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CHAPITRE X.

De l'obligation de travailler, & de fuïr l'oifiveté.

L

E travail eft un des devoirs de l'homme les moins communs & les plus négligez. On s'imagine qu'il n'y a que les pauvres qui foient obligez de travailler, & l'on voit tres-peu de riches qui prennent cette obligation pour eux. Cependant trois grandes raifons nous y obligent tous fans aucune exception. Premierement, Dieu condamna tous les hommes au travail, en la perfonne du premier, quand il lui dit aprés fon peché : La Gen. 3. terre fera maudite à caufe de votre defo- 27. beiffance Vous n'en tirere plus rien qu'à force de travail : elle produira des ronces & des épines: Vous ne mangerez plus de pain, que celui que vous aurez gagné à la fueur de votre visage. Or le commandement que Dieu fit à ce premier pecheur, eft une loi generale, dont nul ne fe peut difpenfer. Les riches y font tenus auffi-bien que les pauvres ; les Rois n'en font pas plus exemts que leurs fob. 5.7. fujets. L'homme eft né pour le travail, dit l'Ecriture; & faint Paul ne craint pas de dire en général : Celui qui ne veut pas 2. Theff.

3. 10.

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travailler, ne doit pas manger. Il eft vrai que tous ne peuvent pas faire le même travail autre eft le travail d'un Roi, autre celui d'un foldat: autre celui d'un Magiftrat autre celui d'un Marchand : autre celui d'un Gentilhomme autre celui d'un Laboureur: autre celui d'un Maître, autre celui d'un ferviteur, autre celui d'un Evêque, autre celui d'un Religieux: Tous ceux que je viens de nommer, ont des devoirs attachez à leur état; & le travail que Dieu demande de chacun d'eux, eft qu'ils s'acquittent fi delement de ces devoirs. Gouverner un Royaume, une Province, une Ville, un Diocese, une Paroiffe: Rendre la justice, reprimer le vice, appuyer la vertu employer fon autorité, fon temps, fon bien, fa fanté, fa vie même pour la gloire de Dieu, pour le bien de la Patrie, pour la confervation de l'Etat • pour le falut des ames, font des occupations excellentes, & dignes d'une couronne immortelle. Mais enfin, nul ne peut manquer au travail, fans manquer à l'obligation de faire penitence. C'eft pourquoi nous voyons que faint Paul, nonobftant les travaux continuels & les fatigues effroyables où fa Miffion l'engageoit, ne laiffoit pas de travailler pour gagner fa vie.

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17.

2. The

3.8.

Vous fçavel, dit-il aux Prêtres de l'E- 4.20. glife d'Ephefe, que ces mains , que ces mains que vous voyez, ont fourni à tout ce qui m'étoit neceffaire, & à ceux qui étoient avec moi. Et aux Corinthiens: Nous formes 1. Cor. abbatus de laffitude en travaillant de 4. 12. nos propres mains. Et à ceux de Theffalonique Vous n'ignorez pas que nous n'avons mangé gratuitement le pain de Perfonne : & que nous avons travaillé de nos mains jour & nuit › pour n'être à charge à aucun de vous. Ce n'est pas que nous n'en euffions le pouvoir, mais c'est que nous avons voulu nous donner pour modelle. Ainsi, lorsque nous étions avec vous, nous vous declarions que celui qui ne veut point travailler, ne doit point manger car nous apprenons qu'il y en a quelques uns parmi vous qui font déreglez, qui ne travaillent point, & qui Je mêlent de ce qui ne les regarde pas. Or nous ordonnons à ces perfonnes, e nous les conjurons par notre Seigneur JesusChrift, de manger leur pain, en travaillant en filence.

من

La feconde raifon qui nous oblige tous à travailler, eft l'exemple de Jefus Christ, qui a paffé toute la vie à travailler, ou dans la boutique de faint Jofeph, du métier de Charpentier, ou par fes pré

dications, & le zele qu'il avoit pour fauver les brebis perdues d'Ifraël: il ne travailloit pas par neceffité; & celui qui nourriffoit des Villes entieres dans le defert, pouvoit bien fe nourrir lui-même fans travailler. Cependant il a mené une vie laborieuse & penitente, pour nous donner un exemple de ce que nous devons faire car fes actions auffi-bien que fa doctrine nous enfeignent notre devoir. Toute la vie qu'il a menée fur la terre, a été une inftruction pour former & pour regler la nôtre; & l'on peche quand on n'imite pas celui que Dieu même nous a donné pour modelle. Ceux que Dieu a connus dans fa prefcience, dit faint Rom. 8. Paul, il les a prédeftinez pour être confor

S.Aug.,

19.

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mes à l'image de fon Fils. La derniere raifon qui nous oblige au travail, eft que l'oifiveté & l'inutilité de la vie, font des vices qui ne manqueront pas de nous perdre, fi nous ne les combattons. C'est pour cela que quelques Conciles ont obligé les Ecclefiaftiques même à apprendre un métier honnête, pour éviter l'oifiveté, & pour gagner leur vie à la fucur de leur vifage. Tous les Solitaires, & tous les Ordres Religieux ont établi le travail, comme un des principaux exercices de la vie Chretienne. Ces grands hommes

avoient

avoient deffein de remplir leur vie, de n'y laiffer aucun vuide, & d'éviter l'oifivité, parce qu'ils fçavoient qu'un homme qui n'a point d'occupations faintes, en a de mauvaifes, l'inutilité ouvrant la porte à tous les vices, & la fermant à toutes les vertus. Auffi la plûpart nous affurent que fi celui qui travaille n'eft attaqué que d'un feul demon, celui qui ne travaille point en a mille qui lui font la guerre.

Il n'y a rien qui amolliffe davantage la vigueur de l'ame, que l'oifiveté : ce vice la tient toûjours dans la langueur, il l'empêche d'agir, il engourdit le cœur, il obfcurcit l'efprits il empêche le premier de former de bons mouvemens; le fecond d'avoir de bonnes penfées : & fi dans ce temps-là les tentations s'élevent, fi les occafions le prefentent, fi la convoitise s'allume, fi les paffions s'irritent, on peut dire que cette ame eft perduë; le demon y entre de tous côtez, il l'attaque & la bleffe, parce qu'elle eft fans défenfe & abandonnée à tous les traits de fes ennemis. Un tel homme dans fa chambre eft lâche, pareffeux, & incapable de rien faire pour fon falut; hors de chez lui, il eft errant & vagabond, il ne fçait ce qu'il fait; il ne peut vivre fans com

G

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