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Qui doit y soulever un peuple de mutins.
Ainsi le ciel l'écrit au livre des destins.

A ce triste discours, qu'un long soupir achève,
La Mollesse, en pleurant, sur un bras se relève,
Ouvre un œil languissant, et, d'une faible voix,
Laisse tomber ces mots, qu'elle interrompt vingt, fois
<«< O Nuit! que m'as-tu dit? quel démon sur la terre
Souffle dans tous les cœurs la fatigue et la guerre?
Hélas! qu'est devenu ce temps, cet heureux temps,
Où les rois s'honoraient du nom de fainéants'
S'endormaient sur le trône, et, me servant sans honte,
Laissaient leur sceptre aux mains ou d'un maire ou d'un comte.
Aucun soin n'approchait de leur paisible cour:

On reposait la nuit, on dormait tout le jour.
Seulement au printemps, quand Flore dans les plaines
Faisait taire des vents les bruyantes haleines,
Quatre bœufs attelés, d'un pas tranquille et lent,
Promenaient dans Paris le monarque indolent.
Ce doux siècle n'est plus. Le ciel impitoyable
A placé sur leur trône un prince infatigable.
Il brave mes douceurs, il est sourd à ma voix;"
Tous les jours il m'éveille au bruit de ses exploits.
Rien ne peut arrêter sa vigilante audace :
L'été n'a point de feux, l'hiver n'a point de glace.
J'entends à son seul nom tous mes sujets frémir.
En vain deux fois la Paix a voulu l'endormir:
Loin de moi son courage, entraîné par la gloire,
Ne se plaît qu'à courir de victoire en victoire..
Je me fatiguerais à te tracer le cours

Des outrages cruels qu'il me fait tous les jours.
Je croyais, loin des lieux d'où ce prince m'exile,
Que l'Église du moins m'assurait un asile :
Mais en vain j'espérais y régner sans effroi;
Moines, abbés, prieurs ", tout s'arme contre moi.
Par mon exil honteux la Trappe est ennoblie ;

1. Cet heureux temps dura de 673 à 752.

2. Un maire du palais.

3. La déesse des fleurs.

4. Louis XIV s'empara de la Franche-Comté pendant le mois de février de T'année 1668.

5. Les abbés sont les chefs des abbayes; les prieurs, les supérieurs de certaines abbayes appelées prieurés.

6. « Abbaye de saint Bernard, dans laquelle l'abbé Armand le Bouthillier de Rancé a mis la réforme.» (BOILEAU.)

J'ai vu dans Saint-Denis la réforme établie1;
Le Carme, le Feuillant s'endurcit aux travaux ;
Et la règle déjà se remet dans Clairvaux.
Citeaux dormait encore, et la Sainte-Chapelle
Conservait du vieux temps l'oisiveté fidèle ;
Et voici qu'un lutrin, prêt à tout renverser,
D'un séjour si chéri vient encor me chasser!
O toi, de mon repos compagne aimable et sombre,
A de si noirs forfaits prêteras-tu ton ombre?
Ah! Nuit, si tant de fois, dans les bras de l'Amour,
Je t'admis aux plaisirs que je cachais au jour,
Du moins ne permets pas.... » La Mollesse oppressée
Dans sa bouche à ce mot sent sa langue glacée;
Et, lasse de parler, succombant sous l'effort,
Soupire, étend les bras, ferme l'œil et s'endort 5.

(Le Lutrin, ch. II, 71-136.)

STANCES A MOLIÈRE

Sur la comédie de l'École des Femmes, que plusieurs gens frondaient (1663) ®.

En vain mille jaloux esprits,
Molière, osent avec mépris
Censurer ton plus bel ouvrage7:
Sa charmante naïveté

S'en va pour jamais, d'âge en âge,
Divertir la postérité.

1. C'est le cardinal de la Rochefoucauld, commissaire général pour la réforme des ordres religieux en France, qui avait mis en 1633 la réforme dans l'abbaye de Saint-Denis.

2. Les Carmes tirent leur nom du mont Carmel, en Palestine. Saint Louis, à son retour de la Terre sainte, ramena des moines de cet ordre.

3. Les Feuillants, qui avaient adopté la règle de saint Bernard, avaient un couvent près de Toulouse, et un autre à Paris.

4. Abbaye fondée par saint Bernard, en Champagne; elle avait la règle de Citeaux.

5. Aussitôt après la publication du Lutrin, Mme Henriette, se rendant un matin, au bras du roi, à la chapelle, se pencha en passant vers Boileau, et lui dit à demi-voix ce dernier vers. C'était l'éloge le plus flatteur qu'elle pût adresser au poète.

6. L'École des Femmes avait été représentée le 22 décembre 1662, et Molière reçut les stances de Boileau le 1er janvier 1663.

7. Molière n'avait encore donné que l'Étourdi, le Dépit amoureux, les Précieuses ridicules, Sganarelle, et l'Ecole des maris.

Que tu ris agréablement !
Que tu badines savamment!
Celui qui sut vaincre Numance 1,
Qui mit Carthage sous sa loi 2,
Jadis sous le nom de Térence 3
Sut-il mieux badiner que toi ?

Ta muse avec utilité

Dit plaisamment la vérité;
Chacun profite à ton École;
Tout en est beau, tout en est bon,
Et ta plus burlesque parole
Vaut souvent un docte sermon.

Laisse gronder tes envieux *.
Ils ont beau crier en tous lieux
Qu'en vain tu charmes le vulgaire,
Que tes vers n'ont rien de plaisant :
Si tu savais un peu moins plaire,
Tu ne leur déplairais pas tant.

(Poésies diverses.)

ÉPIGRAMMES

Ι

Vers en style de Chapelain pour mettre à la fin de son poème de La Pucelle.

Maudit soit l'auteur dur, dont l'àpre et rude verve,
Son cerveau tenaillant, rima malgré Minerve 5;
Et, de son lourd marteau martelant le bons sens,
A fait de méchants vers douze fois douze cents!

1. Scipion Émilien, qui s'empara de Numance en l'an 133 av. J.-C. 2. En l'an 146 av. J.-C.

3. On a supposé que Scipion Émilien avait collaboré aux œuvres de Térence, le plus délicat des roetes latins.

4. Moliere leur répondit par un petit chef-d'œuvre en un acte, la Critique de l'Ecole des Femmes.

5. « Tu ne diras et ne feras rien malgré Minerve. » (HORACE, Épîre aux Pisons, 385.)

6. « La Pucelle a douze livres, chacun de douze cents vers. >>

(BOILEAU.)

JI

Sur un portrait de l'auteur (1699).

Ne cherchez point comment s'appelle
L'écrivain peint dans ce tableau :
A l'air dont il regarde et montre la Pucelle1,
Qui ne reconnaîtrait Boileau ??

4. Le fameux poème épique de Chapelain.

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2. « En 1699, Boileau me donna son portrait peint en grand par Santerre. Il y est représenté souriant finement et montrant du doigt la Pucelle, ouverte sur une table. Il accompagna son présent de cette épigramme. (BROSSETTE.) C'est dans le Dialogue des héros de roman que Boileau a exhale le plus longuement sa colère contre la Pucelle: « PLUTON. Voici encore une héroïne qui ne se hâte pas trop, ce me semble, de s'en aller. Mais je lui pardonne car elle me parait si lourde de sa personne, et si pesamment armée, que je vois bien que c'est la difficulté de marcher, plutôt que de la répugnance à m'obéir, qui l'empêche d'aller plus vite. Qui est-elle ? DIOGENE PouvezVous ne pas reconnaitre la Pucelle d'Orléans ? PLUTON. cette vaillante fille qui délivra la France du joug des Anglais ? C'est elle-même. PLUTON. Je lui trouve la physionomie bien plate et bien peu digne de tout ce qu'on dit d'elle. DIOGÈNE. Elle tousse et s'approche de la balustrade. Écoutons. C'est assurément une harangue qu'elle vous vient faire, et une harangue en vers; car elle ne parle plus qu'en vers. PLUTON. A-t-elle en effet du talent pour la poésie ? DIOGÈNE. Vous

l'allez voir.

PLUTON.

LA PUCFLLE.

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"O grand prince, que grand dès cette heure j'appelle,
« Il est vrai, le respect sert de bride à mon zèle;
Mais ton illustre aspect me redouble le cœur,
Et, me le redoublant, me redouble la peur.
A ton illustre aspect mon cœur se sollicite,
Et, grimpant contre mont, la dure terre quitte.
Oh! que n'ai-je le ton désormais assez fort

« Pour aspirer à toi sans te faire de tort!
Pour toi puissé-je avoir une mortelle pointe
Vers où l'épaule gauche à la gorge est conjointe!
Que le coup brisât l'os, et fit pleuvoir le sang

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C'est donc là
DIOGÈNE.-

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DIOGÈNE.

Belle

« De la temple, du dos, de l'épaule et du flanc. » Quelle langue vient-elle de parler ? demande française. PLUTON. Quoi? c'est du français qu'elle a dit: je croyais que ce fut du bas-breton ou de l'allemand, Qui lui a appris cet étrange français-là ? DIOGÈNE.- C'est un poète chez qui elle a été en pen. sion quarante ans durant. - PLUTON. Voilà un poète qui l'a bien mal élevée. - DIOGENE. - Ce n'est pas manque d'avoir été bien payé, et d'avoir exactement touché ses pensions. Voilà de l'argent bien mal employé. »

PLUTON.

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Contre la théorie de Malebranche de la Vision en Dicu. 26

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