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une infinité de crimes & d'abominations. Ce font tous ces defordres que le Sage déplore dans l'Ecclefiafte, comme des vanitez qui perdent la plupart des hommes. L'un s'embarque fur les fleuves de Babylone, dans le vaiffeau de l'ambition ;) l'autre dans celui de l'avarice, l'autre dans celui de la curiofité, l'autre dans celui de la volupté. Tous les objets de ces paffions, dit faint Auguftin, font des fleuves qui coulent avec rapidité, qui s'enfuïent tant qu'ils peuvent, que rien n'arrête, qui entraînent tout, & qui fe vont perdre dans les abîmes de la colere de Dieu.

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Or, le moyen de voir tant de naufrages, & la perte de tant d'ames que Dieu avoit créées pour les rendre heureuses & pour lesquelles Jefus - Chrift avoit répandu tout fon Sang; le moyen, dis-je, de les voir périr fans verfer des larmes ? Ne faudroit-il pas être de fer ou d'airain, pour voir d'un œil fec tous les maux qui fe commettent fur la terre ? 'Quand je confidere, dit le Sage les calomnies qui fe font fous le Soleil, les larmes que répand l'innocence opprimée, & qu'elle ne reçoit aucune confolation de qui que ce foit; les foibles deftituez de tout fecours, ne Sçauroient refifter à la violence de ceux qui les opprimenti je dis : Les morts font plus

que

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Eccl.4.3.

& fuiv.

beureux que ceux qui vivent ; mais j'eftime encore plus le bonheur de ceux qui ne font pas nez. Le moyen de ne pas pleurer, quand on confidere ce que David difoit de fon temps, & qui eft encore plus vrai Pf.13.30 du nôtre: Aujourd'hui fur la terre, à peine trouverez-vous un homme qui ait de l'intelligence, & qui cherche Dieu. Ils fe font tous détournez du droit chemin; ils font tous devenus inutiles, & même abominables: il n'y en a point qui faffe le bien ; il n'y en a pas un feul leur gozier eft un fepulcre ouvert; ils ne fe fervent de leur langue que pour tromper; ils ont fous leurs levres an venin d'afpic. Leur bouche eft remplie de malediction & d'amertume, leurs pieds vont vites pour répandre le fang: deftruction & mifere eft en leurs voyes, parce que leur conduite ne tend qu'à opprimer les autres &à les rendre malheureux: ils ne connoiffent point la voye de la paix ; ils n'ont point la crainte de Dieu devant les yeux. Il n'y fée 41. a plus: dit le Prophete, de verité, de mifericorde ni de fcience de Dieu fur la terre : Tout frere dreffe des pièges à fon frere, & il n'y a point d'ami qui n'use de déguisement & d'artifice.

La verité n'eft point écoutée, le menfonge donne la loi, les gens de bien font oppri mez, les méchans triomphent, le mérite ne

trouve plus d'appui, la faveur emporte tout, chacun pense à foi & n'églige les autres; l'ufage que l'on fait des richeffes eft effroyable, les pauvres font cruellement abandonnez: En un mot, de quelque côté qu'on regarde le monde, on n'y voit que des maux, & de triftes objets. Voilà ce qui afflige un homme de bien, & ce qui lui fait defirer la mort, auffi-bien qu'au Prophete

Elie. Il demanda à mourir, dit l'Ecriture; & il dit à Dieu: Il y a affez long-temps que je 19. 4. 3. Reg. fouffre, ô mon Dieu; otez-moi la vie : car je ne fuis pas meilleur que mes Peres: Le zele que j'ai pour le Seigneur, & le Dieu des armées, me confume: Je ne puis plus voir la bardieffe avec laquelle les enfans d'Ifraël abandonnent votre alliance, violent votre loi, font mourir vos Prophetes, & me cherchent pour me tuer, moi qui fuis resté feul à défendre vos interêts.

Mais il y a encore une autre peine qui afflige les gens de bien, & qui les touche de plus prés: c'eft qu'ils font fur les bords des fleuves de Babylone, & par confequent en danger ces fleuves peuvent de: border & les engloutir comme les autres. Il n'y a rien de fi aifé que d'imiter les enfans du fiecle, & de commettre le mal quand la coûtume & la multitude de ceux qui le commettent, lui ôte ce qu'il a de Kk iiij

plus affreux. Une tentation extraordinaire, une occafion imprévûë, les difcours de ceux que l'on voit & que l'on fre quente, & la complaifance, ne font que trop capables de nous attirer fur ces fleuEed. 1. ves: Qui fçait même, s'il eft digne d'amour faiv. ou de haine? Qui fçait s'il marche dans la voye étroite de Jefus. Chrift, ou dans la voye large de l'amour propre ? Tout nous porte au plaifir, à la grandeur, aux richeffes. La pente de notre ame va toûjours aux biens périffables; le demon nous y pouffe, le fiecle nous les prefente. La figure de ce mondei fe pare, s'ajuste, se farde, & fait tout ce qu'elle peut pour paroître belle à nos yeux, & pour amollir notre courage: elle fe montre revêtuë de tous les attraits; elle y joint les careffes les efperances, les promeffes, & tout ce qui peut flatter. Notre cœur, au lieu de fe défendre, eft d'intelligence avec nos ennemis. I fe trahit lui-même, il fe livre à Ja volupté, & il fait tout ce qu'il peut pour fe perdre & pour le corrompre.

Séduit, empoisonné par l'amour des faux biens de Babylone, il craint la vie chretienne, il cherhe les joyes du fiecle, il fuit les larmes de la penitence. Le corps fe joint à lui pour achever de le vaincre ; il refifte à l'efptit, il rend l'ame pefante,

il fe revolte contre la raifon, il cherche
des plaifirs, il écoute celle du peché, il
combat celle de Dieu, il nous empêche
de pratiquer le bien que nous connoiffons,
il nous entraîne au mal que nous con-
damnons. La loi eft fpirituelle, dit faint Rom. 7
Paul, & je fuis.charnel; la loi demande 14 fi
une ame libre de la contrainte des paffions,

je fuis comme vendu pour être affujetti
au peché. La loi demande un bon cœur,
je fçai qu'il n'y a rien de bon en moi, par-
ce que le peche y habite, & Dieu veuille
qu'il n'y regne pas. J'y trouve quelque-
fois la volonté de faire le bien, mais je n'y
trouve pas le moyen de l'accomplir. Auffi-
tôt que je le veux faire je fens dans mon
corps une loi qui s'y oppofe, & qui me rend
captif fous la loi du peche. Dela je conclus
que je fuis malheureux, & je dis : Helas!
qui me délivrera de ce corps de mort? Sije
confidere les prieres que je fais, je les
trouve fi foibles, ¡fi languiffantes, fi im-
parfaites, que je crains qu'elles n'irritent
plûtôt Dieu qu'elles ne l'appaifent: mon
efprit eft rempli de diftractions, mon
cœur eft plus fec qu'une peau expofée à la
gelée, je ne fuis maître ni de l'un ni de
l'autre l'un eft fujet à des penfées ex-
travagantes, l'autre eft agité par des mou-
vemens qui me font horreur; tout cela

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