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ayez tout enfemble la prefence des bontez & celle des juftices de votre Dieu; que votre charité accompagne votre crainte, qu'elle combatte avec elle, & qu'elle vous défende avec elle: Enfin, qu'elle vous porte, qu'elle vous excite à aimer celui, qui feul peut vous garantir des maux que vous avez devant les yeux, & fans l'amour duquel toutes vos craintes feroient vaines, infructueu.es & itériles. Mais gardez - vous bien de vous imaginer que votre vertu foit affez avancée pour n'avoir plus befoin de crainte ; & ne vous trompez pas en jugeant temerairement de votre état, & en vous attribuant une perfection que vous n'avez point. Si on obfervoit avec attention la conduite de ceux qui ne veulent pas marcher par cette voye, on verroit que la plupart n'ont qu'une pieté fauffe, & n'ont ni charité ni crainte. Pour vous, dont les paffions font vives, qui éprouvez des guerres inteftines, qui avez de puiffans ennemis à combattre, vous n'aurez pas trop de la crainte & de l'amour tout enfemble, pour vous défendre : vous ferez bien d'envifager le Jugement de Dieu dans fes deux faces, en confiderant fa feverité & fa justice, auffi-bien que fa bonté & fa clemence. Saint Chiy

foftome va plus plus loin, & ne craint pas de dire, que la vûë de l'Enfer eft encore plus puiffante pour reprimer en nous le peché que celle du Paradis; parce que la crainte du mal fait plus d'impreffion fur notre efprit, que la promeffe du bien : Et je fuis affuré qu'il y en a plufieurs qui mépriferoient la felicité du Ciel qu'on leur fait efperer, s'ils étoient affurez d'être exempts des fupplices de l'Enfer dont on les menace.

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Craignez donc pour votre falut: Veillez, priez, vivez dans une fainte folicitude. Craignez vos pechez, dont le nombre eft fi grand, & l'énormité fi affreuse. Craignez jufques à vos bonnes œuvres où vous avez mêlé tant d'amour propre, tant de vanité, & tant d'autres défauts. Craignez celles que vous pouviez faire, & que vous n'avez pas faites, parce que vous n'aviez point de zele pour la gloire de Dieu, parce que vous négligiez vos devoirs, parce que vous n'aviez pas foin de les apprendre pour les accomplir. Y a-t-il une creature plus malheureufe que l'homme? Il fera jugé fur le mal qu'il a commis, fur le bien qu'il n'a pas fait, & qu'il devoit faire, & fur celui qu'il a mal fait, & qu'il a rapporté à fa propre fatisfaction, au lieu de le rapporter à la gloire de Dicu. S'il

eft en peché mortel, il a tout à craindre, la mort, le jugement de Dieu, fa propre corruption. S'il eft en grace, il n'en Içait rien; & quand il le fçauroit, il ne peut pas répondre de fa fidelité pour un moment. S'il eft homme de bien, il peut devenir méchant, s'il eft debout il peut tomber. Il n'y a que la grace de Dieu qui puiffe le foûtenir; & cette grace demande une cooperation, & une fidelité fi grande, qu'il ne faut quelquefois qu'un petit manquement pour nous priver du fecours qu'elle nous donne à chaque action particuliere. Heureux donc, je le repete, Prov. 18 celui qui craint toûjours, & qui fait tous 14. fes efforts pour le mettre dans un état où il n'ait plus rien à craindre,

J

CHAPITRE. XXVII.
De la confiance en Dieu.

E mets la confiance en Dieu immédiatement aprés la crainte, parce qu'il me femble que l'une ne doit jamais aller fans l'autre. La confiance fans crainte, degenere en prefomption; la crainte fans confiance, fe tourne en defespoir. Si nous avons de grands fujets de frayeur, nous en avons d'auffi grands d'efperance. Nous avons 1. les affurances que Dieu nous donne en plufieurs endroits de fa pa

A

role, qu'il eft nôtre Pere, qu'il nous regarde comme fes enfans, qu'il connoît nôtre foibleffe, qu'il en a pitié, qu'il ne veut point la mort ni la perte du pecheur, mais qu'il fe convertiffe, & qu'il vive; que fes mifericordes font infinies, qu'il fe plaît à pardonner, & qu'il ne haït aucun de fes ouvrages. Nous avons 2. fes promeffes, par lesquelles il s'eft engagé à nous pardonner, pourvû que nous nous convertiffions. Nous avons 3. des gages admirables de fa bonté, qu'il nous a donnez exprés, afin de guérir nos défiances, & de diffiper nos craintes. Il nous a donné Jefus-Chrift fon Fils, fon Incarnation, fa Naiffance, fa Vie, fa Mort, fa Refurrection, fon Afcenfion. Aprés cela, dit faint Paul, que dirons-nous : Si Rem 8. Dieu est pour nous, qui fera contre nous ? S'il n'a pas épargné fon propre Fils, & s'il l'a livré à la mort pour nous tous', que ne nous donnera-t-il pas après nous l'avoir donné? Nous avons 4. le Batême, par lequel il nous a reçûs dans fon al-' liance, qui eft déja un grand point pour le falut. Nous avons 5. les autres Sacremens, par lefquels il nous communique fa grace & le fruit de fa mort. Nous avons 6. des marques de fon amour qui nous font particulieres. Avoir un defir

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fincere de fe fauver, une connoiffance affez grande de fa Loi, vivre dans un temps de lumiere, & où l'on reçoit de folides inftructions, tant par écrit que de vive voix, font des fignes de mifericorde. Nous avons 7. le commandement que foan. 15. Jefus-Chrift nous a fait, de prier en fon 7. nom, avec promeffe que nous ferons infailliblement exaucez. Nous avons enfin, les prieres de Jefus - Chrift même qui est affis à la droite du Pere, au plus haut des Cieux, où il intercede pour nous ; & la voix de ce Sang adorable qu'il a versé pour notre falut, & qui parle plus avantageufement que celui d'Abel, qui demandoit Heb, 12, vengeance, au lieu que celui de Jefus- 24. Chrift demande mifericorde.

Etes-vous pecheur ? Jefus-Chrift eft venu pour fauver les pecheurs. Si nous n'avions pas été malades, le medecin ne feroit pas venu. Si nous n'avions pas été ennemis de Dieu, Jefus Chrift, ce puiffant Médiateur, n'auroit pû faire éclater fon amour infini, qui paroît bien mieux dans la reconciliation des pecheurs, que dans le falut des Juftes. Rien ne lui eft fi precieux que le nom de Jesus, & c'eft aux pecheurs, fi je l'ofe dire, qu'il en eft redevable. Car fi la brebis ne s'étoit pas égarée, le bon Pafteur ne feroit pas

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