n'eft fauvée qu'en efperance, elle joint la priere à la loüange, les larmes à la joye, la crainte à l'efperance: mais enfin

cela fe rapporte à Jesus-Chrift, & tout cela l'occupe autant que la pefanteur de ce corps mortel, & les neceffitez de cette vie malheureufe le peuvent fouffrir.

La troifiéme chofe que les vierges doivent pratiquer, eft de vivre dans la penitence. Nous ne repeterons pas ce que nous avons dit fur ce fujet dans la premiere Partie. J'ajoûterai feulement, que la penitence qui eft neceffaire en general à tous les Chretiens, eft encore une vertu particu liere aux Vierges, parce qu'elles fe font confacrées à Dieu comme des victimes qui doivent être immolées à fa gloire. C'est à elles beaucoup plus qu'aux autres Fideles Rom. 11. que l'Apôtre dit: Je vous conjure parla mifericorde de Dieu, de lui offrir vos corps comme une hoftie vivante, fainte & agreable à les yeux, pour lui rendre un culte raifonnable & fpirituel. Ce font les vierges Pl. 4. qui difent par la bouche du Roi Prophete :

I.

24.

2. Cor. 4.

10.

Nous sommes tous les jours mortifiées pour l'amour de vous; on nous regarde, & nous nous regardons nous-mêmes, comme des brebis destinées à la boucherie; & par celle de faint Paul: Nous portons toûjours en no tre corps la mortification du Seigneur Jefus,

afin que la vie de Jefus paroiffe auffi dans notre corps. Toute victime doit être immo-. lée à Dieu; & cela fe fait, ou par une mort violente quand il s'agit de défendre la Foi aux dépens de la vie, ou par une mortification continuelle. Les vierges qui ne peuvent prétendre à ce premier genre. de martyre, doivent fe procurer le fecond, qui dépend de leur zele pour JesusChrift. Elles ne peuvent pas toûjours être. égorgées par la main des bourreaux, mais elles ne peuvent le facrifier de leurs propres mains, en les armant de ces fupplices, innocens que l'amour de la penitence a inventez, pour punir, ou pour prevenir les revoltes du corps. Le premier de ces deux martyres eft plus cruel; mais le fecond eft plus ennuyeux par fa durée. L'un & l'autre font d'un grand prix devant Dieu, & nous délivrent des fupplices de l'enfer que les impenitens ne pourront éviter. Toute victime doit être falée, felon la parole de Jefus Chrift: falée, ou du fel de la colere de Dieu, ou du fel de penitence. Ne vaut-il pas mieux procurer à notre corps une immortalité glorieufe, en le délivrant par les rigueurs de la penitence, du poids de fa corruption, que de le rendre malheureusement immortel par le feu de la colere de Dieu, qui conferve les corps

Marc. 9

48.

des damnez au milieu des feux de l'autre vie. Comme la chair ne ceffe de refifter à l'efprit, on ne doit point ceffer de la mortifier. Une Vierge doit imiter faint 1. Cor. 9. Paul, & pouvoir dire aprés lui: Je ne cours point au hazard; je ne donne point des coups en l'air; mais je traite rudement mon corps,& je le reduis en fervitude, de peur qu'ayant prêché les autres, je ne fois reprouvé moi

26.

même.

Il eft vrai que tous les Peres recommandent la difcretion dans la pratique des aufteritez du corps, & ne veulent pas que l'on ruine fa fanté par des excés. La Vierge, dit faint Bafile, doit combattre tous les jours contre l'intemperance de la bouche, & ne la point quitter qu'elle ne l'ait vaincuë. Elle doit repri mer en elle tout ce qui pourroit entretenir la rebellion de la chair. Car fi elle s'abandonne au plaifir du goût, elle doit craindre que cette paffion fi baffe n'en réveille une autre encore plus honteuse, & ne lui enleve le trefor de la pureté qu'elle porte dans un vaiffeau de terre. Il faut que le goût d'une Epoufe de JefusChrift foit vierge auffi-bien qu'elle, & qu'il ne fe laiffe point corrompre par les attraits des viandes qui flattent fon apperit. Mais pendant qu'elle reprime la fen

fualité

се

fualité qui fe gliffe dans fa nourriture, « qu'elle prenne garde à ne fe pas jetter u dans l'autre extrémité ; c'eft-à-dire, dans ce une trop grande abftinence car il n'y a e pas moins de mal à rendre le corps inutile « par un excés d'inanition, qu'à le trop » nourrir par intemperance. Le corps traité « délicatement, regimbe comme un che- « val trop bien nourri, contre l'éperon; « mais fi on lui ôte la nourriture neceffaire, e il n'eft plus capable d'agir. Quand le corps « eft trop bien, il appefantit l'ame, & l'em- ce pêche de fe porter aux chofes fpirituelles: « Mais quand une trop longue abftinence « l'a rendu tout fec, tout foible & tout lan- « guiffant, il éteint la vivacité de l'efprit, il abbat fa vigueur, il étouffe les pensées fublimes.

Il faut garder une jufte médiocrité ; nourrir notre corps, parce que nous en avons befoin; le mortifier, parce qu'il eft rebelle; en chercher la fanté, parce que fans elle, il n'eft pas capable d'agir; lui retrancher la volupté, parce qu'elle n'eft propre qu'à le corrompre; craindre ces zeles immoderez, qui portent certaines perfonnes à faire des mortifications que Dieu ne commande pas, & qui les mettent en peu de temps faire les mortifications les

hors d'état de plus communes

Сс

1. Tim.

4. 8.

Ils font maigre durant quelques années, & ils jeûnent en des temps où l'Eglife ne jeûne pas Aprés quoi ils font obligez de faire gras tout le refte de leur vie, & de fe difpenfer des jeûnes dont les plus foibles d'entre les vrais Chretiens ne fe difpenfent pas. Il vaut mieux marcher plus lentement, & plus long-temps, que de fe mettre tout d'un coup hors d'haleine en courant. Je finis ces inftructions adreflées aux Vierges, par ces paroles de faint Paul: Les exercices qui ne mortifient que le corps, fervent à peu de chofe; mais la piete eft utile à tout, puifque c'est à elle les biens de la vie prefente, & ceux de la vie future ont été promis.

que

CHAPITRE XXI.

Que tous les vrais Chretiens doivent passer leur vie dans les larmes, & dans un continuel gemiffement.

A Prés avoir parlé des principaux de

voirs les differens états où les

que

hommes font engagez, leur impofent ; j'ai crû devoir finir cet Ouvrage par un devoir qui eft d'une obligation indifpenfable pour tous les Chretiens, en quelque état qu'ils foient. Je parle des larmes & du gemiffement qui ne fort point du cœur