Imágenes de páginas
PDF
EPUB

29. 21.

[ocr errors]

dit l'Evangile, & compter pour voir s'ils ont les talens neceffaires, & la capacité requife pour l'état qu'ils veulent embraffer. Que s'il s'agit du Sacerdoce ou de la vie Religieufe, je les conjure de ne fe point preffer, de prier long-tems, de s'eflayer & fe tâter pour ainfi dire ; parce que s'il n'y a rien de fi élevé que ces deux états, il n'y a rien de fi difficile Matth. que de s'y foûtenir. Tous, dit Jefus-Chrift, ne font pas capables de cette refolution, mais ceux-là feulement à qui il a été donné. Et il ne faut pas juger du fuccés d'une fi grande entreprise, par la difpofition prefente où l'on fe trouve; parce qu'elle ne durera pas toûjours. Il ne faut qu'un entretien, qu'une lecture, qu'une liaison qui paroîtra toute fpirituelle dans les commencemens, pour renverser une ame qu'on eût crû invincible, C'eft pourquoi prenez du temps pour vous affurer de la volonté de Dieu.

Que fi vous demeurez dans le monde avec envie de renoncer au mariage, & de fervir Dieu dans la liberté que donne la continence, ne vous y engagez point par vau. L'homme eft fi inconftant de luimême, qu'il doit craindre tous les engagemens qui ne font fondez que fur une devotion paffagere, de peur qu'il ne vien

ne à s'en repentir: pour lors vous feriez obligé de recourir à des difpenfes, & quel fcandale ne donneriez-vous pas à ceux qui connoîtroient votre engagement? Quelle fource de fcrupules & de' craintes pour vous? Votre confcience vous diroit fans ceffe: La promeffe imprudente Eccl.s.4. & infidelle déplait à Dieu. AccompliẞeZ donc le vœu que vous avez fait, car il vaut beaucoup mieux ne faire point de vœux que d'en faire, & de ne les pas accomplir. Voilà à quoi fert la connoiffance de foimême. Elle nous empêche de nous jetter en des labyrintes d'où on ne peut plus fortir.

CHAPITRE XXIX.

M

Autres utilitez de cette connoiffance. Ais outre ces avantages, je puis dire qu'elle eft le fondement de toutes les vertus. Elle eft la mere de l'humilité, ou plûtôt l'humilité n'est autre chofe qu'une connoiffance de fes pechez, de fes miferes, de fon neant, qui fait que l'on eft vil à fes propres yeux, & que l'on fe juge digne de toutes fortes d'abaiffemens. L'humilité, dit faint Augustin, confifte à fe connoître foi-même. C'eft EJais de elle qui nous empêche de nous élever au

Moral:

3. vel.

[ocr errors]

Math.

7.12.

deffus du prochain, n'y ayant que l'oubli de nous-mêmes, qui nous le puiffe faire méprifer. En effet, un homme couvert de boue jufqu'aux yeux, ne feroit-il ridicule de fe railler d'un autre hom

pas

[ocr errors]
[ocr errors]

fur l'habit duquel il verroit une petite tache ? Voilà l'idée que nous aurions de notre ame fi nous la connoissions. Croyons en general, que tous les hommes font foibles, & fujets à pecher; mais comme dit l'auteur de l'Imitation de Jefus, nous devons croire que perfonne n'eft plus foible, & plus méchant que nous. Car quand nous n'aurions jamais commis de grands crimes, nous les avons pû commettre; nous en avions la racine dans le cœur, c'eft Dieu qui l'a empêché de pouffer. Le poids de notre corruption fuffifoit pour nous entraîner, fa main nous a retenus, fa grace nous a prefervez; elle a éloigné les occafions & les objets qui nous auroient féduits, & nous lui fommes redevables des pechez mêmes que nous n'avons pas commis. La connoiffance de nous-mêmes nous rend équitables & juftes dans les affaires. Elle nous découvre le tort que nous avons, & nous oblige de nous condamner. Elle nous dit: Ne faites jamais aux autres ce que vous ne voudriez pas qu'ils vous fif

fent. Elle diffipe tous les nuages dont l'amour propre obfcurcit cette regle dans les occafions où il eft intereffé. Elle nous empêche de nous plaindre avec aigreur des jugemens defavantageux que l'on forme de nous, & des injuttices qu'on nous peut faire, en nous convainquant que nous traitons fouvent de même les autres fans y prendre garde. Cette connoiffance reprime tous les vices qui naiffent de l'orgüeil, en le reprimant lui-même. Un homme qui fe connoît bien n'eft gueres jaloux, parce qu'il eft convaincu qu'il ne mérite rien, & qu'ainfi il ne croit pas que l'honneur qu'on rend aux autres lui foit dû. Il n'eft ni aigre ni vindicatif, parce que le peu d'eftime qu'il a de luimême, lui fait compter pour peu les of fenfes qu'il reçoit. Il ne fçauroit haïr perfonne, parce que quelques défauts qu'il voye dans les autres, il en voit en foi la fource, & peut-être encore pis: Et comme il ne veut pas qu'on le haïffe à caufe de fes défaus, il n'a garde de haïr, ni de meprifer perfonne. Il eft peu ambitieux; & il ne fçauroit former de grands deffeins pour s'élever dans le monde, parce qu'il ne croit pas meriter les grands euplois; d'ailleurs, il regarde l'élevation comme un état plus capable d'effrayer

[ocr errors]

que de tenter un vrai difciple de JefusChrift. Il fent que fes paffions le rendroient plus malheureux dans cet état`; que fa cupidité fe déborderoit davantage, fi elle avoit plus de moyen de fe fatisfaire; qu'il feroit des fautes plus fcandaleufes; que fon cœur s'éleveroit autant que fa fortune, & qu'il trouveroit fa Tuine où les autres cherchent un établiffement. La connoiffance de nous-mêmes nous rend patiens dans la pauvreté, dans la maladie, dans toutes les afflictions parce qu'elle nous apprend qu'elles font juftes, qu'elles font proportionnées à nos maux interieurs, & qu'elles y peuvent fervir de remede. Elle nous convainc que la profperité ne nous eft point dûë qu'elle nous feroit plus pernicieufe qu'utile, & que l'adverfité eft notre vrai partage, & la feule chofe que Dieu nous doit.

[ocr errors]

Tâchez donc d'acquerir cette fcience, qu'on peut appeller Tunique neceffaire. Sçachez que le caractere des reprouvez en cette vie, eft de ne fe point voir, & de faire tous leurs efforts pour ne fe pas connoître. C'est pourquoi, demandez fouvent à Dieu, avec David, qu'il éclaire Pf. 12.4. vos yeux, afin que vous ne vous endormiez pas dans le fommeil de la mort. L'état

« AnteriorContinuar »