement des Etats, & & par conféquent dans ces grands événemens, qui font l'objet de l'Hiftoire. Si pour bien entendre l'Hiftoire, dit un Historien de nos jours, il est nécessaire de favoir, par le moyen de la Rapin Géographie, les lieux où elles ont été faites, & par la ChronoThoiras. logie, les tems où elles font arivées, il n'eft pas moins nécessaire de bien conoitre, par le moyen des Généalogies, les perfones, qui les ont faites, ou qui y ont eu part. C'est même fouvent un moyen de conoître les caufes des actions dont l'Histoire parle. On peut même dire que les Généalogies ont un grand avantage fur la Chronologie & fur la Géographie.... Je n'infifte point fur les fecours que les Généalogies peuvent fournir à l'Hiftoire, parce que je fupofe, qu'il n'y a perfone qui n'en conviéne,

Auffi voyons-nous que Moife, le plus excellent des Historiens, a reconu le raport effentiel de ces deux for

tes

tes de conoiffances, & la liaison étroite qu'il y a entre elles, puifque c'eft de fes Livres que nous tirons les Généalogies des premiers chefs des Nations. Ainfi l'on peut dire, que comme il a été le premier des Hiftoriens, il eft auffi le premier des Généalogiftes. Que de dificultés levées dans l'une & dans l'autre de ces fiences, fi tous ceux qui fe font mêlés d'en traiter,avoient été auffi exacts & auffi fideles que Moïfe.

A un sufrage si refpectable, on peut joindre celui des Nations les plus policées, tels que furent les Hebreux, les Grecs & les Romains. On fait avec quelle exactitude les premiers confervoient les Généalogies de leurs familles, & le foin que prit Efdras de rétablir celles qui avoient été perdues dans la ruine de Jerufalem fous Nabucodonofor, & nous ne pouvons douter du cas que les autres faifoient de cette conoiffance, puifqu'ils la métoient au nombre des fiences. Et quand Horace dit à fon ami Telephus,

Quantum diftet ab Inacho,

Codrus pro patria non timidus mori
Narras, genus aci.

Ne nous aprent-il pas qu'elle étoit comptée parmi les qualitez d'un efprit cultivé.

L'utilité des Généalogies ne fe borne pas à la perfection de l'Hiftoire. Elles ont encore un avantage qui feul mérite qu'on les étudie avec quelque foin; je parle du fecours qu'en retire la Politique pour la conoiffance des interêts des Princes: car on ne peut bien conoître tous leurs droits & toutes leurs prétentions, fi l'on ne conoît leurs aliances, qui font le principal fondement de ces droits & de ces prétentions. C'est par cette raison qu'un favant du régne d'Henri II. a écrit qu'il étoit dificile de manier lcs afaires publiques d'un Etat, fi l'on n'avoit la conoiffance des Généalogies des grandes Maisons. Loifel dans le Dialogue qu'il a compofe des Avocats du Parlement de Paris, requiert qu'un Avocat fache les Généalogies & les aliances de nos Rois, & des principales Maifons du Royaume.

Cette étude, il eft vrai, a fes dificultez, & demande comme celle de l'Hiftoire, des précautions, pour éviter d'être furpris par le menfonge, On fait affez, pour me

b

Baile.

fervir des termes d'un Savant de nos jours, que l'amour du merveilleux, l'interêt, la vanité, font comme des fources ouvertes d'où la Fable fe répand, pour ainfi dire, à grands flots dans les Annales des peuples & des familles ; & que dans cette longue éclipfe que foufrit la lumiere des Letres, l'ignorance enfanta mille foles rêveries fur leur origine. On a vû jufqu'au comencement du dernier fiécle, les Généalogiftes livrés à ce mauvais goût du merveilleux, le préferer à la fimplicité du vrai, & renchérir fur la licence que le Prince des Poëtes Liriques acorde aux Peintres & aux Poëtes. * C'étoit à qui dateroit de plus haut, & à qui feroit le plus ingénieux en fictions Romanefques. Il fembloit à la maniere dont ils prodiguoient le fang des Rois & des Heros, qu'ils en avoient des refervoirs pour le faire couler dans les veines de: ceux qu'il leur plaifoit, fouvent même pour honorer une famille, il en coûtoit l'honeur à quelque fille de Roi ou d'Empereur pour fondement d'une fauffe origine.

Il n'eft pas étonant que la crédule vanité, toujours d'intelligence avec le menfonge qui la flate, réalife tous fes phantômes, fe croyant fort parée du nom & de la nobleffe d'un Heros emprunté. Mais je fuis furpris que dans un fiécle éclairé, tel qu'eft le nôtre, où l'on ne peut mériter les fufrages du public, que par un amour inviolable de la fimple verité, il se foit encore trouvé de ces flateurs mercenaires, dont la plume vénale ait entrepris de lui en impofer.

L'on tombe d'ordinaire, dit un Moderne, dans deux fortes d'excès à l'égard de ceux que la Providence pouffe fort au-delà de leur condition, les uns par des généalogies fabuleules, leur procurent des ancêtres de la premiere qualité les autres les rabaissent à un état encore plus vil que le véritable, foit pour procurer à la médifance & à l'envie quelque dédomagement, foit pour faire trouver plus merveilleux & plus propre aux exclamations l'agrandiffe ment de leur fortune. Il faut être également en garde & contre la flaterie des uns & contre la malignité des autres,& fur-tout contre certains ouvrages de l'impofture, tel que

Pictoribus atque Poëtis,

Quidlibet audendi femper fuit æquæ poteftas.

a

a Mémoire

celui qui parut il y a une vingtaine d'années, & dont l'Auteur, auffi ignorant que téméraire, ofa débiter les fur les Ducs. calomnies les plus groffieres, contre un des plus refpectables Corps de l'Etat, avec d'autant plus de hardiesse & d'imprudence, qu'il étoit ignoré.

Si dans les Généalogies, comme dans l'Hiftoire, le faux eft mêlé avec le vrai, il eft des marques pour le démêler; car quelque grand que foit le nombre des Généalogiftes peu fidéles, il faut convenir, qu'il y en a eu dans tous les tems, qui fe font garantis de la contagion générale. Les Savans, fur-tout du dernier fiécle, qui fe font apliqués à l'étude de l'Hiftoire & des Généalogies, les ont dégagées de ce qui pouroit les rendre fufpectes. Ils ont porté le flambeau d'une févére critique dans les annales des peuples & des familles pour y démêler ce qu'elles renferment de douteux ou de faux; & c'est à la faveur de cette lumiere que nous pouvons distinguer le certain du probable, le probable de l'incertain, & l'incertain du faux.

I I I.

Du plan de cet Ouvrage.

Parmi un grand nombre d'Ouvrages, qui ont été faits fur cette matiere, celui de M. Hubner a eu une aprobation prefque univerfelle des Nations étrangeres, par la netteté & par l'utilité de fa méthode. Il a fuivi celle que pratiquent les Géographes, qui eft d'expofer les Généalogies dans des Cartes ou Tables Généalogiques, & il ne pouvoit en choifir une plus convenable: car comme les Cartes Géographiques en repréfentant aux yeux l'étendue des Païs & leur fituation, font que l'imagination s'en forme aifément une idée diftincte, & que l'efprit y trouve tout l'art & tout le fecours d'une mémoire locale; ainsi les Tables Généalogiques nous représentant, comme dans un tableau, une Race ou une Famille entiere, nous font voir d'un coup d'œil la fuite des perfones qui la compofent, & nous font diftinguer facilement la diférence & la proximité des degrés, avec l'ordre des fucceffions, ce qu'il feroit dificile de démêler fans le fecours de ces Tables; ce qui a fait dire à un fa

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