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L'Ecriture eft pleine des injuftices qu'on fait aux pauvres, de la maniere dure & impitoyable avec laquelle on leur parle, du mépris qu'on a pour eux, & de tous les maux qu'ils ont à fouffrir. Leur pain eft fouvent arrofé de leurs larmes ; ils menent une vie trifte, laborieufe, ennuyeufe, & leur cœur eft prefque toûjours dans l'amertume. Or tout cela eft excellent pour le falut, quand on en fçait faire un bon ufage. C'eft là l'état où JesusChrift demande fes Difciples. Vous pleu- Joan, 16. rerez vous gémirez, vous autres, pen- 20. dant que monde fe réjouira. Vous ferez dans la trifteffe, & le monde dans la joye. Un pauvre n'a qu'à fouffrir patiemment les mortifications qui font inféparables de la pauvreté ; c'en eft affez pour être Saint. C'est lui qui accomplit à la lettre la penitence que Dieu impofa au premier homme en punition de fon peché, quand il lui dit, qu'il mangeroit fon pain à la fueur Genef. de fon vifage; que la terre ne produiroit pour lui des épines, & qu'elle feroit maudite entre fes mains.

que

3.75.

Le troifiéme avantage du pauvre, c'eft que Dieu prend un foin tout particulier de lui. Ses yeux font ouverts fur lui. Sa providence veille pour fa confervation. P.10. Elle diminuë fes peines; elle adoucit fes

maux; elle le comble de confolations interieures, qui valent mieux que tous les trefors du riche. Dieu répand fa benediction fur le travail; il multiplic par des miracles continuels le pain, l'argent, les habits, & les autres petits biens des pauvres Je parle des bons pauvres, qui trouvent mille fois plus de joye dans le peu qu'ils ont, que les riches dans toute leur abondance. il eft vrai qu'ils ont peu d'or & d'argent, mais ils font riches en vertus. Leurs coffres font vuides, & leur cœur eft plein de foi, d'efperance & d'amour. Ils poffedent l'innocence, qui vaut mieux que tous les trefors. Ils poffedent Dieu même; que voulez-vous davantage? Celui-là eft trop avare, dit faint Auguftin, à qui Dieu ne fuffit pas. La bonne volonté des pauvres eft un trefor que nulle violence ne leur fçauroit ôter & dans lequel ils trouvent un tres-doux repos, & une affurance veritable. Dieu enrichit les cœurs des vrais pauvres de fon faint-Efprit, & il remplit leurs ames des trefors de fa grace, quand il les trouve vuides de l'amour des biens terreftres. Jefus-Chrift s'eft fait pauvre, dit-il encore, pour remplir les pauvres : ouvrez donc le fein de vôtre foi, recevez y le Seigneur pauvre, & vous ne ferez plus

pauvres. Jefus Chrift pauvre, dit faint Paulin, eft la honte des riches & la gloire des pauvres. Les Chretiens, dit un autre Pere, fe glorifient quand ils font pauvres : & en effet, n'y a-t-il pas plus de gloire à méprifer les richeffes, qu'à les poffeder: Celui-là peut-il être eftimé pauvre, qui n'a befoin de rien, qui n'a point d'ardeur pour le bien d'autrui, & qui eft riche devant Dieu ? Si les richeffes étoient neceffaires ou utiles aux vrais Chretiens, ils les demanderoient à Dieu; ils les obtiendroient, puifque tout lui appartient; mais ils aiment mieux l'innocence & la

fainteté, que les biens de la terre.

CHAPITRE VI.

Où l'on voit les obligations des Pauvres.

T

Out ce que nous avons dit des avantages de la pauvreté, fuppofe qu'on foit pauvre de cœur & d'affection, auffibien que d'effet. Notre Seigneur n'a beatifié que les vrais pauvres, c'est-à-dire, ceux qui aiment la pauvreté, ou qui du moins la fouffrent patiemment; ainfi le premier devoir d'un pauvre, c'est d'être pauvre effectivement. Quel mérite aurezvous, dit faint Auguftin, fi manquant de bien, vous brûlez du defir d'en avoir?

Quand un homme auroit de grandes richeffes, s'il ne s'en éleve point, il est veritablement pauvre; & quand un autre n'auroit point de bien, s'il en defire avec ardeur, & s'il eft fuperbe, Dieu le met au rang des riches & des fuperbes. Un pauvre avare eft condamné comme riche, quoiqu'il n'ait point d'argent. On dit au riche, donnez on dit au pauvre, ne defirez pas.

:

Saint Bafile expliquant ces paroles, Le pauvre a crié dit, Combien y en a-t-il qui ne font pas riches par la poffeffion » des biens de la terre, & qui neanmoins » font tres-avares par la difpofition de leur » cœur Ces gens-là ne feront pas fauvez » par leur pauvreté, mais condamnez par ,, leur mauvaife volonté. Il ne faut donc

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pas appeller heureux tous ceux qui font » dans le befoin, mais feulement ceux qui préferent les préceptes de Jefus-Chrift à » tous les trefors du monde. Mais l'auto

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rité de faint Paul fuffit pour nous appren1.Tim.6. dre ce que c'eft qu'un vrai pauvre. C'eft fuiv. une grande richeße, dit il, que la pieté & la modération d'un efprit qui fe contente du neceffaire. Car nous n'avons rien apporté en ce monde, & il eft fans doute nous n'en pouvons rien emporter. Ayant donc dequoi nous nourrir, & dequoi nous

que

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couvrir nous devons être contens. Mais ceux qui veulent devenir riches, tombent dans la tentation & dans le piege du demon, &en divers defirs inutiles & pernicieux, qui précipitent les hommes dans l'abîme de la perdition & de la damnation. Car l'amour du bien eft la racine de tous les maux, quelques-uns en étant possede se sont égarez de la foi, & embarraffez dans une infinité d'afflictions & de peines. Le feul amour du bien ruine donc dans un homme tout le mérite de fa pauvreté: Et quand il feroit pauvre comme Job, il fera damné comme le mauvais riche, s'il a aimé l'or & l'argent avec excés; parce qu'il n'y a rien de fi déteftable devant Dieu que l'avarice qui nous fait aimer l'argent c'eft pourquoi faint Paul compare l'avarice à l'idolatrie & dit que l'avare eft idolatre. Tout ce que nous pouvons faire, c'eft de dire avec Salomon, encore eft-ce le plus bas degré

I.

de la vertu chretienne: Ne me donnez ni prov. 30. la pauvreté, ni les richeffes; donne - moi 1. feulement dequoi vivre, de peur qu'étant raffafié, je ne fois tenté de vous renoncer

de dire, Qui eft le Seigneur? Ou qu'étant contraint par la pauvreté, je ne dérobe, & que je ne viole par un parjure le nom de Dieu.

Le second devoir du pauvre, eft de ne

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