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CHAPITRE XXV.

De quelques autres pratiques de devotion. Omme notre pieté eft femblable au feu, qui s'éteint facilement, fi on n'a foin de le rallumer de temps en temps & de l'entretenir en y jettant du bois; outre les exercices que j'ai déja mirquez, qui font d'entendre la Mcfle tous les jours, de faire des prieres reglées le matin & le foir, une ou deux lectures durant le jour, de travailler, de garder la retraite, de communier tous les huits jours, & même plus fouvent, fi votre vie ne vous en rend pas indigne, & de vivre dans la retraite & dans la penitence autant que vos affaires & votre fanté le permettent: Outre tous ces moyens qui font excellens, je voudrois, fi votre état & la prudence vous le permettent, que vous priffiez la coûtume de veiller quelque demie heure la nuit du Jeudi au Vendredi, pour lire la Paffion de notre Seigneur, & vous exciter à la compaffion, à la reconnoiffance, au zele, à la ferveur, à l'efprit de penitence que demande l'excés de l'amour d'un Dieu mocqué avec toute l'ignominie imaginable, battu avec toute la cruauté poffible, & attaché à

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Jerem.

32. 12.

une Croix infame, par la plus noire de toutes les injuftices. Un Prophete a dit que toute la terre est dans une extréme defolation, parce qu'il n'y a perfonne qui faffe reflexion fur foi-même, fur les obligations, fur les bienfaits de Dieu, fur fes ingratitudes. Il eft donc bon, pour éviter ce malheur, de prendre un tems chaque femaine pour penfer à la Paffion de Jefus-Chrift. C'eft un fi grand objet, qu'il n'y a point, de creature qui le puiffe comprendre. Saint Paul n'étudioit que Jefus-Chrift crucifié; il ne connoiffoit que Jefus-Chrift crucifie; il ne prêchoit que Jefus-Chrift crucifié. C'étoit toute fa fcience, toute fa gloire, toute la joye, toute fa confiance, & il ne demandoit autre chofe pour fes Ephef. 3. Difciples, que cette divine fcience. C'est ce qui me porte, dit-il, à fléchir les genoux devant le Pere de notre Seigneur JesusChrift, afin que felon les richeffes de fa gloire, il vous fortifie dans l'homme interieur par fon faint-Efprit, qu'il faffe que Jefus Chrift habite par la foi dans vos cœurs, & qu'étant enracinez & fonde dans la charité, vous puissiez comprendre Avec tous les Saints, quelle eft la largeur, la longueur, la hauteur & la profondeur de ce Mystere, qui fut l'entretien de Moïle & d'Elie fur le Thabor; car ils

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Apoc. s

parloient à Jefus-Chrift, dit l'Evangile, de la fortie du monde qui devoit arriver Luc. gi dans Jerufalem. On en parle jufques dans 31. le Ciel, où les Saints qui chanteront dans toute l'éternité les mifericordes de leur Dieu, ne ceffent de dire, profternez devant l'Agneau: Vous êtes digne, Seigneur, de prendre le livre & d'en ouvrir les 9. fceaux, parce que vous avez été mis à mort, & que vous nous avez rachetez par votre Sang. C'est donc une tres bonne pratique d'y penfer la nuit même où il a tant fouffert pour nous. Les reflexions que vous ferez, ferviront à confondre votre lâcheté ; elles vous animeront à imiter un fi grand exemple, à fouler aux pieds toute la gloire du monde, à porter votre croix, à détruire en vous le vieil homme, à le mortifier, & à punir fur vous-mêmes des pechez que Dieu a fi feverement punis dans celui qui s'en étoit volontairement chargé.

Je vous confeille de veiller auffi durant quelque temps le vingt- cinquième jour de chaque mois, pour honorer le Myftere de l'Incarnation, qui fut accompli ce jourlà, felon la commune créance de l'Eglife. Vous lirez ce que faint Luc nous a laiflé fur ce fujet, & vous y trouverez de grandes inftructions. Comme l'Incarnation eft le

fondement de notre falut, on n'y fçauroit trop penfer; car toute la Religion y eft enfermée Ce Myftere fuppofe la chûte du premier homme, le peché originel, l'impuiffance de notre volonté pour le bien, la corruption de notre cœur, la perte du genre humain, la nécefité du Sauveur, l'amour du Pere Eternel, qui a été jusques à nous donner fon propre Fils: l'oberfance de ce divin Fils, qui est venu par la voye de l'humilité, de la pauvre té, & de la peine, nous tirer de cer abîme; & qui voyant la profondeur de nos playes, a voulu goûter le premier l'amertume des remedes qui les devoient guerir. Pour peu que vous fçachiez la Religion, vous ne manquerez pas de matiere pour vous entretenir dans ces faintes méditations.

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Enfin, une troifiéme pratique à laquelle je vous exhorte, eft de prendre un jour chaque mois pour vous renfermer & faire une efpece de retraite. Vous pourrez ce jour-là, prier & lire plus long- temps; employer la matinée à examiner votre vie, & l'état de votre cœur ; à voir fi vous êtes fidele à Dieu, fi vous avancez fi vos paffions s'affoibliffent, fi les vertus fe fortifient, fi la cupidité diminuë fi la charité

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s'augmente. L'aprés - dinée, je voudrois que tous vos exercices fuffent fur la mort. Vous pourriez lire ce qu'il y a fur ce fujer dans le quatriéme Tome des Effais de Morale, & vous fouvenir de ce que dit l'Ecriture: Que la penfée & le fouvenir frequent de ce qui nous doit arriver à la fin de nos jours eft un moyen tres propre pour nous empêcher de violer la Loi de Dieu. Souvenez- Eccl. 7. vous de votre fin derniere, dit le Sage, & jamais vous ne pecherez. Ne meprifez pas cette pensée de la mort, comme fi elle étoit trop imparfaite & trop commune pour vous. Les Saints s'en font tres utilement occupez, & l'ont confeillée à leurs Difciples. Saint Ephrem & faint Benoît difent, que les Moines les plus parfaits y doivent penfer tous les jours, & s'y préparer. Saint Bernard nous apprend, que les Religieux de Cîteaux choififfoient d'ordinaire des lieux mal fains, pour y bâtir leurs Maifons afin que n'ayant point de fanté affurée ils euffent inceffamment devant les yeux la pensée de la mort. Saint Jean Climaque dit, que comme de tous les alimens le pain eft le plus neceffaire, auffi de toutes les pratiques fpirituelles la méditation de la mort eft la plus utile;

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