vûë fans doute que la Providence a voulu qu'il y eût beaucoup de bons Livres, qui puffent fuppléer en quelque forte au défaut des Directeurs comme c'eft ce qui a fait naître à quelques perfonnes fort fages le defir d'en avoir un qui traitât plus expreffément & plus en détail que les autres, de la conduite que doivent fuivre ceux qui manque du fecours des Directeurs ; on s'y eft appliqué affez long-temps, & voici les avis que l'on a crû les plus propres à ces perfonnes.

CHAPITRE II.

Profiter des inftructions qu'on a eues de vive voix, de celles qu'on trouve dans les bons Livres,

peut

E premier avis que l'on donner

regarde ceux qui ont eu autrefois un Directeur. Car il y a peu de perfonnes de pieté, qui dans le commencement de leur converfion, n'ayent confulté quelqu'un pour apprendre les moyens de retourner à Dieu par une folide penitence. Ceux qui ont eu le bonheur de marcher durant quelque temps fous la conduite d'un homme felon fon cœur, n'ont qu'à continuer d'obferver les regles qu'il

Ieur a prefcrites. Ils ont dû faire au temps de l'abondance une fainte provision pour le temps de la difette, & imiter la fageffe de la fainte Viergei, dont il est dit qu'elle enfermoit dans fon cœur, & repaffoit dans fon efprit toutes les paroles de fon Fils. Car comme les veritez de l'Evangile ne changent pas, ce qu'il falloit faire au commencement de fa converfion, il le faut toûjours faire; & il n'y a qu'à fçavoir appliquer aux occafions particulieres, les principes generaux pour avoir une excellente regle de conduite. Les premiers Chretiens n'en avoient point d'autre : car il y avoit tres peu de Directeurs en ce temps - là. Les Apôtres qui étoient obligez de prêcher l'Evangile à tous les peuples, ne s'arrêtoient en chaque ville qu'autant de temps qu'il en falloit pour y former une Eglife. A peine étoit-elle formée, qu'ils en alloient planter une autre. Dés que l'Idolatrie étoit détruite dans une Ville, ou même dans tout un Païs, ils alloient ailleurs pour la combattre. Il eft vray qu'ils laiffoient quelques Prêtres dans les grandes Eglifes pour cultiver ces nouvelles plantes, & pour achever leur ouvrage mais outre qu'ils en laiffoient trop peu pour prendre un foin particulier

de chaque Neophite, ceux qu'on laiffoit étoient chargez de beaucoup de fonctions. Ainfi tout ce qu'ils pouvoient faire pour inftruire leurs oüailles, étoit de prêcher fouvent en public, & il falloit que chaque Fidele en particulier fe contentât de ces

inftructions communes.

Cependant, il n'y a rien de fi faint que la vie de ces premiers Chretiens. On ne leur parloit pas, à beaucoup prés, en particulier autant qu'on parle aujour d'huy mais ils avoient foin quand on prêchoit, ou quand ils pouvoient entendre en particulier leurs Pafteurs, de fe remplir des veritez du falut. Ils joignoient la lecture des Ecritures aux inftructions de vive voix, & fur tout la pratique à la connoiffance, & par là ils avançoient à grands pas dans les voyes de la fainteté : faifons la même chofe. Si nous rencontrons un homme de Dieu, un vrai Prophete, un bon Prêtre, bon Religieux, interrogeons-le fur toutes nos difficultez ; enfermons toutes fes réponses dans nôtre cœur, & ne manquons pas de mettre fes confeils en pratique toutes les fois que l'occafion s'en préfentera. On ne fçauroit croire de quelle utilité feroit cette maxime, fi l'on fçavoit en faire ufage; & combien on épar

un

gneroit de temps aux Directeurs, & de peine à foi-même fi on vouloit bien fe remettre dans l'efprit, lors que les diffi cultez arrivent, les inftructions & les regles qu'ils ont données en de femblables

occafions.

,

Ceux qui n'ont jamais eu ce bonheur, & l'avantage d'être formez à la pieté par un fage Directeur, doivent fuppléer à ce défaut par une grande application à lire & à méditer la parole de Dieu & les autres Livres de pieté qui font aujourd'huy fi communs. En voici quelques-uns que j'eftime tres utiles. Aprés le Nouveau Teftament, qui eft le premier & le plus excellent de tous les Livres, on doit fe donner de bonnes Heures, où l'on trouve au moins une partie de l'Office de l'Eglife en Latin & en François, l'Imitation de Jefus Chrift, les Pfeaumes de David. en Latin & en François, les Oeuvres de Grenade, & principalement la Guide des Pecheurs, & le Rodriguez. Ceux qui pourront en avoir d'avantage, y joindront l'Ancien Teftament, l'Année Chrétienne fur les Evangiles des Dimanches & Fêtes de l'année, les Effais de Morale, & autres Livres femblables; & ils feront tres-bien. Car s'il n'y a point d'Artifan qui ne fe fourniffe des inftrumens de fon

Art, s'il n'y a point de Voyageur qui ne s'informe des routes par où il doit paffer, s'il n'y a point de General d'Armée quin'étudie long-temps la Carte du Païs où il doit faire la guerre ; il me femble qu'il n'y a point de Chretien qui ne doive fe fournir de bons Livres, puis que c'eft là qu'il apprendra les routes de la vie Chretienne, les dangers qu'il y a fur la terre, & les moyens de les éviter.

Prov, 2.

27.

Mais en lifant l'Ecriture, il faut pren dre garde à ne point s'arrêter aux endroits difficiles & avoir toûjours devant les yeux cet avis du Sage: Ne cherchez point l'intelligence des choses trop élevées : n'approfondiffez point les queftions trop diffi ciles; mais arrêtez toutes vos pensées aux commandemens du Seigneur. Craignez Dieu; gardez fes Commandemens ; car c'est là le tout de l'homme.

2 Pct. 3.

Les Livres hiftoriques de l'Ecriture & ceux qui n'enferment que de la Morale, peuvent être lûs par toutes fortes de perfonnes. Les autres demandent plus de lumicre, d'efprit, de foi, & de foumiffion; parce qu'ils font pleins de myfteres ; & celui qui les veut penetrer en est souvent ébloui: ce qui a fait dire à faint Pierre, que dans les Epitres de faint Paul, aussi bien que dans le refte des Ecritures, il y a