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fion à l'autre. Ils mettent toute leur application à s'examiner fur des pechez qui ne font pas confiderables, ils confument à cela tout leur temps & les forces de leur efprit au lieu que ces pechez, qui ont fait leur grand éloignement de Dieu devroient être le principal objet de leur application, non pour en rappeller les images, mais pour en nourrir la douleur. Car outre que la parole de Dieu ne veut pas que nous foyons fans crainte pour les peche qui nous ont été pardonnez, fans doute à caufe des mauvaises impreffions & des foibleffes qu'ils nous ont laiffées dont les fuites peuvent aller fort loin; il en faut conferver la memoire, pour en porter la confufion, pour en gémir pour en faire penitence, parce que nul ne fçait affurément fi fes pechez lui ont été pardonnez.

La feconde faute que l'on fait, eft qu'on ne penfe d'ordinaire qu'aux difpofitions du jour de la communion, qui confiftent en quelques prieres, & en des actes qui tres-fouvent font l'effet d'une imagination échauffée ou du fentiment naturel Mais pour les difpofitions effentielles, qui confiftent à être fondé & enraciné dans la charité; à mener une vie uniforme, & à s'acquitter des obligations

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de fon état ; peu de perfonnes penfent à fe les procurer, pour fe prefenter à la communion. Cependant, c'eft la premiere preparation que Dieu exige, la feule par laquelle on lui peut dire avec David: Mon cœur, ô mon Dieu, vous a parlé Pf. 26.8, avant que de s'approcher de vous, parce que je ne recherche que vous dans toutes mes actions; la feule qui ait le témoignage des œuvres, & cette uniformité qui ne peut tromper: au lieu que l'autre n'eft fouvent que le témoignage de la langue, & l'effet de l'imagination.

CHAPITRE XXIII.

Regles pour connoître fi on peche dans les tentations qui arrivent, & jî elles doivent empêcher la communion.

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On fils, dit le Saint-Esprit, entrant Ecl.2.1. au fervice de Dieu, préparez-vous à la tentation. Jesus-Chrift y a paffé, tous les Saints y paffent aprés lui. C'eft le creufet où il éprouve fes enfans, & la fournaife où il les purifie : nul n'en eft exempt, & plus une ame fe donne à Dieu avec ferveur, plus elle a de fidelité à fon fervice, & de zele pour fa gloire, plus le demon s'irrite contre elle, & fe porte à l'attaquer. Il laiffe quelque forte de re

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pour

à ceux qui font à lui; mais quand on le quitte pour retourner à Dieu, il entre dans la rage & dans la fureur: il ne peut voir, fins être brûlé par le feu de l'envie, le progrés des aints, & l'ardeur avec laquelle ils travaillent s'élever dans les places & fur les trones dont fes Anges & lui ont été chaffez. Comme il n'eft pas moins artificieux que méchant, il met tout en œuvre pour les tourmenter, & quoiqu'il foit tres-fouvent vaincu, il ne laiffe pas de revenir au combar avec de nouvelles armes Mais Jefus Chrift qui a remporté fur lui une victoire complete", donne à fes veritables fervireurs, & la ́lumiere pour découvrir fes tufes, & la force pour refifter à fes affauts. Il attaque quelquefois le corps & quelquefois l'efprit, & il tourmente l'un & l'autre avec tant de violence , que les ames les plus faintes, & qui ont le plus d'averfion du peché, ne croyent pas en être exemptes. De forte que fi l'on jugeoit de leur difpofition par ce qu'elles en penfent, & fur leur témoignage, on ne leur rendroit pas la juftice qu'elles meritent; on les croiroit fouvent coupables, lorfqu'elles font innocentes en jugeant de leur ame, non par ce qu'elle eft aux yeux de Dieu, mais par le trouble qu'elles y fentent.

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Il y en a qui ayant foutenu de rudes combats, & remporté de grandes victoires fur les plus dangereux ennemis, ont enfuite beaucoup de peine à refifter aux moindres, & qui aprés avoir terraflé des monftres, font arrêtez par des moucherons. C'est une conduite de la mifericorde de Dieu fur elles, femblable à celle qu'il exerça à l'égard des Ifraëlites, au milieu defquels il laiffa les Jebuféens, aprés qu'ils eurent vaincu trente Rois, pour les inftruire, dit l'Ecriture les exercer, & les tenir dans la crainte. Les vices font les ennemis que nous avons à combattre. Le premier & le plus opiniâtre c'eft l'orgueil, qui a cela de particu lier, qu'il s'éleve fur la ruine des autres; parce que la complaifance que l'on a de les avoir vaincus, eft fa plus délicieuse pâture. C'est pourquoi Dieu qui aime mieux un pecheur humilié de fes chûtes, qu'un Jufte enflé de fes victoires, laiffe aux ames faintes des foibleffes & des miferes qui leur font tres - utiles, & qui fervent de contre-poids à la vanité qu'elles pourroient tirer de leurs bonnes actions. On en voit, qui aprés avoir fait un facrifice parfait de leurs biens en les donnant aux pauvres; aprés avoir renoncé aux plaifirs, en prenant un genre de vic

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confacré à la penitence & à la mortification; aprés avoir méprifé le fiecle avec fes vanitez, paffent des années entieres à combattre de petits défauts, dont il femble qu'on fe pourroit délivrer en un moment. C'eft une chofe admirable qu'on ait pû refifter à de fi grandes tentations, & que l'on fuccombe aux petites; qu'on ne puiffe vaincre un chagrin, une impatience, une jaloufie, une inclination à mentir, des foupçons, des promptitudes, & quantité de défauts femblables où on fe laiffer aller. Ces fautes font fuivies de regrets, de honte, & de refolutions de ne plus tomber: mais à peine eft on relevé que l'on retombe, & Dieu le permet de la forte, même à l'égard des ames les plus faintes, parce qu'elles ont un grand trefor à garder, & qu'il leur eft plus utile d'être humbles en tombant, que fuperbes en demeurant debout: c'eft pourquoi on ne s'en doit point troubler. Que fi ces fautes fe commettent dans l'accompliffement des devoirs de notre état, & que ce foit ou la volonté de Dieu, ou la charité qui nous y expose, notre obeïffance les efface, le feu de cette charité qui nous anime, les confume; & l'on peut dire que dans le deffein de Dieu qui les permet, & par un effet de fa mifericorde

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