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Le sonnet du XVIe siècle sourit rarement; il ne rit jamais; la lchanson, elle, rit, et de si bon cœur qu'il serait bien difficile de citer quelques couplets; elle a d'ailleurs rarement un mérite littéraire 1. Ce n'est guère que dans Chapelle que nous trouvons la gaieté unie au souci de la forme; la postérité a conservé son Petit voyage (en Languedoc et en Provence), qu'il écrivit tantôt en vers, tantôt en prose, passant de temps à autre a plume à son ami Bachaumont (1624-1702).

XXI. SATIRE.

Arrivons enfin au dernier genre, à celui qui, grâce à Boileau, a brillé d'un si vif éclat au XVIe siècle, à la satire. Il ne faut pas croire cependant que Boileau ait eu l'honneur de ranimer la satire dans le siècle de Louis XIV: « Les Linière, les Furetière 2, enfants perdus de la bonne cause, préparèrent, par leurs escarmouches, le grand combat que conduisit Boileau 3. » Mais leur nom a disparu dans la gloire de celui qui est resté le Satirique par excellence, dénomination un peu injuste pour ses devanciers, un peu injuste aussi pour lui-même, car ce nom efface le souvenir de ses autres œuvres, dont quelques-unes sont peut-être supérieures aux Satires. Nous ne suivrons pas ici Boileau dans le combat qu'il livra au nom de la raison et du vrai contre le mauvais goût et le bel esprit triomphants et honorés ; nous ne le suivrons ni dans le développement des préceptes qu'il donne magistralement aux poètes, ni dans sa guerre tardive contre les ennemis de Port-Royal : nous avons esquissé les trois périodes de sa vie littéraire dans la Notice que l'on trouvera en tête des pages que nous lui avons empruntées. Nous ne réfuterons pas non plus les accusations portées contre lui; nous ne répéterons pas les éloges enthousiastes que

1. Cependant quelques couplets de Linière (1628-1704), un des ennemis de Boileau, sont d'un homme d'esprit.

2. Ajoutons les Du Lorens (1583-1658).

3. M. MARCOU Étude sur Pellisson, p. 146.

4. Rappelons ici la fameuse Querelle des anciens et des modernes, qui contenait en germe la lutte des classiques et des romantiques, et qui a eu pour historien Hippolyte Rigault 1821-1858). Desmarets de Saint-Sorlin avait déclaré les modernes supérieurs aux anciens, et Charles Perrault avait émis le même avis dans le Siècle de Louis XIV (1687) et dans le Parallèle des anciens et des modernes (1688-1698). Ils furent combattus par Longepierre, par Huet (1630-1721), par madame Dacier (1654-1720), et surtout par Boileau qui écrivit les Réflexions sur Longin. Fénelon, dans sa Lettre sur les occupations de l'Académie, tentera en 1714 de concilier les opinions opposées.

lui ont décernés quelques critiques. Nous nous contenterons de dire que Boileau, comme Descartes, a rarement sacrifié aux Graces, mais qu'il n'est pas de poèmes, dans aucune langue, qui se recommandent plus que les siens par la sage proportion du développement, par l'heureux choix des idées, par le soin constant des transitions, par l'exactitude de l'expression, par l'aisance de la construction, par la correction élégante du tour, et enfin et surtout par la droiture du sentiment et par l'élévation de la pensée; le culte de l'honneur et la bonté, malgré ses rigueurs de satirique, voilà les deux qualités maîtresses du poète, qui disait dans son Art poétique 1 :

Le vers se sent toujours des bassesses du cœur,

et qui, avec ses grandes qualités et ses petits défauts, est resté dans nos esprits la personnification la plus exacte et la plus complète du siècle qu'il a régenté.

1. IV, 110.

Mai 1883.

DES

CLASSIQUES FRANÇAIS

DU XVII SIÈCLE

FARET
(1600-1646)

Nicolas Faret, secrétaire du comte d'Harcourt, jouit, grâce à ces deux vers de son ami Saint-Amant :

Chère rime de cabaret,

Mon cœur, mon aimable Faret,

d'une déplorable réputation d'ivrogne. Dans la Comédie des Académiciens, Saint-Évremond lui feră dire par Saint-Amant (I, 1) : Allons, mon cher Faret,

Trouver proche d'ici quelque bon cabaret.

Les deux amis ne reparaîtront qu'au troisième acte, et dans quel état! On connaît aussi les vers de Boileau (Art poétique, I, 21-22): Ainsi, tel autrefois qu'on vit avec Faret

Charbonner de ses vers les murs d'un cabaret, etc.

Cependant les œuvres de Faret, et en particulier des Vertus nécessaires à un prince (1623) et l'Honnéte Homme ou l'Art de plaire à la cour (1630) semblent donner un démenti formel à cette imputation, et peu s'en faut que nous n'accordions à Faret, avec Pellisson dans son Histoire de l'Académie, « beaucoup de pureté et de netteté dans le style, beaucoup de génie pour la langue et l'éloquence. » Ses poésies ne valent pas ses Lettres et sa traduction de l'Histoire romaine d'Eutrope (1621); mais Faret écrit mieux en prose que Descartes, bien qu'on appelle le Discours de la Méthode (1637) le premier monument de la prose française.

COQUETTERIE DES FEMMES

Il ne s'en voit guères qui ne désirent être belles, ou du moins de le paraître. C'est pourquoi, lorsque la nature leur

a manqué en ce point, elles font venir l'artifice au secours. Et de là leur naissent tant de soins ridicules de s'unir le teint, pour sembler jeunes; de composer leurs regards, pour s'adoucir les yeux; de s'agencer les cheveux pour s'égaler le front; de s'arracher les sourcils pour se rendre l'air du visage moins rude; et enfin de se refaire, si elles pouvaient, jusques aux trails et aux linéaments qui leur sont empreints de la main de Dieu, comme des caractères que l'on ne saurait effacer. Ainsi l'on voit que cette trop visible affectation et cette envie déréglée qu'elles ont de paraître belles font que meme nos yeux souffrent en les regardant, et montrent clairement que cette grâce, qu'elles étudient, est une leçon qui ne se peut apprendre que de celles qui semblent la vouloir ignorer. Aussi ne peut-on nier qu'une dame, qui, après s'être parée, l'a su faire si dextrement que ceux qui la considèrent sont en doute si seulement elle a songé à s'ajuster, ne soit plus agréable qu'une autre, qui, non contente de se sentir accablée sous la pompe de ses habits, ose bien encore se montrer si plâtrée qu'il semble qu'elle n'ait qu'un masque au lieu d'un visage, et qu'elle n'ose rire de peur d'en faire paraitre deux 1.

(L'Honnête Homme ou l'Art de plaire à la cour.
éd. de 1634, p. 39-41.)

DE LA MODE DES HABITS

Pour être bien, il ne faut rien porter de particulier ni d'extravagant, et il faut que les habits soient assortis et bien entendus. Quantité de femmes jugent de l'esprit des hommes par leur façon de s'habiller, et ne peuvent s'imaginer qu'ils soient bizarres 2 en la forme de leur chapeau ou de leur pourpoint, et qu'ils ne le soient pas en leurs humeurs. L'âge encore se considère en ce point : car un vieillard serait ridicule dans un manteau de velours nacarat 3 ou grisde-lin, et un jeune homme n'aurait guères bonne gràce d'être toujours couvert de noir, ou d'autres couleurs obscures. Sur toutes choses, il faut être curieux de la mode *. Je n'entends pas celle de quelques étourdis d'entre les jeunes gens de la

1. Voir dans nos Morceaux choisis du xvIII° siècle une page de J.-J. Rousseau sur la Simplicité dans la mise.

2. Voir le morceau de La Rochefoucauld intitulé l'Amour 3. Couleur entre l'orange et le rouge.

4. La rechercher, la suivre.

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