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lée de larmes, rentre dans fon cœur pour foupirer après vous, & qui passe ainsi fa trifte vie dans ce lien d'exil où vous l'avez réduit.

Il ne faut pas s'étonner de ce que Dien traite ainfi fes ferviteurs, puifqu'il n'a pas mieux traité fon propre fils. Ce divin J.53 3 Sauveur eft appellé un homme de douleurs, & non pas un homme de plaifirs: Il ek dit de lui, qu'il fçavoit fouffrir, & non qu'il fçavoit fe divertir: Ses larmes font marquées dans l'Evangile, & fes ris n'y font point marquez: enfin il a mené une vie trifte & penitente pour confirmer fa doctrine par les actions. Tous ceux qui font fes difciples le doivent imiter. Les creatures mêmes qui n'ont point de raifon nous y invitent. Nous savons, dit 22.& faint Paul, que tant que ce fiecle dure, toutes les creatures foupirent de ce qu'elles font affujetties à la vanité, non de leur bon gré, mais par un ordre de la Provi dence, qui leur a promis de les délivrer quelque jour de cet aßerviffement à la corruption, pour les rendre participantes de la liberté de la gloire des enfans de Dien. Elles foupirent, elles font comme dans le travail de l'enfantement, parce qu'elles attendent avec impatience ce jour de la manifeftation des enfans de Dieu. Et non feulement elles, mais nous enco re; quoique nous

Rom. 8.

juiv.

poffedions

poffedions les premices de l'efprit, nous ne laiffons pas de gemir dans le fond de nos cœurs,

de foupirer en attendant le dernier effet de l'adoption divine, qui fera la redemption &la délivrance de nos corps. Et comme fi on lui eût demandé pourquoi il foupiroit, il ajoûte: C'est que nous ne sommes encore fauvez que par l'esperance: D'où il s'enfuit que nous ne poffedons pas le falut; car fi nous le poffedions, notre efperance cefferoit d'être efperance, puifque nul n'efpere ce qu'il voit, & ce qu'il tient entre fes mains. Que fi nous efperons ce que nous ne voyons pas encore, nous l'attendons, & nous avons befoin d'une grande patience pour l'attendre fi long-temps. Voilà ce qui nous fait gemir. Et parce que nous ne fçaurions gemir comme il faut, le faint-Efprit gemit lui-même en nous, il prie pour nous par des 1b.v.16. gemiffemens ineffables: Et celui qui penetre 27. le fond des cours, entend bien quel eft ce defir de l'efprit, & il fçait que ces gemiffemens

ces prieres que cet efprit forme en nous, font conformes aux deffeins de Dieu, qui ne nous laiffe fur la terre, qu'afin que nous y gemiffions, & que nous difions, accablez de trifteffe & d'ennui: Malhenreux que je fuis! qui me délivrera de ce corps de mort? Voyons maintenant dequoi nous devons gemir.

Kk

Rom. 71

24.

CHAPITRE XXII.

Que les Fideles ont de grandes raifons de gemir, qui font les miferes de cette vie, leur Separation & Leur éloignement de Dieu.

'Auteur du Pleaume 136. où les Juifs

L'font une fi trifte peinture des malheurs de leur captivité dans la ville de Babylone, a tracé une vive image de l'état où fe trouvent fur la terre les vrais enfans de Dieu. Le premier verfet de ce Pleaume, contient les deux raifons principales de leurs larmes & de leurs gemiflemens.

Affis, dit le Prophete, fur les bords des fleuves de Babylone, & nous fouvenant de Sion, nous nous mîmes à pleurer ; nous ne pûmes retenir nos larmes. Les Juifs pleuroient premierement de ce qu'ils étoient captifs à Babylone, & fecondement de ce qu'ils étoient éloignez de la ville de Jerufalem, qui ne pouvoit fortir de leur efprit, & à laquelle ils penfoient continuellement. Ce font ces deux mêmes, raifons qui font pleurer les juftes en cette vie: ils pleurent de ce qu'ils font releguez fur la terre, dont Babylone étoit la figure : ils pleurent toutes les fois qu'ils fe fouviennent de la ville celefte, où ils efperent entrer un jour, & dont la ville de Jerufa

lem étoit l'image : ils pleurent de ce qu'ils font captifs dans le monde, & obligez de vivre avec des hommes tout pleins de l'efprit du monde: car en cette vie, les bons font mêlez avec les méchans ; & comme

il

ya bien plus de méchans que de bons ce monde eft comparé à Babylone; parce que les méchans y font d'ordinaire les plus forts, & les gens de bien n'y font pas ce qu'ils veulent; ils font contraints de voir une infinité de chofes qui leur déplaifent. Bien loin de gagner les habitans. de Babylone à Jefus-Chrift, & de les faire paffer de l'amour des biens périffables, à l'amour des biens immortels, ils ont affez de peine à fe foutenir eux-mêmes dans la voye de l'Evangile. Il y a donc deux chofes qui les afflige dans le monde : la premiere renferme tous les defordres qu'ils voyent dans Babylone, fans. les pouvoir empêcher, & la perte d'une infinité de perfonnes qui periffent à leurs yeux, La feconde, eft le danger où ils font de périr eux-mêmes, & d'être entraînez, fures fleuves de Babylone, où le naufrage eft infaillible. C'est ce que le Prophete e aprime fi bien quand il dit: Affs fur les bords des fleuves de Babylone no pleurer. Les Juifs arriva it à Baby lone, s'abandonnerent aux plers, parce qu'ils y viKkj

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as nous aimes à

rent une infinité d'abominations; des idoles de tous côtez, des fuperftitions, des facrifices impies, le diable adoré, le vrai Dieu inconnu ou blafphemé, des impudi citez monftrueufes, des actions cruelles, un peuple barbare, infolent, méchant. Ceux d'entre eux qui craignoient Dieu, avoient l'ame déchirée de douleur, de ce que des hommes faits à l'image de Dieu, avoient moins d'entendement que les bêtes, & fe laiffoient emporter avec plus de brutalité à leurs infames defirs.

Les juftes qui vivent dans le monde fouffrent la même perfécution: fe voyant fur les bords des fleuves de Babylone, ils ne peuvent s'empêcher de pleurer. Ces fleuves de Babylone font les maximes pernicieuses que le monde a introduites pour détruire les maximes de l'Evangile. C'est la coûtume, que faint Auguftin appelle un fleuve & un torrent, qui entraîne la plus grande partie des hommes en mille chofes, qui ne paffent plus pour des pechez, quand elle les autorife. Ce font les mauvais exemples & les mauvais difcours des gens du monde, qui ne ceffent de tenter les enfans de Dieu, & de les inviter à venir avec eux fur ces maudits fleuves de Babylone. Ce font toutes les convoitifes des hommes charnels qui les engagent dans

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