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» bent bien-tôt dans les grandes, elle fe » trouva à la fin aimant le vin, & elle » le beuvoit à pleines taffes. Jamais peut» être ne fe fût-elle corrigée de ce défaut, fans une injure vive & piquante » qui lui fut dite par une domeftique qui alloit d'ordinaire à la cave avec elle. Car étant » entrées en querelle l'une avec l'autre, comme il arrive fouvent dans les mai» fons, entre les enfans & les valets, cette domeftique lui reprocha fon vice d'une maniere cruelle, & l'appella yvrogneffe. » Ce feul mot fur comme un coup d'aiguillon qui lui fit ouvrir les yeux; & » voyant combien le vice qu'on lui reprochoit étoit honteux, elle fe condamna elle-même fur le champ, & s'en défit » pour jamais. C'est ainsi, ajoûte faint Auguftin, qu'au lieu que nos amis nous » corrompent & nous perdent, quand ils » nous flattent les injures que la feule

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colere fait fortir de la bouche de ceux » qui nous haïffent, nous redreffent quelquefois. Ne vous amufez donc pas » exagerer la malice & l'injuftice de ceux qui médifent de vous. Voyez devant Dieu, » fi ce qu'ils difent eft vrai; & fi cela eft, profitez de leur mauvaise intention, en vous corrigeant.

כל

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245

LE

DIRECTEUR

SPIRITUEL.

SECONDE PARTIE.

Où l'on explique les devoirs des con ditions, & des eftats principaux qui font dans le monde.

CHAPITRE PREMIER.

Où l'on voit les pechez ordinaires riches commettent.

que

les

Oм ME оn fuppofe qu'il eft
aifé aux riches de trouver des
Directeurs ou de bons Livres
pour s'inftruire en détail de

tous leurs devoirs, on ne s'y étendra pas
ici. On leur dira feulement que Jelus-
Chrift a maudit leur état, en difant
Malheur à vous, riches, parce que vous Ine. .
avez votre confolation dans ce monde :
Malheur à vous qui êtes raffafiez, parce
que vous aurez faim: Malheur à vous qui

24.

Matth. 19.23.

riel maintenant, parce que vous ferez re= duits aux pleurs & aux larmes. On leur dira que felon les oracles de l'Ecriture, l'impieté, l'orgueil, la molleffe, la bonne chere, l'injustice, & quantité d'autres pechez, font prefque toûjours joints avec les grandes richeffes; qu'elles font oublier Dieu; qu'elles rendent l'homme abominable à fes yeux, quand il en fait un mauvais ufage; qu'il eft tres-difficile qu'un homme riche foit fauvé. Onï, die Jesus-Chrift, il est bien difficile qu'un rijuiv. che entre dans le Royaume du Ciel. Je vous le dis encore une fois, il est plus aifé qu'un chameau paffe par le trou d'une aiguille que non pas qu'un riche entre dans le Royaume du Ciel. Et fur ce que fes Dif ciples étonnez difoient entre-eux qui pourra donc être fauvé ? Jefus les regar dant leur dit: Cela eft impoffible aux homines, mais tout eft poffible à Dieu. Que fr vous me demandez d'où vient cette difficulté fi grande; je vous répondrai qu'il y a dans les richeffes, & vous pouvez direla même chofe des honneurs & des plaisirs, un poifon fecret d'autant plus fubtil, & d'autant plus fort, qu'il eft plus doux & plus agreable à l'amour propre. Il eft moralement impoffible de s'en garantir, & les Saints n'ont pas trouvé pour cela de

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meilleur expedient, que de quitter toutes ces choses. Car , comme a fort bien dit faint Auguftin, il eft plus aifé de fe paffer de ces faux biens, que d'en ufer fobrement, & fans intemperance.

Le propre des richeffes eft d'éteindre la Foi, l'Efperance, la Charité, l'Humilité, la Douceur, l'efprit de Penitence, les larmes & le gemiffement interieur. La Foi, dit faint Paul, s'attache aux chofes invifibles; elle fait efperer ce qui ne se Heb. 1. voit point, & c'eft de quoi beaucoup de " riches ne fe mettent jamais en peine; ils fe contentent des chofes prefentes ; ils doutent même de ce qu'on leur dit fur l'autre vie, & on trouvera parmi les riches beaucoup plus d'impies & de libertins que parmi les pauvres. L'Efperance oblige un Chretien à tout attendre de Dieu, & à fe regarder fur la terre comme 1.Tim.3% une creature abandonnée & defolée, qui s n'efpere qu'en Dieu. Au contraire, le ri- Prv, 10. che, dit le Sage, regarde les richeffes "s comme une ville qui le fortifie, & comme une épaiffe muraille dont il eft environné. Il fçait que les richeffes donnent beaucoup d'amis, & qu'il n'y a point de peril dont il ne puiffe fortir, ni de digniré où il ne se puiffe élever à force d'argent. Les riches fentent par une infinité

P. 72.

5.

Luc. 16.

19.

de perfonnes qui ont besoin d'eux, qu'ils font puiffans, qu'ils peuvent nuire ou fervir ; & tout cela ne fert qu'à les enfler & à les attacher aux richeffes, d'où ils tirent tant d'autorité, & tant de confideration. Quant à la Charité, nous pouvons dire qu'ils n'en ont prefque point pour Dieu ni pour le prochain. Les uns aiment leurs aifes; les autres à paroître par un grand luxe; les autres à entaffer argent fur argent. Ils ne fçavent ce que c'eft que la compaffion. Comme ils n'ont point de part aux maux des autres hommes, ils n'ont point de pitié ; ils font fi occupez d'eux-mêmes, qu'ils ne penfent jamais aux autres : Et Jefus Chrift a fait le portrait de plus d'un homme, quand il a parlé du mauvais riche. Cet homme riche étoit vêtu magnifiquement: il faifoiɛ bonne chere tous les jours. A fa porte on voyoit couché, & tout couvert d'ulceres un pauvre nommé Lazare, qui eût bien voulu fe raffafier des miettes qui tomboiens de la table du riche ; mais perfonne ne lui en donnoit, & il ne recevoit du foulagement que des chiens, qui venoient lui lecher fes playes. Voilà, dis-je, un portrait fidele de la plupart des richeeffes, & les fuites ordinaires des richeffes, le luxe le fafte 12 pompe, les beaux habits, les maisons

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